3  -  Dépister les anomalies du développement cranio-facial

3 . 1  -  Ossification cranio-faciale

Deux grands mécanismes président à l’ossification des diverses pièces osseuses qui composent le crâne et la face : l’ossification membraneuse et l’ossification endochondrale.

Ossification membraneuse

Il s’agit du mécanisme qu’on retrouve au niveau de la voûte crânienne et de la plus grande partie des os de la face. Les différentes pièces osseuses sont séparées les unes des autres par des structures spéciales, les sutures, qui correspondent à l’interposition de la membrane périostée, membrane douée de possibilités d’ostéogenèse. La suture n’est pas le lieu d’une ossification de type primaire. Il s’agit d’une ossification de type secondaire, “ de rattrapage “, ne se produisant qu’en réponse à une sollicitation mécanique en tension.

Ossification endochondrale

Elle se produit au sein d’une maquette cartilagineuse préfigurant l’os futur. C’est l’ossification que l’on retrouve au niveau des os longs et au niveau de la base du crâne (partie du crâne qui sépare la voûte du crâne et le massif facial). Dans ce type d’ossification, au niveau des os longs, il existe des structures cartilagineuses spécialisées, douées de possibilité d’ossification de type primaire, c’est-à-dire répondant à des sollicitations hormonales (hormone de croissance, somathormone) mais pas aux sollicitations de type mécanique. On trouve ce type de cartilage au niveau des épiphyses des os longs (cartilage de conjugaison) responsable de l’accroissement en longueur des os longs. On les trouve également au niveau de la base du crâne cartilagineux (chondrocrâne) : les synchondroses.

3 . 2  -  Croissance crânienne

On oppose la croissance de la voûte, constituée essentiellement d’os de membranes, à la croissance de la base constituée d’os de type endochondraux.

À la voûte

Les pièces osseuses sont séparées les unes des autres par les sutures (fig. 3.17). Les différentes sutures crâniennes sont :

  • suture coronale : entre frontaux et pariétaux ;
  • suture sagittale : entre les pariétaux ;
  • suture lambdoïde : entre pariétaux et occipital ;
  • suture métopique : entre les frontaux ;
  • suture inter-pariéto-squameuse : entre les pariétaux et l’écaille occipitale.


Ces sutures, très lâches à la naissance, confèrent au crâne une grande plasticité, permettant les déformations lors de l’accouchement. Elles permettent aussi au crâne de se développer très rapidement après la naissance en raison de la croissance du cerveau. Elles sont sollicitées par l’expansion cérébrale qui est très importante pendant les premières années de la vie : le volume de l’encéphale double à six mois, triple à deux ans et, à trois ans, il représente 80 % de son volume définitif. Grâce à leur ossification de rattrapage, elles permettent le développement cérébral. Ces sutures se ferment lorsqu’elles ne sont plus sollicitées et deviennent alors des synfibroses. Les fontanelles postérieure et sphénoïdales se ferment à l’âge de deux ou trois mois et la fontanelle antérieure vers dix-huit mois.

À la base

La maquette cartilagineuse, ou chondrocrâne, est de type primaire et elle laisse apparaître des zones cartilagineuses spécialisées : les synchondroses. La plus importante est la synchondrose sphéno-occipitale qui est responsable de la croissance en longueur de la base du crâne. Elle est active pendant toute la croissance, ne se fermant qu’à l’âge de vingt ans. En avant, il existe une structure cartilagineuse commune au crâne et à la face, le mésethmoïde cartilagineux, responsable de la croissance de l’étage antérieur de la base du crâne et de la partie médiane de la face. À sa périphérie, il existe d’autres synchondroses, plus latérales, situées à la limite avec les os de la voûte : elles sont responsables de l’élargissement de la base crânienne.

Figure 3.17. Sutures de la voûte

3 . 3  -  Anomalies de la voûte

Il s’agit d’affections caractérisées par une pathologie des sutures.

Retard de fermeture des sutures

Cette anomalie ne provoque pas de retentissement pathologique sur le développement cérébral.
On la trouve dans le rachitisme, associée aux déformations squelettiques avec fragilité osseuse. Au crâne, les sutures sont élargies et les fontanelles se ferment avec retard (dix-huit à vingt-quatre mois). Il existe également un retard dentaire.

Synostose prématurée des sutures, ou craniosynostoses ou craniosténoses

À l’inverse des précédentes, il s’agit ici d’affections gravissimes car la fusion prématurée de la suture entrave le développement cérébral.

Les craniosynostoses atteignent une suture ou un groupe de suture. Elles entravent la croissance perpendiculairement à la suture pathologique et provoquent une déformation crânienne par hypercroissance compensatrice dans la direction de la suture sténosée (loi de Virchow) (fig. 3.18 et 3.19). Les plus connues des craniosynostoses sont :

  • la scaphocéphalie : synostose prématurée de la suture sagittale ;
  • la brachycéphalie : synostose bilatérale de la suture coronale ;
  • la plagiocéphalie : synostose unilatérale de la suture coronale ;
  • la trigonocéphalie : synostose prématurée de la suture métopique.


Elles pourront rester isolées ou s’associer à une atteinte des sutures faciales, donnant les cranio-facio-sténoses :

  • maladie d’Apert ;
  • maladie de Crouzon (fig. 3.20).


Les craniosténoses et cranio-facio-sténoses sont des affections gravissimes. Le risque évolutif majeur est l’hypertension intracrânienne chronique qui évolue à bas bruit et peut conduire à la cécité par atrophie optique et à la débilité mentale par atrophie cérébrale. Elles doivent être opérées précocement (avant le douzième mois).

Figure 3.18. Les principales synostoses de la voûte et leurs déformations (loi de Virchow)
Figure 3.19. Scanner tridimensionnel d’une scaphocéphalie
Figure 3.20. Syndrome de Crouzon

3 . 4  -  Anomalies de la base

L’anomalie la plus caractéristique est l’atteinte du chondrocrâne par achondroplasie.

Elle est relativement fréquente (un cas pour 10 000 naissances) et est dans 80 % des cas sporadique. La transmission des 20 % de cas familiaux est autosomique dominante. Cette maladie résulte de troubles de la croissance cartilagineuse intéressant le cartilage de conjugaison et les synchondroses. La croissance membraneuse n’est pas perturbée.

L’achondroplasie se caractérise par l’association spécifique d’un nanisme micromélique avec des atteintes très caractéristiques de la tête (crâne volumineux, ensellure nasale, micromaxillie), du tronc (lordose lombaire) et des mains (“ en trident “).

À la radiographie, la boîte crânienne est trop volumineuse par rapport à la face (“ montgolfière portant une petite nacelle “). La selle turcique est très ouverte et la synchondrose sphéno-occipitale est prématurément soudée.

6/9