4 . 3 . 5  -  Troubles moteurs œsophagiens

4 . 3 . 5 . 1  -  Troubles moteurs œsophagiens primitifs


L’achalasie
(du sphincter inférieur de l’œsophage ou mégaœsophage) : affection nerveuse dégénérative d’étiologie inconnue, elle entraîne une absence de péristaltisme et de relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage. La dysphagie d’abord indolore, devient douloureuse accompagnée de régurgitations fréquentes, nocturnes, pouvant à la longue entraîner un amaigrissement. L’endoscopie permet d’éliminer un cancer du bas œsophage. La manométrie œsophagienne met en évidence une hypertonie du sphincter inférieur de l’œsophage avec absence de péristaltisme. Le transit œsophagien d’une sténose remontée d’une dilatation d’amont et sur la radiographie de thorax, il est parfois retrouvé un niveau liquide.

- Maladie des spasmes diffus de l’œsophage : l’affection se manifeste par une dysphagie et des douleurs rétrosternales per-prandiales, secondaires à une perte intermittente du péristaltisme œsophagien. L’endoscopie élimine un cancer. Le transit œsophagien, quand il est réalisé, révèle une image œsophagienne en chapelet. Le diagnostic est confirmé par la manométrie œsophagienne, indiquant un péristaltisme normal, alternant avec des contractions.

4 . 3 . 5 . 2  -  Troubles moteurs œsophagiens secondaires


Collagénoses :
la sclérodermie comporte une atteinte œsophagienne fréquente. Elle se complique souvent par une œsophagite peptique parfois sténosante. La manométrie révèle une diminution de l’amplitude des contractions péristaltiques des 2/3 inférieurs de l’œsophage avec une hypotonie du sphincter inférieur. Parmi les autres collagénoses responsables, le lupus ou le syndrome de Gougerot-Sjögren.

- Les dermatopolymyosites comportent une atteinte de la musculature striée pharyngée et du 1/3 supérieur de l’œsophage associée à l’atteinte du corps de l’œsophage.

- Les achalasies secondaires se compliquent souvent par atteinte neurologique diffuse (amylose), par atteinte des plexus nerveux œsophagiens d’origine néoplasique (surtout cancer de voisinage).

4 . 3 . 6  -  Causes de dysphagie aiguë

4 . 3 . 6 . 1  -  Causes infectieuses


Les angines et le phlegmon péri-amygdalien entraînent une dysphagie douloureuse, fébrile avec parfois trismus et hypersialorrhée.

Les phlegmons péri et rétropharyngés évoluant dans un tableau de  dysphagie et hypersialorrhée fébrile. Le Scanner permet de préciser l'extension avant le traitement qui est chirurgical.

4 . 3 . 6 . 2  -  Corps étrangers pharyngo-œsophagien


Corps étrangers oropharyngés :
fréquemment alimentaires et acérés (arête, os…), fichés dans l’amygdale ou la base de langue, ils sont souvent visibles à l’abaisse-langue ou au miroir. L’extraction peut s’avérer difficile à cause des réflexes nauséeux et de l’hypersialorrhée.

Corps étrangers hypopharyngés : rarement, ils se compliquent d’une perforation pharyngée avec emphysème ou abcès cervical. Un scanner est nécessaire.

Corps étrangers œsophagiens : alimentaire notamment sur une sténose sous-jacente, ou jouet, pièce de monnaie chez l’enfant ou n’importe quel objet sur terrain psychiatrique. Citons le cas particulier des piles, ingérées essentiellement par le petit enfant. L’extraction s’impose d’urgence à cause du risque de perforation, de fistule œsotrachéale ou de sténose secondaire.

Figure 5 : Arête de poisson fichée dans l’amygdale droite (flèche).
Figure 6 : Corps étranger radio-opaque de la bouche de l’œsophage.

Signes d’appel : dysphagie douloureuse

La complication principale est la perforation œsophagienne avec apparition d’une douleur thoracique à projection postérieure, un emphysème cervical et au stade de la médiastinite : fièvre et altération de l’état général.

La radiographie cervicale de profil peut retrouver le signe de Minigerode (image claire prévertébrale), un emphysème médiastinal sous forme d’une ligne bordante de la silhouette cardiaque.

Un scanner peut être utile en cas de suspicion de médiastinite. Plus rarement, un test à la gastrographine est réalisé lors d’un transit pharyngo-œsophagien à la recherche d’une fistule.

Le traitement est l’extraction endoscopique au tube rigide sous anesthésie générale et vérification de l’état de la muqueuse à la recherche d’une plaie ou d’une perforation. Au stade de médiastinite : abord cervical gauche pour lavage et drainage et extraction d’un corps étrangers, soit par voie endoscopique ou de cervicotomie.

4 . 3 . 6 . 3  -  Brûlures par caustique


Ingestion accidentelle chez l’enfant avec souvent brûlures proximales. L’endoscopie basse sous anesthésie générale est fonction de l’étendue des lésions buccales et oropharyngées et du type de caustique ingéré.

Ingestion souvent volontaire chez l’adulte lors de tentative d’autolyse : dans ce cas, l’ingestion est massive avec brûlures volontiers proximales et distales. L’endoscopie complète est indispensable pour bilan lésionnel et pose de sonde naso-œsophagienne.

