1 . 3  -  Anomalies de fusion des bourgeons faciaux

1 . 3 . 1  -  Kystes et fistules de la face

Les kystes et les fistules de la face résultent d’un trouble de coalescence touchant un ou plusieurs bourgeons faciaux et d’inclusions ectodermiques à la jonction de ces structures.

Fistules faciales

Elles sont rares et se voient surtout à la lèvre inférieure, accompagnant parfois une fente labiopalatine, dont elles signent le caractère familial (syndrome de Van der Woude, fig. 3.5).

Kystes faciaux embryonnaires

Ils sont plus fréquents. Ce sont des inclusions ectodermiques qui persistent lors de la fusion des bourgeons, responsables de kystes dermoïdes ou épidermoïdes. Le kyste de la queue du sourcil, situéà la jonction du bourgeon frontal et du bourgeon maxillaire, est le plus banal (fig. 3.6). Ceux du plancher buccal peuvent être d’expression endobuccale (kystes adgéniens) ou cervicale (kystes adhyoïdiens). Les kystes et fistules médians du dos du nez procèdent d’un défaut de fermeture du neuropore antérieur (vingt-septième jour) et peuvent avoir une extension endocrânienne. Leur traitement est chirurgical et nécessite une exérèse complète du kyste ou de la fistule, afin d’éviter toute récidive.

Figure 3.5. Fistules labiales inférieures avec fente labiale bilatérale (Van der Woude)
Figure 3.6. Kyste dermoïde de la queue du sourcil

1 . 3 . 2  -  Fentes faciales

Généralités

Les fentes faciales résultent d’un défaut d’accolement, avec ou sans hypoplasie, d’un ou plusieurs bourgeons faciaux. Elles affectent gravement non seulement la morphologie faciale mais aussi la fonction orofaciale, ce qui aggrave le retentissement social et psychologique de la malformation.

Certaines fentes faciales sont rares, comme le colobome (fente entre le bourgeon maxillaire supérieur et le bourgeon nasal externe), la macrostomie (fente entre le bourgeon maxillaire supérieur et le bourgeon maxillaire inférieur). D’autres sont plus fréquentes : ce sont les fentes labiopalatines.

Fentes labiopalatines

La présence des fentes labiopalatines (en fait, labio-maxillo-palatines), par l’anomalie de formation du palais primaire et/ou du palais secondaire, a une double conséquence :

  • morphologique : possibilité de déformation faciale du nez, de la lèvre supérieure, de l’arcade alvéolaire et du palais, se modifiant avec la croissance ;
  • fonctionnelle : interruption des sangles musculaires des lèvres, du voile du palais et de l’oropharynx.


Ainsi, selon les formes cliniques, il existe des troubles de la respiration, de la phonation, de la déglutition, de l’audition et de l’éruption dentaire.

Il existe des formes plus ou moins complètes, plus ou moins symétriques, uni- ou bilatérales (fig. 3.7 et 3.8). On les classe en fentes du palais primaire en avant du canal nasopalatin et fentes du palais secondaire en arrière du canal nasopalatin.

Fente du palais primaire, ou fente labiomaxillaire

Elle relève d’un défaut d’accolement des bourgeons nasaux et du bourgeon maxillaire. La forme unilatérale complète associe une ouverture du seuil narinaire, de la lèvre supérieure et de l’arcade alvéolaire (dans la région de l’incisive latérale) jusqu’au canal nasopalatin (canal incisif) (région du prémaxillaire). Les berges de la fente sont plus ou moins décalées en fonction des tractions musculaires et du degré d’hypoplasie des bourgeons. La forme bilatérale isole un bourgeon médian (ou prémaxillaire) porté en avant par le vomer ; il est constitué du tubercule labial médian et du secteur alvéolaire correspondant aux incisives centrales et latérales. Ce bourgeon médian est souvent décalé en avant par rapport aux deux berges externes de la fente.

