2  -  Dépistage des lésions précancéreuses

2 . 1  -  Le frottis : un outil de dépistage efficace

Le frottis cervical reste la méthode de référence pour le dépistage du cancer du col utérin. Il est d’une innocuité totale, de réalisation simple et d’un faible coût.

Son excellente spécificité, dans l’ensemble supérieure à 95 %, évite les explorations diagnostiques dispendieuses et anxiogènes voire les sur-traitements liés aux tests faussement positifs.

La sensibilité est faible (55 à 77 %), particulièrement pour les lésions glandulaires. En raison de la longue période de la phase précancéreuse, la répétition des frottis au cours des vagues successives de dépistage permet de réduire les conséquences des frottis faux négatifs et explique l’efficacité du dépistage cytologique malgré sa faible sensibilité.

La pratique triennale du frottis réduit le risque de cancer du col de 90 %.

Globalement près de la moitié des faux négatifs du frottis sont dus à un prélèvement cellulaire insuffisant, non représentatif de la zone de transformation du col, mal fixé ou masqué par des éléments inflammatoires ou du sang.

2 . 2  -  Mise en œuvre optimale du frottis

2 . 2 . 1  -  Prélèvement du frottis

La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise un dépistage par frottis cervical chez toutes les femmes ayant eu des rapports sexuels, à partir de 25 ans et jusqu’à 65 ans. Deux frottis sont réalisés à un an d’intervalle puis ils sont répétés tous les trois ans s’ils sont normaux.

Les performances du frottis sont directement liées à la qualité du prélèvement. L’outil de prélèvement doit être adapté aux caractéristiques anatomo-physiologiques du col pour obtenir un prélèvement cellulaire suffisant et représentatif de la zone de transformation du col (figure 18.4). L’utilisation d’une endobrosse est recommandée lorsque la jonction squamo-cylindrique est située dans le canal endocervical (figure 18.5).

Figure 18.4 Dispositifs de prélèvement des frottis
Figure 18.4 Dispositifs de prélèvement des frottis.

De haut en bas : spatule d’Ayre ; cytobrosse ; endobrosse.

Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.
Figure 18.5 Prélèvement du frottis endocervical à l’aide d’une endobrosse
Figure 18.5 Prélèvement du frottis endocervical à l’aide d’une endobrosse.

Cette illustration est également reproduite dans le cahier couleur.

2 . 2 . 2  -  Interprétation du frottis par le cytopathologiste

Le médecin préleveur du frottis doit fournir au cytopathologiste des renseignements dont la prise en compte améliore la pertinence de l’interprétation du frottis : âge, date des dernières règles, contexte clinique (contraception, grossesse, ménopause, traitement hormonal de la ménopause…), antécédents cervicaux (anomalies cytologiques antérieures, lésions du col, type et date de traitement…).

La généralisation de la terminologie Bethesda 2001 est recommandée. Elle permet une évaluation de la qualité du prélèvement et une uniformisation des résultats du frottis. Cela facilite à la fois une prise en charge codifiée des patientes en fonction des résultats (encadré 18.1).

1Encadré 18.1 Proposition recommandée de prise en charge des femmes en fonction du résultat cytologique exprimé selon le système Bethesda
 Frottis non satisfaisant pour l’évaluation À refaire entre 3 et 6 mois
 Frottis normal À refaire après 3 ans (sauf si premier frottis qui serait à refaire après 1 an)
 Modifications cellulaires réactionnelles secondaires à une inflammation, une radiothérapie ou la présence d’un DIU À refaire après 3 ans (sauf si premier frottis qui serait à refaire après 1 an)
 Cellules malpighiennes Cellules malpighiennes
 Atypies des cellules malpighiennes de signification indéterminée (ASC-US) Colposcopie immédiate (avant 6 mois), détection HPV ou répétition du frottis à 6 mois
 Atypies des cellules malpighiennes : une lésion de haut grade ne peut être exclue (ASC-H) Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade (LSIL) Colposcopie immédiate (avant 6 mois) ou répétition du frottis à 6 mois
 Lésion malpighienne intraépithéliale de haut grade (HSIL) Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Lésion malpighienne faisant suspecter une invasion Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Cellules glandulaires Cellules glandulaires
 Atypies des cellules endocervicales, cellules endométriales ou cellules glandulaires Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Atypies des cellules glandulaires/endocervicales, évocatrices d’un processus néoplasique Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Adénocarcinome endocervical in situ Colposcopie immédiate (avant 6 mois)
 Adénocarcinome : endocervical, endométrial, extra-utérin ou sans autre précision Colposcopie immédiate (avant 6 mois)

2 . 2 . 3  -  Organisation du dépistage

L’absence de dépistage constitue le facteur de risque majeur de cancer du col de l’utérus dans l’ensemble des pays développés. En France, environ 40 % de femmes ne se soumettent qu’occasionnellement voire jamais à ce dépistage. Le taux de couverture global chute en dessous de 50 % après 55 ans et il existe par ailleurs de fortes disparités régionales et socio-économiques.

L’organisation du dépistage avec un système d’invitation des femmes constitue la stratégie la plus coût-efficace contre le cancer. Ses principaux objectifs sont d’obtenir une participation maximale des femmes, et d’assurer la qualité des différentes étapes (du prélèvement du frottis à la prise en charge des résultats). Le dépistage organisé permettrait de réduire de plus de 20 % le nombre de décès en atteignant en quelques années une couverture de dépistage de 80 % des femmes.

2 . 3  -  Alternatives au frottis

L’infection HPV représente le facteur nécessaire dans la genèse des CIN et du cancer du col utérin. Pour cette raison, le test HPV a été proposé afin d’optimiser, voire de remplacer le frottis pour le dépistage.

Parmi les différentes méthodes de mise en évidence de l’ADN viral dans les cellules cervicales seules la technique d’amplification en chaîne de séquences d’ADN ou d’ARN par la polymérase (polymerase chain reaction ou PCR) et la capture d’hybride sont actuellement utilisées en pratique clinique. Ces techniques ont l’avantage de n’être que peu dépendantes du préleveur.

La sensibilité du test HPV pour le dépistage des CIN 2 + est supérieure à celle du frottis alors que sa spécificité est inférieure. La valeur prédictive négative proche de 100 % permet d’envisager un espacement entre deux tests HPV d’au moins 5 ans. À l’inverse, le manque de spécificité risque d’entraîner de nombreuses explorations inutiles et coûteuses.

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