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Les causes d’ictère sont très nombreuses. Elles sont séparables en deux catégories selon la prédominance de l’augmentation sur la bilirubine non conjuguée ou sur la bilirubine conjuguée.
Les principales causes en sont l’hyperhémolyse ou la dysérythropoïèse et la diminution de l’activité de la bilirubine glucuronide transférase.
a. Hyperhémolyse et dysérythropoïèse
Toutes les causes d’hyperhémolyse peuvent donner un ictère (dit alors hémolytique). L’hyperhémolyse peut ne pas s’accompagner d’anémie lorsqu’elle est compensée par une régénération médullaire accrue des hématies (les réticulocytes sont augmentés). La dysérythropoïèse est caractérisée par une destruction intramédullaire des hématies nouvellement formées (les réticulocytes ne sont pas augmentés).
b. Diminution de la conjugaison par la bilirubine-glucuronide-transférase
Elle a plusieurs causes. Chez le nouveau-né, la maturation complète de cette activité enzymatique peut être retardée de quelques jours expliquant en partie l’ictère néonatal dit physiologique qui n’est jamais marqué et disparaît rapidement. Deux anomalies génétiques fort différentes déterminent une diminution constitutive de l’activité enzymatique : le syndrome de Gilbert et le syndrome de Crigler-Najjar.
Le syndrome de Gilbert
Ce syndrome est une affection totalement bénigne et très fréquente (3 à 10 % de la population). Il doit être considéré comme un polymorphisme non pathogène. C’est pourquoi le terme « Maladie de Gilbert », souvent employé, est impropre. Il est transmis sur le mode autosomal récessif (et non pas dominant comme il était pensé antérieurement). Il est dû à une mutation du gène promoteur de la bilirubine glucuronyl transférase. Cette mutation est nécessaire mais non suffisante à l’expression de ce syndrome. D’autres facteurs sont nécessaires à l’expression clinique : soit une hyperhémolyse ou une dysérythropoïèse mineure, soit un défaut de captation de la bilirubine par l’hépatocyte.
L’expression est une hyperbilirubinémie portant exclusivement sur la bilirubine non conjuguée, modérée (jamais supérieure à 80 µmol/L) et fluctuante. L’ictère est inconstant et variable. La bilirubinémie est augmentée par le jeûne ou les infections intercurrentes. Elle est diminuée par les inducteurs enzymatiques comme le phénobarbital ou le méprobamate.
Le diagnostic de syndrome de Gilbert repose sur :
– des signes compatibles (l’ictère ne peut être marqué et persistant ; les tests hépatiques doivent être rigoureusement normaux ou être clairement expliqués par une autre affection s’ils sont anormaux) ;
– l’élimination des autres causes d’hyperbilirubinémie non conjuguée pure.
Un diagnostic par identification de la mutation est possible. Il n’est qu’exceptionnellement justifié.
Le syndrome de Crigler-Najjar
Ce syndrome est une affection exceptionnelle, souvent très grave, due à une absence ou à un effondrement de l’activité de la glucuronyl transférase.
Il est transmis génétiquement selon le mode autosomique récessif. Ce syndrome est dû à des mutations du gène de la bilirubine glucuronyl transférase. Ces mutations sont très différentes de celle responsable du syndrome de Gilbert : elles n’affectent pas le promoteur mais des régions codant pour des sous-unités de l’enzyme elle-même.
Le syndrome se manifeste par un ictère néonatal marqué (bilirubinémie toujours supérieure à 100 µmol/L), permanent, et potentiellement très grave en raison du risque d’encéphalopathie bilirubinique.
(1)Le syndrome de Crigler-Najjar.
(1) Prise en charge de l'ictère du nouveau-né.
(2) Management of hyperbilirubinemia in the newborn infant 35 or more weeks of gestation.