Fente du palais secondaire, ou division palatine

Dans ce cas, la fente est médiane, allant du canal nasopalatin (canal incisif) à la luette et faisant communiquer largement la cavité buccale avec les fosses nasales par défaut d’accolement des deux lames palatines. Il existe des formes partielles suspectées en cas de luettes bifides : ce sont les fentes du voile (fentes vélaires ou fentes sous-muqueuses) ; il est important de les dépister dès la naissance, car elles peuvent entraîner des troubles fonctionnels.

Fente labio-maxillo-palatine totale


Uni- ou bilatérale, elle associe de façon plus ou moins complète les deux formes précédentes.

Épidémiologie
Les fentes labiopalatines concernent en moyenne une naissance sur 750, avec une prédominance des formes unilatérales du palais primaire. De causes plurifactorielles, elles résultent le plus souvent d’un accident au cours de l’organogenèse entre la cinquième et la septième semaine (infectieux, traumatique, toxique, métabolique, endocrinien, parfois génétique), réalisant alors un tableau isolé ou entrant dans le cadre d’un syndrome polymalformatif.

Traitement
La prise en charge est pluridisciplinaire. Le conseil génétique et la prise en charge psychologique peuvent débuter avant la naissance si le diagnostic échographique anténatal a été posé. Le traitement de la fente s’intègre dans un calendrier qui diffère selon les équipes, mais qu’il est important d’expliquer aux parents.

Il faudra réaliser :

  • un traitement chirurgical primaire (fermeture précoce, simultanée ou successive de la lèvre et du palais au plus tard avant la fin de la première année de vie de l’enfant) ;
  • un suivi orthophonique régulier des fonctions orales, en particulier de la phonation et de la déglutition ;
  • un suivi orthodontique précoce et prolongé jusqu’à la fin de la croissance pour dépister et traiter les désordres dento-alvéolaires ;
  • un suivi ORL, à la recherche notamment de troubles de la fonction tubaire responsables d’otites séromuqueuses à répétition et de troubles de l’audition, entraînant éventuellement la pose d’aérateurs transtympaniques ;
  • un suivi psychologique des parents et du patient ;
  • un conseil génétique à la recherche de syndromes polymalformatifs ou d’une cause génétique ;
  • un suivi chirurgical pendant toute la durée de la croissance, afin de réaliser un éventuel traitement secondaire à visée morphologique nasolabiale et maxillaire ou à visée fonctionnelle par renforcement du vélopharynx, en cas de déperdition nasale au cours de la phonation.


Cette prise en charge pluridisciplinaire à long terme est primordiale pour le traitement de la malformation et de ses conséquences fonctionnelles.

Figure 3.7. La fente embryonnaire et son évolution
a. Évolution normale par confluence des bourgeons faciaux. b. Absence de confluence responsable de fente uni- ou bilatérale.
Figure 3.8. Formes cliniques des fentes labiopalatines
a. Fente labiale gauche incomplète. b. Fente labiale bilatérale. c. Fente palato-vélaire. d. Fente vélaire.

1 . 3 . 3  -  Autres anomalies

D’autres anomalies de l’organogenèse faciale sont possibles, en particulier la persistance de la bascule postérieure de la langue comme dans la séquence de Pierre Robin (fig. 3.9), associant une fente palatine (par interposition de la langue entre les deux lames palatines), une rétromicromandibulie et une glossoptose — c’est-à-dire la chute de la langue en arrière, ce qui a pour conséquence de rétrécir le diamètre du pharynx avec risque d’obstruction des voies aériennes supérieures. Cette anomalie, conséquence d’une dysmaturité neuromusculaire réversible, est responsable de troubles de la déglutition et de troubles respiratoires majeurs qui imposent le placement en urgence du nouveau-né au sein d’un service de réanimation néonatale.

Figure 3.9. Séquence de Pierre Robin : mécanisme de l’obstruction oropharyngée par glossoptose et micromandibulie
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