2  -  Document 2 : Mécanismes à l'origine des signes clinico-biologiques de la réaction inflammatoire

2 . 1  -  Signes cliniques

  • Douleur : Certains médiateurs, comme la bradykinine, libérés à la phase d'initiation de la réponse inflammatoire stimulent les voies nociceptives. La douleur elle-même peut entretenir un processus inflammatoire. Des neuropeptides comme la substance P peuvent stimuler des cellules inflammatoires et entraîner la libération de médiateurs vasoactifs ou chimiotactiques (Cf. interdépendance des systèmes neuro-immuno-endocriniens).
  • Rougeur-Œdème-Chaleur : A la suite d'une agression tissulaire, une réaction vasculaire se développe rapidement. Elle se traduit par une étape très brève de vasoconstriction artériolaire, suivie par une vasodilatation des petits vaisseaux. Celle-ci entraîne une rougeur locale, un gonflement, une augmentation de la chaleur locale. C'est la libération de médiateurs vasoactifs (sérotonine, bradykinine, cytokines d'origine plaquettaire comme le VEGF) qui entraînent une vasodilatation mais aussi une augmentation de la perméabilité vasculaire. Celle-ci entraîne une exsudation plasmatique avec œdème du tissu interstitiel. Cette phase vasculaire s'accompagne d'une augmentation locale de la viscosité sanguine, d'une activation locale des cellules endothéliales (expression de molécules d'adhérence, production de cytokines), des plaquettes (adhésion, agrégation, dégranulation avec libération d'amines vasoactives, de cytokines) qui vont contrôler l'hémostase mais aussi initier la réponse inflammatoire. L'augmentation de la perméabilité vasculaire, l'action de facteurs chimiotactiques (amines et cytokines chimiotactiques), l'expression de molécules d'adhérence vont favoriser la phase cellulaire avec l'afflux local de leucocytes (margination, migration trans-endothéliale). Ces leucocytes préactivés par les facteurs chimiotactiques puis activés localement dans le foyer inflammatoire libèrent leurs médiateurs pro-inflammatoires (médiateurs lipidiques, cytokines, chémokines) et des médiateurs toxiques (protéines cationiques, radicaux libres…). La libération de ces médiateurs est un facteur d'entretien et d'amplification de la réaction. Des systèmes de contrôle vont se mettre en place pour limiter le processus (cf étape de réparation).
  • Fièvre : Des médiateurs lipidiques comme la PGE2 et surtout les cytokines pro-inflammatoires comme l'IL-1, l'IL-6, le TNF alpha agissent sur l'hypothalamus et les systèmes de contrôle de la thermorégulation.
  • Anorexie : Elle est liée à l'élévation des taux de leptine au cours des réactions inflammatoires.
  • Asthénie-Troubles du sommeil : Ils sont liés à l'action des cytokines pro-inflammatoires sur l'hypothalamus.
  • Amaigrissement : Il est aussi lié à l'action des cytokines pro-inflammatoires sur les muscles (TNF alpha aussi appelé cachectine).
  • Athérosclérose : C'est une maladie inflammatoire chronique des grosses artères à localisation intimale initiée par des LDL oxydées (LDL ox). Ces LDL ox induisent entre autre l'expression de VECAM-1 et d'ICAM-1 à la surface des cellules endothéliales. La réactivité des cellules endothéliales au stimulus LDL ox est probablement sous contrôle génétique. Les statines seraient donc indirectement et dans ce contexte des thérapeutiques anti-inflammatoires majeures.

2 . 2  -  Signes biologiques

Les progrès dans la connaissance des mécanismes physiopathologiques impliqués dans la réponse inflammatoire ont été à l'origine du développement de méthodes d'explorations nouvelles et variées. Devant ce foisonnement, il importe de faire la part entre les examens qui apportent une information réellement utile pour le diagnostic ou la prise de décision et les examens en cours de validation dont l'indication doit encore être réservée aux protocoles de recherche clinique. :

  • Examens utiles et validés : Hémogramme, Vitesse de Sédimentation, Electrophorèse des protéines sériques, " profil protéique ".
  • Examens à valider : dosage des cytokines et chémokines, des formes solubles de molécules d'adhésion, des médiateurs lipidiques.

