Le Myélome Multiple (MM) des os ou maladie de Kahler est une hémopathie maligne caractérisée par le développement d'un clone de plasmocytes tumoraux envahissant la moelle hématopoïétique. Le MM représente 1 % de l'ensemble des cancers et 10 % des hémopathies malignes. En France, le nombre de nouveaux cas par an se situe entre 3 000 et 3 500. L'incidence s'accroît avec l'âge et l'âge moyen au diagnostic est d'environ 65 ans. Le myélome n'existe pas chez l'enfant. Le MM peut être précédé d'un état « prémyélomateux » nommé dysglobulinémie (ou gammapathie) monoclonale d'origine indéterminée (ou d'apparence bénigne) ou MGUS (Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance). Les causes du MM sont inconnues.

1  -  Diagnostic positif

Dans la forme habituelle, le Myélome Multiple (MM) associe infiltration plasmocytaire médullaire, présence d'une immunoglobuline monoclonale dans le sérum et/ou les urines, et atteinte osseuse.

1 . 1  -  Signes cliniques

  • Le diagnostic de MM est évoqué de plus en plus souvent (au moins 20 % des cas) chez un patient asymptomatique , par exemple lors d'un bilan de santé, de l'exploration d'une augmentation de la Vitesse de Sédimentation (VS) ou suite à une Électrophorèse des Protéines Sériques (EPS) anormale.
  • Lorsque le MM est symptomatique , c'est souvent l'altération de l'état général et les douleurs osseuses qui dominent le tableau clinique. Les douleurs osseuses sont présentes au diagnostic chez 70 % des patients et intéressent habituellement le squelette axial (rachis, côtes, bassin). Elles nécessitent volontiers le recours aux antalgiques majeurs et retentissent sur les capacités fonctionnelles des patients. Les fractures pathologiques (dites aussi spontanées) sont fréquentes. Les tuméfactions osseuses (plasmocytomes) sont possibles.
  • L'anémie peut être révélatrice.
  • Les complications peuvent être inaugurales , en particulier l'insuffisance rénale, l'hypercalcémie, les complications osseuses ou infectieuses, plus rarement une compression médullaire ou un syndrome d'hyperviscosité.
  • Le MM n'est pas, en dehors de sa phase terminale, une maladie fébrile.
  • Habituellement, il n'existe pas de tuméfactions des organes hématopoïétiques.

1 . 2  -  Signes biologiques

  • La VS est souvent très augmentée (> 100 mm). Hors contexte infectieux ou inflammatoire avéré, elle doit faire évoquer le diagnostic de MM et faire compléter le bilan en ce sens. Parfois, la VS est peu augmentée, voire normale ; c'est le cas dans les MM à chaînes légères, non-excrétants, ou lorsque la protéine monoclonale précipite à basse température (cryoglobuline). La mesure itérative de la VS dans le suivi des patients n'a pas de réel intérêt.
  • L'hémogramme peut être normal. L'anomalie la plus fréquente est une anémie normochrome, normocytaire, arégénérative. Des rouleaux érythrocytaires sont observés sur le frottis. De multiples mécanismes peuvent expliquer l'anémie : la prolifération plasmocytaire médullaire, l'insuffisance rénale, un déficit relatif en érythropoïétine, une suppression de l'érythropoïèse médiée par les cytokines, un phénomène d'hémodilution, et ultérieurement les traitements administrés. La leucopénie et la thrombopénie sont rares et de mauvais pronostic, reflétant une masse tumorale importante. Au cours de l'évolution, l'insuffisance médullaire peut s'installer jusqu'à une pancytopénie franche, résultat de l'augmentation de la masse tumorale et aggravée par les chimiothérapies reçues. Il est exceptionnel d'observer, au diagnostic, des plasmocytes circulants.
  • Anomalies protéiques. La protidémie totale est souvent élevée, du fait de l'existence d'une immunoglobuline monoclonale. La réalisation d'une électrophorèse et d'une immunofixation (ou d'une immunoélectrophorèse) des protéines sériques et urinaires (EPU) est indispensable. Dans 80 % des cas, l'EPS mettra en évidence un pic étroit correspondant à une protéine monoclonale de type IgG ou IgA migrant dans la zone des gammaglobulines, des bêta-globulines, plus rarement des alpha-2-globulines (Figure 1).
Figure 1 : Électrophorèse des protéines sériques

