5  -  Aspects endocriniens des dysfonctionnements érectiles

5 . 1  -  Androgènes et dysfonctionnement érectile

1. Androgènes, libido et fonction érectile

Les androgènes circulants exercent une influence importante sur la libido et l’intérêt sexuel, comme l’indiquent les observations faites chez des hommes hypogonadiques qui ont des troubles de la libido, réversibles sous traitement androgénique substitutif. Les relations entre la fonction érectile et les androgènes circulants sont moins claires. La testostérone circulante joue un rôle par ses actions centrales bien démontrées chez le rongeur : l’aire préoptique de l’hypothalamus antérieur concentre les androgènes circulants qui modulent le tonus a2-adrénergique central. Les androgènes exercent aussi une action périphérique sur les motoneurones de la moelle et sur le ganglion pelvien, composé de fibres sympathiques et parasympathiques. Les androgènes modulent la synthèse neuronale de NO et de GMPc impliqués dans la réponse érectile. Cependant, les androgènes ne semblent pas indispensables dans le processus de l’érection. Les hommes hypogonadiques privés d’androgènes sont pourtant capables de développer une érection après un stimulus érotique visuel, ce qui indique que la testostérone agit plus sur la libido et le comportement érotique que sur l’érection elle-même. L’andropause s’accompagne d’une incidence accrue de TE et d’une réduction des concentrations plasmatiques de testostérone, mais ces deux phénomènes semblent se développer de manière indépendante.

D’un point de vue physiologique, les érections spontanées (nocturnes ou au réveil) mesurées par érectométrie sont clairement androgénodépendantes, alors que les érections induites par une stimulation sexuelle visuelle ou auditive sont seulement partiellement androgénodépendantes. En effet, une réponse érectile parfaitement normale peut être observée après sevrage androgénique prolongé d’un hypogonadique traité, mais la qualité des érections est cependant optimisée chez ces sujets par un traitement androgénique bien conduit.

Le seuil du taux de testostérone plasmatique, au-dessus duquel une libido normale est maintenue, est mal connu et probablement différent d’un sujet à l’autre. Il semble se situer autour de 3,5 ng/mL, alors que celui permettant des érections spontanées nocturnes serait plus bas, autour de 1,5 à 2 ng/mL. L’obtention thérapeutique de taux plasmatiques de testostérone supérieurs à 4,5 ng/mL ne semble pas apporter d’amélioration sensible de l’activité sexuelle.

2. Hypogonadisme

Le diagnostic d’hypogonadisme acquis chez l’homme adulte est souvent difficile et repose sur l’évaluation clinique : outre les troubles de la sexualité, on recherchera une asthénie, une gynécomastie, une dépilation faciale, une perte de la force musculaire, une adiposité androïde. Les formes débutantes sont paucisymptomatiques, voire asymptomatiques. Le dosage de la testostérone plasmatique totale est l’examen de référence pour la recherche d’un hypogonadisme. Ce dosage est essentiel devant un TE isolé et sans signes d’hypoandrisme car il permettra parfois le diagnostic de déficit androgénique, même si cette circonstance de révélation n’est pas la plus fréquente. L’obtention d’un chiffre situé à la limite inférieure de la normale, ou légèrement au-dessous, amènera à répéter la mesure de testostérone totale à quelques semaines d’intervalle et à compléter éventuellement par la mesure de la testostérone biodisponible (testostérone libre + liée à l’albumine) ou du rapport testostérone totale/SHBG, et de la prolactine (cf. infra). En cas de déficit androgénique avéré, le dosage des gonadotrophines LH/FSH précisera son origine primitive ou secondaire (basse ou haute). Le traitement androgénique corrigera les TE avec une efficacité optimale après 6 à 12 mois de traitement. Les modalités de l’androgénothérapie sont décrites dans le chapitre 7 : « Ménopause et andropause ».

5 . 2  -  Prolactine et dysfonctionnement érectile

L’hyperprolactinémie chez l’homme peut induire un TE par le biais de l’hypogonadisme hypogonadotrope qu’elle induit. Outre les troubles érectiles et de la libido, une galactorrhée peut révéler l’hyperprolactinémie (en fait très rare chez l’homme).

La découverte d’une hyperprolactinémie non médicamenteuse chez un homme souffrant d’un TE doit faire systématiquement :

  • rechercher une tumeur hypophysaire par IRM ;
  • étudier le champ visuel en cas de tumeur envahissant la région suprasellaire (hémianopsie bitemporale) (cf. chapitre 12 : « Adénome hypophysaire ») ;
  • évaluer les autres fonctions antéhypophysaires (dosages de FT4, cortisol, IGF1, testostérone) pour apprécier le retentissement fonctionnel de la tumeur.


L’élévation de la prolactine s’accompagne souvent d’un abaissement du taux plasmatique de testostérone et de LH, traduction biologique de l’hypogonadisme hypogonadotrope secondaire à l’hyperprolactinémie. Le mécanisme des troubles érectiles est principalement l’hypogonadisme, mais une action de la prolactine sur le SNC et sur les corps caverneux péniens serait également impliquée.

Les TE sont généralement corrigés par l’utilisation des agonistes dopaminergiques, qui normalisent la prolactine et la testostérone plasmatiques, excepté pour les macroadénomes hypophysaires au cours desquels persiste parfois un déficit androgénique par lésion des cellules gonadotropes (cf. chapitre 12).

