4 . 2  -  Troubles de l’articulé dentaire d’origine alvéolodentaire

Ces troubles intéressent le compartiment alvéolodentaire des maxillaires, c’est-à-dire comportant la dent et son tissu de soutien (le parodonte). Ce tissu de soutien est composé de l’os alvéolaire et du ligament alvéolodentaire. C’est un compartiment doté d’une grande plasticité et qui répond aux sollicitations mécaniques permettant le déplacement d’un groupe de dents dans les trois plans de l’espace. Ainsi, des anomalies de la mastication, de la phonation, de la déglutition ou de la ventilation peuvent entraîner des déplacements anormaux d’un secteur dentaire. Des praxies anormales comme la persistance de la succion du pouce peuvent également être responsables de ces anomalies.

On pourra ainsi voir :

  • une rétro-alvéolie, surtout au niveau des incisives (déplacement lingual ou palatin des incisives) ; la rétro-alvéolie des incisives inférieures peut être liée à la présence d’un frein de langue court et puissant (fig. 3.24), et/ou à la persistance de la succion du pouce ;
  • une pro-alvéolie, surtout au niveau des incisives (déplacement vestibulaire des incisives) ; une pro-alvéolie des incisives supérieures est souvent liée à la persistance de la succion du pouce ou de la sucette ;
  • une endo-alvéolie, surtout au niveau du maxillaire et dans les secteurs latéraux, traduisant une ventilation nasale déficiente (patient respirateur buccal exclusif) ;
  • une infra-alvéolie (béance interdentaire ; fig. 3.25), pouvant être présente en avant ou latéralement, caractérisée par l’absence de contact entre les dents du haut et du bas, liée souvent à une position basse de la langue et une respiration essentiellement buccale ;
  • une supra-alvéolie, caractérisée par un excès de recouvrement des incisives mandibulaires par les incisives maxillaires.


Ces anomalies interviennent tôt pendant l’enfance : leur diagnostic et leur traitement devront être précoces et feront appel à l’orthopédie dentofaciale (déplacement des dents et de l’os alvéolaire par action d’une force mécanique utilisant des arcs ancrés sur les dents). Ce traitement sera souvent associéà une rééducation fonctionnelle de la posture linguale, de la déglutition ou de la phonation.

Figure 3.24. Frein de langue court et puissant
Figure 3.25. Béance interdentaire antérieure avec interposition de la langue

4 . 3  -  Troubles de l’articulé dentaire d’origine squelettique

Ces anomalies peuvent porter sur les deux étages faciaux : maxillaire et/ou mandibulaire. Leur terminologie doit être connue. Les anomalies siégeant au maxillaire supérieur ont une dénomination se terminant par “ -maxillie “ (promaxillie, rétromaxillie), tandis que les anomalies mandibulaires se terminent par “ -mandibulie “ (promandibulie, rétromandibulie).

Ces dysmorphoses vont provoquer un trouble de l’articulé dentaire qui va permettre de les définir. L’articulé dentaire normal correspond à la classe I. Par rapport à cette position de référence, des anomalies avec occlusion de classe II et des anomalies avec occlusion de classe III d’Angle sont décrites.

L’origine précise de ces anomalies sera déterminée par un examen clinique précis et systématisé, par l’analyse des radiographies (panoramique dentaire et téléradiographies), ainsi que par l’étude des moulages.

Anomalies avec occlusion de classe II

Elles sont caractérisées par une position plus avancée de la première molaire supérieure par rapport à l’inférieure (fig. 3.23b). Il existe donc un décalage en avant de l’arcade dentaire supérieure par rapport à l’inférieure. Ces anomalies peuvent être liées à une rétromandibulie ou à une promaxillie.

Ces anomalies peuvent être congénitales, comme dans la séquence de Pierre Robin, présente dans de nombreux syndromes malformatifs, où il existe en plus d’une fente palatine et d’une glossoptose, une microrétromandibulie. Elles peuvent aussi être acquises, comme dans les séquelles des ankyloses temporomandibulaires bilatérales. Ces ankyloses sont secondaires à la destruction des articulations temporomandibulaires suite à un traumatisme ou une infection, retentissant secondairement sur la croissance des branches montantes en raison de la disparition des phénomènes d’apposition-résorption périostée, qui sont normalement sous la dépendance de la fonction musculaire (cf. fig. 4.33 au chapitre 4). Leur diagnostic est à faire le plus précocement possible pour entreprendre un traitement chirurgical de libération de l’articulation et, ainsi, de la croissance.

Anomalies avec occlusion de classe III

Elles sont caractérisées par le déplacement en avant de la molaire inférieure par rapport à la supérieure plus important que dans la position en classe I (fig. 3.23c). Il s’agira donc de promandibulie ou de rétromaxillie. Les promandibulies sont héréditaires dans 25 % des cas.

Anomalies asymétriques

Elles sont liées à un défaut de croissance unilatéral, secondaire :

  • par insuffisance de croissance (ankylose temporomandibulaire, microsomie hémifaciale) ;
  • par excès de croissance (hypercondylie).


Principes thérapeutiques

Les anomalies des bases squelettiques relèvent d’une thérapeutique chirurgicale (chirurgie orthognatique).

Le geste de base est une ostéotomie de la mâchoire anormale de façon à corriger l’anomalie puis à l’immobiliser par ostéosynthèse dans la position corrigée.

Cette chirurgie intervient chez l’adolescent une fois la croissance terminée (entre seize et dix-huit ans). Dans l’immense majorité des cas, l’intervention est précédée par une préparation orthodontique dont le but est de corriger les troubles de l’alignement dentaire et de prévoir un articulé dentaire stable à la fin de l’intervention après déplacement des bases osseuses. Cette préparation orthodontique est garante de la stabilité du résultat.

La chirurgie peut porter sur une seule mâchoire ou bien intéresser les deux maxillaires dans le même temps opératoire.

Cette prise en charge mixte nécessite une bonne coopération entre orthodontiste et chirurgien maxillo-facial.

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