(3)Prise en charge thérapeutique des nouveau-nés âgés d’au moins 35 0/7 semaines de gestation présentant une hyperbilirubinémie.
a. Cholestase
C’est le mécanisme le plus fréquent de l’ictère à bilirubine conjuguée. La cholestase est définie par la diminution de la sécrétion biliaire (et non par la stagnation de la bile).
La cholestase se manifeste principalement par une augmentation du taux sérique des phosphatases alcalines et de la GGT.
La cholestase peut être due :
– soit à une obstruction des canaux biliaires : la diminution de la sécrétion canaliculaire des acides biliaires est alors secondaire à cette obstruction ;
– soit à une anomalie primitive du transport canaliculaire des acides biliaires : l’atteinte hépatocytaire est alors primitive et il n’y a pas d’obstruction des canaux biliaires. Cette situation se rencontre notamment lorsque l’ictère est dû à une insuffisance hépatique.
Ictère cholestatique par obstruction des voies biliaires
Il peut résulter :
– d’une atteinte des gros canaux (c’est-à-dire analysables par imagerie) ;
– d’une atteinte des canaux biliaires de petit ou moyen calibre (observables seulement par examen microscopique d’une biopsie hépatique).
Quelques règles en clinique
– Une atteinte limitée de la voie biliaire principale (canal hépatique commun ou cholédoque), peut déterminer un ictère. En revanche, une atteinte des canaux de plus petit calibre doit être diffuse pour entraîner un ictère.
– L’obstruction d’un seul canal hépatique droit ou gauche ne suffit pas pour déterminer un ictère, alors que leur obstruction simultanée le peut.
– Une douleur biliaire est générée par la mise en tension brutale des voies biliaires. De ce fait, lorsqu’un ictère survient à la suite d’une douleur biliaire, il est probable que l’obstacle se soit constitué brutalement. Ce mécanisme répond généralement à la migration d’un calcul dans la voie biliaire principale.
– Une cholestase prolongée, quel qu’en soit le mécanisme, induit rapidement un amaigrissement marqué, en raison de la malabsorption qu’elle entraîne. De ce fait, un amaigrissement apparaissant après la constitution d’un ictère cholestatique n’a aucune spécificité. En revanche, un amaigrissement précédant la constitution d’un ictère cholestatique doit faire envisager en premier lieu une autre cause d’amaigrissement, par exemple un cancer du pancréas ou de la voie biliaire ou une affection inflammatoire chronique.
– Quel que soit le siège de l’obstacle, une dilatation harmonieuse des voies biliaires est habituellement observée dans tout le territoire en amont de l’obstacle. Cependant, la dilatation peut manquer lorsque l’examen est fait peu après une obstruction récente (comme la migration d’un calcul dans la voie biliaire principale), ou lorsque les voies biliaires en amont ne peuvent se dilater parce que leur paroi est scléreuse, ou que le parenchyme hépatique est anormalement rigide (par exemple du fait d’une cirrhose).
– Une dilatation de la vésicule biliaire indique à la fois que l’obstacle est cholédocien (en aval de la convergence du canal cystique et du canal hépatique commun), et que la vésicule est saine (non lithiasique).
– Un prurit associé est spécifique de la nature cholestatique d’un ictère.
Schématiquement, le cancer du pancréas se manifeste par un ictère parfois isolé mais associé à des douleurs épigastriques en barre dans plus de 30 % des cas et surtout à une profonde altération de l’état général. Il n’y a habituellement pas de fièvre. L’ictère du cancer de la voie biliaire principale se révèle le plus souvent par un ictère sans fièvre ni douleur. À l’inverse, l’ictère de la lithiase de la voie biliaire principale s’accompagne généralement de douleurs biliaires et, en cas d’angiocholite, de fièvre (voir chapitre 24).
Des causes moins fréquentes sont la sténose post-opératoire des voies biliaires et la compression de la voie biliaire principale par une pancréatite chronique calcifiante ou par une adénopathie (tumorale ou inflammatoire).
