2 . 2  -  Enquête paraclinique

2 . 2 . 1  -  Bilan de première intention


Généralités

Le bilan de dépistage à prescrire est le suivant :

  • un hémogramme (formule leucocytaire et plaquettes) ;
  • un dosage pondéral des immunoglobulines (Ig) : IgG, IgA, IgM ;
  • une étude des sérologies post-vaccinales et post-infectieuses.

Ce sont des examens simples permettant d’orienter le diagnostic de DIH en cas de signes d’alerte.

Hémogramme

Le 1er examen à réaliser en cas de suspicion de DIH est un hémogramme.

Il permet d’apprécier la formule leucocytaire (à interpréter en valeur absolue), et de rechercher la présence d’une neutropénie, d’une lymphopénie, d’une anémie, d’une thrombopénie et/ou d’une thrombocytose.

Le taux de lymphocytes chez le jeune enfant doit être impérativement interprété en fonction de l’âge du fait de la lymphocytose physiologique dans les premières années de vie (tableau 46.2). Une lymphopénie oriente le plus souvent vers un déficit de l’immunité cellulaire (immunité dépendante des lymphocytes T).

Tableau 46.2 Numération des lymphocytes en valeur absolue (109/L)
Numération0–1 ans1–2 ans2–6 ans6–12 ans12 ans–adulte
Lymphocytes (L)3,4 –93,6–8,92,3–5,41,9–3,71,4–3,3
T CD32,5–5,92,1–6,21,4–3,71,2–2,61,0–2,2
T CD41,4–4,31,3–3,40,7–2,20,65–1,50,53–1,3
T CD80,5–1,70,62–2,00,49–1,30,37–1,10,33–0,92
B CD190,3–3,00,72–2,60,39–1,40,27–0,860,11–0,57
NK CD16 CD560,16–0,950,18–0,920,13–0,720,10–0,480,07–0,48

Un frottis sanguin pourra être demandé en cas d’infection bactérienne invasive (sepsis, méningite) pour rechercher des corps de Jolly en faveur d’une asplénie ou d’une hyposplénie.

Dosage pondéral des Ig

Le dosage pondéral des IgG, des IgA et des IgM apporte des éléments au diagnostic des déficits immunitaires humoraux (lymphocytes B) et des déficits immunitaires combinés (touchant à la fois les lymphocytes T et les lymphocytes B).

Les déficits immunitaires humoraux sont les DIH les plus fréquents, et sont généralement révélés par des infections bactériennes ORL et pulmonaires.

Le dosage des Ig est difficilement interprétable avant l’âge de 4 mois, car à cet âge l’essentiel des IgG sont d’origine maternelle (passage des IgG maternelles en transplacentaire).

Après cet âge, les taux devront être interprétés en fonction de l’âge, car il existe de grandes variations du taux des Ig pendant l’enfance (tableau 46.3).

Tableau 46.3 Dosage des Ig (mg/mL) en fonction de l’âge par la technique de néphélémétrie
Ig< 1 mois1 mois3 mois6 mois1 an3 ans5–9 ans15 ansAdultes
IgG6,1–134,6–8,62,9–5,52,3–4,43,3–6,24,8–8,95,5–11,56,5–12,36,6–12,8
IgA0–0,20,1–0,30,1–0,40,2–0,60,2–0,80,3–1,20,4–1,60,5–20,7–3,4
IgM0,04–0,60,2–0,70,3–0,80,3–0,90,5–1,30,5–1,50,5–1,50,5–1,60,5–2,1

L’interprétation du dosage pondéral des Ig est aussi fonction de la technique de dosage utilisée.

Étude des sérologies post-vaccinales

L’étude des sérologies post-vaccinales (ex. : antitétanique, antidiphtérie, anti-Haemophilus b et antipneumocoque) et des sérologies après une infection patente permet d’apprécier la capacité de production d’anticorps (Ac) spécifiques.

Ces Ac peuvent être soit de type antiprotidique (les plus nombreux), soit de type antipolysaccharidique.

Il est important de savoir que l’enfant âgé de moins de 2 ans a de manière physiologique un défaut de production des Ac antipolysaccharidiques. La production de ces Ac n’est donc évaluable qu’après cet âge (ex. : Ac après infection à pneumocoque ou après vaccination par le vaccin pneumococcique non conjugué).