5 . 3  -  Diabète et dysfonctionnement érectile

1. Épidémiologie

Le diabète sucré est la première cause organique de dysfonctionnement érectile. Les troubles de la sexualité sont fréquents chez l’homme diabétique, de 20 à 67 % selon les études et le type de diabète, de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2).

La prévalence de la TE serait plus élevée dans le DT2 que dans le DT1. Les TE sont 3 à 4 fois plus fréquents et sous-tendus par des atteintes 3 fois plus sévères chez le diabétique par comparaison à une population non diabétique de même âge.

Les facteurs augmentant leur prévalence sont :

  • un diabète mal équilibré ;
  • la présence de complications dégénératives, et en particulier la rétinopathie (prévalence multipliée par 6,5) ;
  • l’âge (prévalence de 6 % dans la 3edécennie, jusqu’à 52 % dans la 6e décennie chez le DT1) ;
  • l’ancienneté du diabète (prévalence de 50 % après 10 ans de diabète).


D’autres facteurs non spécifiques comme l’hypercholestérolémie, les affections cardiaques, l’hyperviscosité, l’HTA, la prise d’antihypertenseurs, de tabac ou d’alcool augmentent leur prévalence. L’existence d’une neuropathie autonome est fortement associée aux TE. Les TE ont des conséquences délétères prouvées sur la qualité de vie du diabétique et sur sa relation de couple. Ils augmentent la prévalence des états dépressifs, souvent sous-évalués chez le diabétique.

2. Physiopathologie et étiologies

La physiopathologie des TE du diabète est complexe : la neuropathie autonome des corps caverneux et la microangiopathie induisent toutes deux un défaut de relaxation musculaire lisse médié par le NO et lié à la dysfonction endothéliale. La macroangiopathie induit une ischémie chronique des organes érectiles qui peut se compliquer d’une dégénérescence fibreuse. Un TE est souvent multifactoriel chez le patient diabétique ; parmi ces facteurs figurent l’âge et les comorbidités chroniques. Ils ont une action aggravante synergique (et pas simplement additive).

Le diabétique est à haut risque de TE :

  • en fonction de son âge et de la durée du diabète ;
  • parce qu’il cumule les facteurs de risque cardiovasculaire classiques qui sont tous des facteurs de risque de TE ;
  • parce qu’il est atteint d’une maladie chronique.


Les facteurs psychogènes, conséquence de la maladie chronique, et les facteurs environnementaux (familiaux, conjugaux, professionnels, etc.) sont souvent étroitement intriqués, voire prédominants, et il faudra se garder du schéma simpliste et par trop répandu « diabète = impuissance », souvent considéré par le patient ou par son médecin comme une fatalité de cette maladie chronique.

L’hypogonadisme est plus fréquent chez le diabétique que dans la population générale, avec une prévalence de 10 à 20 % selon les études, 40 % des hypogonadiques étant d’ailleurs asymptomatiques malgré une testostérone plasmatique abaissée. Cette prévalence est multipliée par 2 après 50 ans (vs avant 50 ans). La prévalence élevée de l’hypogonadisme justifie la mesure systématique de la testostérone plasmatique chez tout patient diabétique souffrant d’un TE.

3. Clinique

Le TE peut être le premier symptôme révélateur d’un diabète (600 000 diabétiques méconnus en France sur 2,5 millions). Tout TE après 40 ans justifie le dépistage d’un diabète par mesure de la glycémie à jeun. L’enquête clinique recherchera particulièrement, chez un diabétique souffrant d’un TE, un trouble endocrinien, plus fréquent dans ce contexte, une maladie vasculaire, une neuropathie, un médicament iatrogène, un état dépressif.

Un TE doit être considéré comme un marqueur de risque vasculaire (reflet direct ou indirect d’un dysfonctionnement endothélial), et doit après 40 ans être considéré comme un symptôme cardiovasculaire (jusqu’à preuve du contraire). Un TE est aujourd’hui considéré comme un facteur de risque d’ischémie myocardique silencieuse à lui seul, et sa présence justifie son dépistage par un test d’effort.

4. Thérapeutiques

La prise en charge des TE du diabétique est difficile et implique dans tous les cas l’optimisation de l’équilibre glycémique. Ces mesures ne sont cependant pas suffisantes pour restaurer une fonction érectile satisfaisante. Les traitements pharmacologiques tels que les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 sont largement utilisés chez le diabétique. Leur efficacité est moindre chez le diabétique que chez le non-diabétique, avec un taux de satisfaction d’environ 56 à 69 % chez le diabétique (contre 10 à 25 % avec le placebo), ce qui implique souvent un recours secondaire aux injections intracaverneuses.

Les traitements injectables de 2eintention sont d’ailleurs le plus souvent utilisés par les patients diabétiques, notamment du fait de leur remboursement comme « médicaments d’exception » chez le seul patient diabétique.

La prévention des TE doit être réalisée par une information non alarmiste du patient diabétique et du couple sur les effets possibles du diabète sur la sexualité et les traitements possibles. Les recommandations de l’ANAES [14] précisent la nécessité d’un dépistage annuel des signes de neuropathie autonome, dont l’impuissance fait partie, chez le patient diabétique.

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