De nombreuses autres causes d’obstruction de la voie biliaire principale sont possibles ; chacune est très rare ; elles ne rendent compte, à elles toutes, que d’une minorité des cas d’ictère cholestatique.
Les cholangites immuno-allergiques sont principalement médicamenteuses. Les médicaments habituellement en cause sont : l’association acide clavulanique-amoxicilline, les sulfamides, les macrolides et l’allopurinol. Une fièvre, des douleurs marquées de l’hypochondre droit et une hyperéosinophilie y sont fréquentes. Le diagnostic repose sur la chronologie et sur les données de la biopsie hépatique.
La cholangite sclérosante primitive est une affection rare, de cause inconnue, caractérisée par des irrégularités des canaux biliaires intra- et extrahépatiques. Ces irrégularités sont macroscopiquement visibles sous la forme d’alternance de sténoses et de dilatations. Dans plus de la moitié des cas, la cholangite sclérosante primitive est associée à une colite inflammatoire (maladie de Crohn colique ou rectocolite hémorragique). La cholangite sclérosante primitive est un facteur favorisant le cholangiocarcinome. L’ictère peut être dû à une angiocholite, à un cholangiocarcinome ou à un stade avancé de la maladie devant faire envisager une transplantation hépatique.
En cas de métastases hépatiques, l’ictère est plus souvent dû à une compression ou à un envahissement de la voie biliaire principale qu’à l’infiltration hépatique qui donne habituellement une cholestase anictérique.
Deux affections génétiques peuvent déterminer une atteinte des canaux biliaires de petit ou moyen calibre et conduire à une cholestase : la mucoviscidose et une mutation du gène d’un transporteur canaliculaire des phospholipides biliaires (MDR3). Dans les deux cas, des modifications physicochimiques de la bile conduisent à la formation de précipité ou d’agglomérat de matériel obstructif endoluminal.
Cholestase sans obstacle sur les canaux biliaires
Des atteintes isolées du transport canaliculaire des acides biliaires ou des transporteurs d’autres constituants de la bile peuvent déterminer une cholestase sans obstacle sur les canaux biliaires.
Atteintes génétiques
Elles sont extrêmement rares. Elles produisent soit une cholestase infantile conduisant à une cirrhose (« cholestase intrahépatique familiale progressive ») ; soit des épisodes récidivants de cholestase spontanément régressive, imprévisibles en nombre et en durée, dont les facteurs déclenchants ne sont pas connus (« cholestase récurrente bénigne ») ; soit à une cholestase gravidique.
Ce mécanisme explique :
– l’ictère intense observé au cours des hépatites aiguës (alcoolique, virale, auto-immune ou médicamenteuse), même en l’absence d’augmentation marquée des phosphatases alcalines et d’insuffisance hépatique sévère ;
– l’ictère cholestatique souvent observé au cours des infections bactériennes sévères (pyélonéphrite aiguë, pneumonie bactérienne, typhoïde, leptospirose, etc.) ;
– au moins en partie, l’ictère dû à une angiocholite.
b. Atteintes du transport canaliculaire de la bilirubine conjuguée sans cholestase
c. Ictère de mécanisme multiple
Elles comprennent deux affections génétiques rarissimes et bénignes : le syndrome de Rotor et la maladie de Dubin-Johnson.
Fréquemment, l’ictère ne relève pas d’un seul des mécanismes précédents mais d’une conjonction de différents facteurs. C’est le cas des malades dans un état grave, souvent infectés, atteints de cirrhose, ou nécessitant des soins intensifs quelle qu’en soit la raison.
S’associent alors : une diminution de la sécrétion canaliculaire de la bilirubine conjuguée due au syndrome inflammatoire ; une hyperhémolyse (due à des transfusions, des dispositifs intravasculaires, ou des anomalies érythrocytaires acquises) ; une insuffisance hépatique ; et une insuffisance rénale (qui entraîne une augmentation de la bilirubinémie conjuguée uniquement lorsque la sécrétion hépatocytaire de bilirubine est atteinte).