6  -  Prise en charge d'hémorragie digestive

6 . 1  -  Affirmer le diagnostic d’hémorragie digestive

Il faut différencier l’hématémèse d’une hémoptysie qui est le rejet par la bouche de sang en provenance des voies aériennes sous-glottiques et qui se traduit par l’émission d’un sang rouge vif, aéré, spumeux lors d’efforts de toux.

Il est plus difficile parfois d’éliminer une épistaxis postérieure avec un saignement d’origine nasale rouge vif. Si ce sang est dégluti, il peut ensuite mimer une hématémèse et entraîner un méléna. L’examen ORL en cas de doute est essentiel.

En cas d’incertitude diagnostique ou de trouble de la conscience, une sonde nasogastrique peut permettre de confirmer la présence de sang dans l’estomac et d’en apprécier la couleur (rouge vif = saignement actif). L’absence de sang dans la sonde gastrique n’élimine cependant pas formellement une hémorragie digestive haute post-bulbaire.

6 . 2  -  Mesures à prendre en urgence

Une fois que le diagnostic d’hémorragie digestive a été posé, il importe d’évaluer le degré d’urgence de la situation, de restaurer un état hémodynamique correct puis d’entreprendre l’enquête étiologique et le traitement de la cause.

1. Évaluer la gravité immédiate de l’hémorragie

L’abondance de l’hémorragie est habituellement surestimée. La quantité de liquide sanglant extériorisée est donc un mauvais critère de jugement. L’évaluation du retentissement hémodynamique est le meilleur moyen. Elle inclut la mesure immédiate puis répétée du pouls et de la pression artérielle, la recherche d’un malaise syncopal initial et la recherche de signes généraux (pâleur, sueurs, lipothymies).

L’hémoglobinémie et l’hématocrite peuvent sous-estimer initialement l’abondance de l’hémorragie.

Une hémorragie aiguë est toujours moins bien tolérée qu’une hémorragie chronique.

2. Mesure à prendre en urgence

– En dehors des rectorragies d’allure proctologique, minimes et sans retentissement hémodynamique, hospitalisation de tout patient décrivant une  hémorragie digestive.
– Mise en place de deux voies d’abords périphériques de gros calibre.
– Bonne oxygénation avec surveillance de la saturation sanguine en oxygène.
– Prélèvements sanguins en urgence : numération et formule sanguine, plaquettes, double détermination du groupe sanguin, recherche des agglutinines irrégulières, bilan d’hémostase (taux de prothrombine, temps de céphaline activée), ionogramme sanguin.
– Commande et mise en réserve de culots globulaires compatibles.
– Compensation de l’hémorragie par macromolécules et culots globulaires  s’il existe un retentissement hémodynamique. La décision de transfuser  dépend de l’importance de la déglobulisation, de la tolérance de l’anémie,  de la persistance du saignement, La vitesse de transfusion doit être adaptée à la gravité de l’hémorragie, à sa cause et aux comorbidités. Elle se fait  avec des culots globulaires précédés si besoin par des macromolécules.
Les objectifs du remplissage sont d’obtenir une fréquence cardiaque inférieure à 100 battements/min, une pression artérielle systolique supérieure  à 100 mmHg, une hémoglobine supérieure à 8 g/dL et une diurèse supérieure à 30 mL/h.
– Surveillance des principaux paramètres vitaux : pouls, pression artérielle,  saturation en oxygène, diurèse.

6 . 3  -  Démarche diagnostique

1. Étape 1 : chercher par l’interrogatoire des éléments d’orientation étiologique de l’hémorragie digestive

En cas d’hématémèse et/ou de méléna, l’interrogatoire du patient ou de ses proches cherche :
– un antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal ;
– des douleurs épigastriques d’allure ulcéreuse ;
– la prise de médicaments gastro-toxiques (AINS +++) ;
– un antécédent d’affection hépatique ou de varices œsophagiennes ;
– des vomissements ayant précédé le saignement (syndrome de Mallory  Weiss) ;
– des antécédents chirurgicaux sur le tube digestif ;
– un antécédent de prothèse aortique ;
– une affection pancréatique.

En cas d’hémorragie digestive basse, les principales questions à poser au patient ou à ses proches sont :
– une modification récente du transit ;
– un antécédent vasculaire pouvant favoriser une ischémie ;
– une séquence symptomatique douleur brutale – diarrhée sanglante (colite ischémique) ;
– la prise de médicaments favorisant une hémorragie diverticulaire (AINS) ;
– la notion de traumatisme ano-rectal (thermomètre en particulier).

(1) Complications de la diverticulose colique.

2. Étape 2 : examen clinique

En cas d’hémorragie haute, l’examen cherche des arguments en faveur d’une cirrhose (cause connue de maladie chronique du foie, bord inférieur du foie tranchant, hépatomégalie, ictère, angiomes stellaires, hématomes spontanés, circulation collatérale abdominale, ascite), des cicatrices abdominales, une masse battante abdominale, ainsi que les signes d’une maladie hémorragique.

En cas d’hémorragie basse
, il recherche essentiellement une masse abdominale ou perceptible au toucher rectal.

(2) Prise en charge des complications chez les malades atteints de cirrhose.


3. Étape 3 : explorations complémentaires

a. En cas d’hémorragie digestive haute

Pour les hémorragies digestives hautes et pour toutes les hémorragies digestives massives, l’endoscopie œso-gastro duodénale est essentielle. Elle a un triple objectif :

– faire le diagnostic lésionnel ;
– évaluer le risque de poursuite ou de récidive hémorragique ;
– réaliser si besoin un geste d’hémostase.

Elle doit être réalisée le plus rapidement possible après stabilisation hémodynamique. Dans la mesure du possible, il est préférable de réaliser l’examen lorsque le malade a été admis dans une unité spécialisée ou dans une unité de soins intensifs. Lors de l’endoscopie, il importe d’être vigilant sur la protection des voies aériennes supérieures qui est essentielle pour éviter l’inhalation de liquide sanglant.

b. En cas d’hémorragie massive
Lorsque l’hémorragie digestive est massive et que l’endoscopie œso-gastroduodénale n’a pas mis en évidence de cause, une artériographie digestive ou un angioscanner. L’artériographie permet parfois de réaliser une embolisation de l’artère qui saigne. Les explorations endoscopiques (côlon ou grêle) seront alors différées.

c. En cas de rectorragies sans retentissement hémodynamique important
Pour les hémorragies digestives basses non graves, sans retentissement hémodynamique ni déglobulisation importante, une coloscopie longue sera réalisée après préparation du côlon.

d. En cas de négativité des explorations endoscopiques initiales
Une exploration du grêle par vidéocapsule endoscopique et/ou un entéroscanner (à définir) sera effectué.

En aucun cas, la recherche de saignement occulte dans les selles ne doit être effectuée. Ce test est réservé au dépistage de masse du cancer colorectal chez les patients asymptomatiques. Un malade ayant un saignement d’origine inexpliquée ne peut être considéré comme asymptomatique.

(2) Prise en charge des hémorragies digestives.

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