Les produits ingérés en cause :

  • acides : acide chlorhydrique, détartrants ;
  • bases : soude, caustique, potasse, ammoniaque ;
  • autres : hypochlorite de soude (eau de Javel), permanganate de potassium, peroxyde d’eau oxygène (eau oxygénée) ;
  • en cas de besoin, renseignements auprès du service de toxicologie de référence.

La symptomatologie clinique est variable selon le type et la quantité de caustique ingéré allant de la simple brûlure buccale ou oropharyngée à une douleur cervicale et thoracique intense avec dysphagie majeure et hypersialorrhée. Les complications immédiates ou différées peuvent être un état de choc ou une perforation entraînant médiastinite ou péritonite.
L’examen clinique comprend :

  • un examen buccal, oropharyngé et pharyngolaryngé ;
  • l’appréciation de l’état général avec prise du pouls et de la tension à la recherche d’un état de choc ;
  • recherche d’une dyspnée, d’un emphysème cervical qui est en faveur d’une perforation ;
  • d’une défense ou d’une contracture abdominale en faveur d’une péritonite.

L’examen endoscopique est réalisé au tube rigide sous anesthésie générale ou bien au fibroscope mais avec un risque de majorer la perforation par l’insufflation. Trois stades de brûlures sont décrits :

  • stade I : brûlures superficielles sous forme d’érythème ;
  • stade II : hémorragies et ulcérations ;
  • stade III : lésions nécrotiques profondes.

D’autres examens biologiques ou d’imagerie sont demandés en fonction de l’état clinique et de l’évolution :

  • évolution favorable dans les brûlures superficielles ;
  • les complications :
    • perforation immédiate ou secondaire responsable de médiastinite ou de péritonite de pronostic grave,
    • hémorragie digestive,
    • dyspnée laryngée,
    • les séquelles : sténose hypopharyngée ou sténose œsophagienne. Le risque sténogène est surtout majeur dans les stades III par brûlure caustique. La sténose peut être partielle ou totale. Le bilan est fait par endoscopie et en cas de sténose majeure par transit pharyngo-œsophagien.
Récapitulatif d’éléments d’orientation diagnostique devant une dysphagie chronique sans cause évidente

- On pense d’abord aux causes mécaniques dominées par les cancers de l’œsophage, du pharynx et du vestibule laryngé, d’autant qu’il s’y associe une otalgie réflexe : l’examen ORL et la fibroscopie œsophagienne sont les examens indispensables devant toute dysphagie. Devant un cancer de l’hypopharynx, un blocage fait rechercher une extension à la bouche de l’œsophage.

- Devant une dysphagie associée à des  ruminations et des bruits hydro-aériques, le transit baryté pharyngo-œsophagien permet de faire le diagnostic de diverticule de Zenker lorsque l’examen pharyngolaryngé est normal ou révèle le signe de la marée.

- Chez 'un patient de plus de 80 ans' ou chez un patient dysphagique à fibroscopie œsophagienne normale : penser achalasie du SSO. Diagnostic sur le radiocinéma. Traitement chirurgical efficace.

- Les antécédents familiaux de troubles de déglutition identiques doivent orienter vers une myopathie ou une maladie neurologique hérédo-dégénérative.

- L’existence de troubles intermittents, ou liés à l’exercice physique ou à la fatigue, doit faire penser systématiquement à une myasthénie. De même, des antécédents de ptosis transitoire, même unilatéral.

- L’existence d’un ptosis palpébral bilatéral doit faire évoquer une possible maladie musculaire.

- L’existence d'une dysarthrie et de fasciculations musculaires, notamment au niveau de la langue ou des muscles scapulaires, doit faire évoquer une pathologie dégénérative de la corne antérieure (sclérose latérale amyotrophique). Mais seules les fasciculations linguales franches, spontanées et à la percussion, ont une valeur.

- Paralysie unilatérale des dernières paires crâniennes (IX, X, XI, XII). Son origine peut se situer au niveau du tronc cérébral ou de la fosse postérieure, mais aussi du cou, des espaces parapharyngés. IRM pour rechercher une cause tumorale compressive.

- Les troubles de la sensibilité pharyngolaryngée, l’abolition du nauséeux peuvent faire évoquer une pathologie neurovasculaire et éliminent une pathologie musculaire et de la corne antérieure.

Une dissociation automatico-volontaire est évocatrice d’un syndrome pseudo-bulbaire et d’une étiologie supranucléaire.

- L’association à des troubles de la déglutition haute, à des signes fonctionnels à type de douleurs thoraciques ou épigastriques, ou de reflux gastro-œsophagien patent doit faire évoquer une maladie motrice de l’œsophage. C’est l’exploration fonctionnelle qui permet ici de poser le diagnostic.

Si tous ces diagnostics ne font pas leur preuve, il faut faire une IRM cérébrale qui permet de détecter une tumeur du IVe ventricule ou une anomalie de la charnière crânio-occipitale révélées par des troubles de déglutition. Mais au terme du bilan étiologique neurologique le plus poussé, clinique et complémentaire, il reste un certain nombre de patients dont les TD restent sans certitude étiologique, notamment chez les sujets âgés. Un traitement symptomatique adapté doit être mis en route et un suivi neurologique maintenu.
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