L’ensemble des sérologies doit être interprété avec prudence pendant les 6 premiers mois de vie, période pendant laquelle il peut exister des sérologies faussement positives dues à la persistance d’Ac maternels.

Examens de première intention pour dépister un DIH :
- hémogramme : neutropénie, lymphopénie, anémie, thrombopénie, thrombocytose ;
- dosage pondéral des Ig : évaluation de la production d’Ac ;
- sérologies post-vaccinales et post-infectieuses : évaluation de la production d’Ac spécifiques.

2 . 2 . 2  -  Bilan de deuxième intention


Généralités

L’analyse conjointe des antécédents infectieux et de l’examen clinique, mais surtout les résultats des examens de 1re intention permettent ensuite de guider la prescription des examens de 2e intention.

On distingue deux situations : présence d’anomalies sur le bilan de dépistage et absence d’anomalies.

Présence d’anomalies sur le bilan de 1re intention

Examens en cas d’anomalie sur le bilan de 1re intention :

  • le phénotypage des lymphocytes T, B et NK dans un 1er temps ;
  • les proliférations lymphocytaires ou test de transformations lymphoblastiques (TTL) dans un 2e temps (si les lymphocytes T sont présents).

Le phénotypage des lymphocytes T, B et NK est à prescrire dans un 1er temps. Il doit être interprété selon l’âge de l’enfant.

Cet examen quantitatif permet d’apprécier la présence et la répartition des différentes populations lymphocytaires, et permet d’orienter le diagnostic soit vers un déficit de l’immunité humorale (dépendante des lymphocytes B), soit vers un déficit de l’immunité cellulaire (dépendante des lymphocytes T).

Les proliférations lymphocytaires (ou TTL) sont à prescrire dans un 2e temps si un déficit immunitaire combiné est suspecté et que le patient a des lymphocytes T circulants.

Elles permettent de différencier les déficits purement de l’immunité humorale des déficits immunitaires combinés (DIC).

Ces examens qualitatifs permettent de mesurer la capacité proliférative des lymphocytes T vis-à-vis de mitogènes ou d’antigènes. Les mitogènes sont capables de stimuler les lymphocytes T de manière non spécifique, c’est-à-dire sans immunisation préalable. Les TTL en réponse aux antigènes nécessitent une sensibilisation préalable du patient, soit par vaccination soit par une infection.

La figure 46.1 résume la démarche diagnostique dans cette situation.

Figure 1 : Démarche en cas d’anomalies sur le bilan de 1re intention.

Bilan de dépistage anormal : phénotypage lymphocytaire (T/B/NK) ± TTL.

Si les examens de 1re intention mettent en évidence un défaut de production d’anticorps post-vaccinaux isolé, il faut revacciner l’enfant et contrôler à nouveau le taux d’anticorps 3 à 6 semaines après. Si le taux d’anticorps reste bas, il faut compléter le bilan par un phénotypage lymphocytaire. En présence d’une lymphopénie isolée sur l’hémogramme, il faut contrôler l’hémogramme quelques jours plus tard pour vérifier sa normalisation. En cas de persistance de la lymphopénie, il faut compléter le bilan par un phénotypage lymphocytaire.

En cas d’hypogammaglobulinémie et de sérologies post-vaccinales et/ou post-infectieuses basses ou nulles, le bilan sera complété par un phénotypage lymphocytaire. En cas de lymphopénie associée à une hypogammaglobulinémie et à des sérologies anormales, le bilan sera complété par un phénotypage lymphocytaire à la recherche, soit d’un déficit immunitaire combiné sévère (DICS) (c’est-à-dire l’absence de lymphocytes T ou la présence d’une lymphopénie T très profonde, associé à un défaut de l’immunité humorale), soit d’un DIC, lorsque la lymphopénie T est moins profonde avec des TTL anormales. Les TTL ne sont à réaliser que si les lymphocytes T sont présents et qu’un DIC est suspecté.

Absence d’anomalies sur le bilan de 1re intention

Examens en l’absence d’anomalie sur le bilan de 1re intention (selon les cas) :

  • l’étude des fonctions phagocytaires :
    • test au Nitro Blue Tetrazolium (NBT test), étude par dihydrorhodamine (DHR),
    • étude du chimiotactisme ;
  • l’exploration des voies du complément :
    • classique : CH50, C3, C4,
    • alterne : AP50 ;
  • le dosage des sous-classes d’IgG, le dosage des IgE, un frottis sanguin.