2 . 2 . 1  -  Hémogramme

2.2.1.1. Anémie Inflammatoire
Au cours des syndromes inflammatoires chroniques apparaissent une hyposidérémie et une anémie rarement inférieure à 8 g/dL. La ferritinémie augmente, la capacité totale de fixation de la sidérophylline tend à diminuer. Au contraire, en cas de carence martiale, les stocks en fer de l'organisme s'épuisent et afin d'essayer de compenser ce déficit, la capacité totale de fixation de la sidérophylline augmente. Dans une situation mixte inflammatoire et carentielle, la ferritinémie peut être anormalement normale voire diminuée. Si l'on retrouve une augmentation de la capacité totale de fixation de la sidérophylline au cours d'un syndrome inflammatoire, c'est qu'il y a une carence martiale qui va être confirmée par le dosage de la ferritinémie.

2.2.1.2. Hyperleucocytose
Une hyperleucocytose peut être liée à l'action de cytokines (facteurs de croissance, de différenciation, de chimiotactisme) ou de chémokines. Certaines chémokines exercent un effet ciblé sur certaines lignées de cellules sanguines ; l'IL-8 sur le polynucléaires neutrophile, l'éotaxine sur l'éosinophile, le MCP-1 (Monocyte Chemo-attractant 1) sur les monocytes.

2.2.1.3. Hyperplaquettose
On note parfois une hyperplaquettose (Cf. Thème hémostase et inflammation). Les interactions plaquettes-cellules endothéliales et leucocytes-cellules endothéliales joue un rôle déterminant au cours d'une réaction inflammatoire, notamment grâce à l'action des molécules d'adhérence. Des molécules d'adhésion existent sous forme soluble dans le plasma. L'intérêt de ces " marqueurs " fait l'objet d'analyses dans le cadre de protocoles de recherche clinique.

2 . 2 . 2  -  Vitesse de sédimentation (VS)

La vitesse de sédimentation ou VS reste un examen de première intention indispensable. Les protéines de l'inflammation sont responsables d'une modification de la viscosité plasmatique, qui conduit à l'empilement des hématies en "rouleaux " qui sédimentent plus vite à 1 G que les hématies isolées. Examen biologique de routine de premier recours, dans bon nombre de démarches diagnostiques, la VS a pourtant bien des limites. Des facteurs physiologiques ou des situations non inflammatoires peuvent l'augmenter. Par ailleurs sa normalité peut rassurer à tort. Lorsque devant une situation fruste, la VS est le seul paramètre perturbé, après un bilan simple de première intention, il faut établir une stratégie diagnostique qui doit tenir compte de la rentabilité des examens complémentaires et des coûts entrainés par leur prescription. En cas d'élévation de la VS, avant de conclure que cette élévation est due à un problème inflammatoire, il est indispensable de réaliser une électrophorèse des protéines sériques pour éliminer une dysglobulinémie mono ou polyclonale. De même, l'anémie et la grossesse entraînent une élévation de la VS.

2 . 2 . 3  -  Electrophorèse des protéines sériques

Au cours du syndrome inflammatoire, on note des modifications des taux des protéines plasmatiques. Certaines de ces modifications sont liées à l'activité de cytokines pro-inflammatoires, notamment l'IL6 qui agit sur la synthèse protéique des hépatocytes. Le profil électrophorétique normal permet d'individualiser cinq fractions de l'anode vers la cathode : l'albumine (33 à 50g/l), les a1 globulines (1.5 à 4 g/l) qui comprennent l'a1 antitrypsine, l'orosomucoïde et l'a1 antichymotrypsine ; les a2 globulines (6 à 10 g/l) qui comprennent notamment l'alpha 2 macroglobuline, l'haptoglobine, la céruléoplasmine ; les b2-globulines (6 à 13 g/l) qui comprennent notamment la transferrine, le composant C3 du complément et les g globulines (7.5 à 16 g/l) qui comprennent les immunoglobulines.
L'électrophorèse des protéines peut confirmer le syndrome inflammatoire en cas d'augmentation des fractions a1 et a2 globulines associée à une hypoalbuminémie.