Parfois, il n'existe pas d'aspect de pic étroit à l'EPS. Cette situation correspond surtout au MM à chaînes légères où l'anomalie sérique usuelle est une hypogammaglobulinémie, souvent sévère. Rarement, l'absence de pic étroit sur l'EPS correspondra à un MM non-excrétant ou non-sécrétant. L'EPS pourra être complétée par le dosage pondéral des immunoglobulines qui retrouvera l'augmentation de l'immunoglobuline monoclonale et souvent l'effondrement des autres classes d'immunoglobulines (par exemple, l'effondrement des IgA et des IgM dans un MM d'isotype IgG).
L'immunofixation ou l'immunoélectrophorèse des protéines sériques permettra de typer la protéine monoclonale, pour sa chaîne lourde et sa chaîne légère. Environ 55 % des MM sont d'isotype IgG, 25 % d'isotype IgA, 15 % sont de type urinaire pur (à chaînes légères) et les 5 % restants sont constitués de variants rares. Concernant les chaînes légères, le type kappa (κ) est deux fois plus fréquent que le type lambda (λ). De la même façon seront réalisées une électrophorèse et une immunofixation (ou une immunoélectrophorèse) des protéines urinaires. Dans 90 % des cas, elle mettra en évidence une protéinurie à chaînes légères dénommée protéinurie de Bence Jones et l'immunofixation en précisera le type, kappa (κ) ou lambda (λ).
Le dosage des chaînes légères libres du sérum, examen récent, est utile dans la prise en charge des MM non ou peu excrétant et des MM à chaînes légères.
Les EPS et EPU sont des éléments très importants du suivi thérapeutique. Il est en revanche inutile de multiplier les immunofixations, l'isotype de la protéine monoclonale ne se modifiant pas au cours de l'évolution.

  • Le myélogramme est nécessaire pour établir le diagnostic. Il met en évidence une infiltration plasmocytaire qui représente plus de 10 % des éléments nucléés. Des anomalies morphologiques des plasmocytes peuvent être observées mais elles ne sont pas indispensables au diagnostic (Figure 2).
Figure 2 : Myélogramme
Les plasmocytes sont aisément reconnaissables par leur cytoplasme très basophile et leur noyau ovalaire et excentré dans la cellule. On note ici une certaine hétérogénéité de taille ; le plasmocyte au centre présente une chromatine fine et un nucléole. L'infiltration plasmocytaire médullaire est souvent partielle (persistance de cellules de la lignée granulocytaire).

Le myélogramme permet l'analyse cytogénétique de la moelle osseuse qui fournit d'importantes informations pronostiques. La biopsie ostéo-médullaire est nécessaire si le myélogramme n'est pas contributif.

  • Autres éléments biologiques du bilan initial

Ils ont pour but :

  • de rechercher une complication : état de la fonction rénale par dosage de la créatinine sérique, dosage de la calcémie pour dépister l'hypercalcémie. Ces deux paramètres seront très régulièrement réévalués dans le suivi des patients.
  • d'apprécier le pronostic (Tableau 1).
Tableau 1 : Principaux facteurs de mauvais pronostic
   Liés à l'hôte    Âge élevé
   Liés à la tumeur  
   Masse tumorale    β2m sérique élevée
     Hémoglobine basse/Thrombopénie
     Calcémie élevée
     Lésions lytiques étendues
     Créatinine sérique élevée
     Plasmocytose médullaire élevée
   Malignité intrinsèque      Anomalies chromosomiques**
     (t(4;14), del(17p), -13/13q-, hypodiploïdie)  
     Albumine sérique basse
     CRP élevée
     LDH élevée
     Cytologie plasmoblastique**
   Traitement    Chimiorésistance
** Analyses réservées à des laboratoires très spécialisés.

En pratique courante, il s'agit des dosages de la bêta-2-microglobuline sérique (β2m), de la C-Réactive Protéine (CRP) et de la LacticoDésHydrogénase (LDH). Il faut y ajouter le dosage de l'albumine sérique, en fait rendu avec l'EPS.
De façon rare sont observés des troubles d'hémostase avec manifestations hémorragiques (syndrome d'hyperviscosité générant une thrombopathie fonctionnelle, exceptionnellement des troubles de coagulation).

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