En cas d’infections tissulaires bactériennes et/ou fongiques (ex. : abcès cutanés et/ou viscéraux, pneumopathie et/ou autre infection aspergillaire), les déficits immunitaires de la phagocytose doivent être évoqués.

Les fonctions phagocytaires peuvent être évaluées par des techniques telles que le NBT test et la DHR, qui étudient l’explosion oxydative (mécanisme mis en jeu pour détruire le pathogène endocyté) et font appel à la capacité de réduction de ces cellules grâce à la génération de produits dérivés de l’O2 après activation. Ces explorations permettent de diagnostiquer une maladie appelée granulomatose septique chronique, dont il existe plusieurs formes génétiques.

L’étude du chimiotactisme étudie le mouvement des polynucléaires neutrophiles (PNN) et permet le diagnostic des défauts d’adhésion leucocytaires.

Le dosage des IgE permet d’argumenter un syndrome hyper IgE (syndrome de Job ou Buckley).

En cas d’infections bactériennes invasives (sepsis, méningite), les explorations sont différentes.

La voie classique du complément est explorée par le dosage du CH50. Un défaut d’un des composés du C1 au C9 entraîne une baisse du CH50 et le diagnostic sera confirmé par le dosage spécifique des divers composants du complément. La voie alterne du complément est étudiée par le dosage de l’AP50. En cas d’anomalie, l’exploration sera complétée par le dosage des différents composés (D, H, I et properdine) ; des défauts génétiques de tous les composés ont actuellement été décrits. Parmi les déficits du complément, les déficits en C2, C3, C4, C5, C6, C7, C8 et en properdine sont plus particulièrement responsables d’infections bactériennes invasives à répétition. Les déficits en protéines H et I, entraînant un déficit en C3 par consommation, peuvent être également responsables d’infections bactériennes récurrentes.

Le dosage des sous-classes d’IgG (1 à 4) recherche un déficit en sous-classes d’IgG.

Un frottis sanguin recherche des corps de Jolly pour écarter une asplénie ou une hyposplénie.

La figure 46.2 résume la démarche diagnostique dans cette situation.

Figure 2 : Démarche en l’absence d’anomalies sur le bilan de 1re intention

En cas d’infections tissulaires bactériennes et/ou fongiques récurrentes, il faut réaliser une étude fonctionnelle des phagocytes avec étude de l’explosion oxydative (NBT test ou étude par DHR) pour rechercher une granulomatose septique chronique ; et éventuellement en cas d’hyperleucocytose importante, on peut rechercher un défaut d’adhésion leucocytaire en étudiant le chimiotactisme. Un dosage des IgE est à réaliser pour rechercher des arguments biologiques en faveur d’un syndrome hyper IgE (syndrome de Job ou Buckley).

En cas d’infections invasives bactériennes causées par des germes encapsulés, il faut rechercher des corps de Jolly sur le frottis sanguin témoignant d’une asplénie ou d’une hyposplénie. Il faut également réaliser une exploration des voies classique et alterne du complément par les dosages du CH50 et de l’AP50, à la recherche d’un défaut d’une des sous-unités du complément. Une étude des sous-classes d’Ig recherche un déficit en sous-classes d’Ig. Enfin les déficits de l’immunité innée seront à étudier en cas de normalité de l’ensemble de ces explorations.

Infections tissulaires bactériennes ou fongiques : fonctions phagocytaires, dosage des IgE.

Infections invasives bactériennes : frottis sanguin, voies du complément, dosage des sous-classes d’Ig, sérologies.

2 . 2 . 3  -  Recours à un avis spécialisé


En cas de normalité de l’ensemble de ces examens, il ne faut pas éliminer pour autant le diagnostic de DIH.

Il s’agit avant tout d’un diagnostic clinique. Les explorations connues actuellement n’étudient qu’une partie du système immunitaire.

En cas de suspicion de DIH, il est nécessaire de recourir à l’avis d’un immunologiste spécialiste pour orienter au mieux le choix des examens biologiques à réaliser.

3/5