2 . 2 . 4  -  Dosage des protéines de l'inflammation ou "profil protéique"

Les modifications du taux des protéines sériques peuvent êtres dosées en immuno-néphélométrie et l'évaluation dans le temps des taux sériques peut avoir une grande valeur indicative. Trois groupes de protéines de la réponse inflammatoire ou PRI peuvent être individualisés en fonction de leurs propriétés.

2.2.4.1. Les PRI à amplitude de variation élevée
Les taux sériques peuvent être très élevés, jusqu'à 1000 fois la normale ; le délai de réponse est rapide (6 à 12 h) et la demi vie courte (1 jour). Parmi ces PRI, on peut classer la protéine C-réactive ou CRP (la CRP a une action opsonisante favorisant la phagocytose des cellules apoptotiques et active le complément) ; la protéine sérique amyloïde A ou SAA ; la procalcitonine. Le dosage de la CRP est justifié pour la recherche et le suivi d'un processus inflammatoire débutant. Des données récentes indiquent que des taux sériques élevés de procalcitonine seraient un indicateur précieux dans le cadre d'inflammations d'origine bactérienne.

2.2.4.2. Les PRI à amplitude de variation plus modérée
Les taux sériques sont de 200 à 400 fois la normale ; le délai de réponse est plus long (12 à 14 h) et la demi-vie plus longue (2 à 6 jours). Parmi ces PRI, on peut classer les anti-protéases (a1 antitrypsine, a1 antichymotrypsine), l'orosomucoïde, l'haptoglobine, le fibrinogène. A noter que l'haptoglobine se lie avec l'hémoglobine libre et permet son épuration.

2.2.4.3. Les PRI à amplitude de variation plus faible
Les taux sériques sont de 0.5 fois la normale, le délai de réponse est plus long (plus de 48 h) et la demi-vie est longue (3 à 5 jours). Parmi ces PRI, on peut classer la céruléoplasmine, la fraction C3 du complément.

2.2.4.4. Interprêtation des PRI
Ainsi, pour interpréter les PRI dans le contexte d'un syndrome inflammatoire, il faut juger de l'élévation des taux mesurés en fonction de la PRI dosée et du stade d'évolution du processus inflammatoire. Dans ce contexte, on notera en parallèle l'abaissement du taux d'autres protéines plasmatiques telles que l'albumine ou la transferrine. Il est important de noter que les taux de certains PRI ne sont pas augmentés en cas de syndrome inflammatoire associé à une autre pathologie, ce qui peut compliquer l'interprétation des résultats. Ainsi :

  • L'haptoglobine est abaissée en cas d'hémolyse ;
  • La CRP est abaissée en cas de poussée lupique ;
  • Le fibrinogène est abaissé en cas de CIVD ;
  • Les fractions du complément peuvent être " consommées " en cas de maladies à complexes immuns comme dans le lupus.

2 . 2 . 5  -  Autres marqueurs de l'inflammation

Cette enquête ne sera indiquée que dans le cadre de protocoles de recherche clinique.

2.2.5.1. Les chémokines et les cytokines
La complexité de l'implication des cytokines dans la réponse inflammatoire et des interactions avec leurs récepteurs membranaires permet de juger de leur " valeur " très relative comme témoin potentiel d'un processus inflammatoire. Ainsi, l'immunodosage par ELISA de cytokines ou de récepteurs solubles de cytokines dans les liquides biologiques n'est pas justifié en pratique courante pour l'évaluation ou le suivi d'un processus inflammatoire. Les contraintes de recueil et de traitement des échantillons, les difficultés de standardisation sont autant d'écueils qui rendent délicate l'interprétation des résultats.

2.2.5.2. Les médiateurs lipidiques
En raison des difficultés liées aux conditions d'analyse et à l'interprétation des taux circulants de ces médiateurs de demi-vie brève à action locale ; le dosage du PAF-acether, de la PGD2, du LTC4 est actuellement réservé aux protocoles de recherche clinique.

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