8  -  Règles générales de prévention technique et médicale des risques chimiques et physiques

En médecine du travail la démarche de prévention primaire implique une évaluation des risques avec hiérarchisation des priorités d'action puis mise en œuvre de moyens visant à supprimer ou réduire les expositions. Cette étape passe par une modification des produits ou des procédés, la mise en œuvre de moyens de protection collective et en dernier recours l'utilisation d'équipements de protection individuelle. La prévention secondaire passe par la visite médicale périodique qui a pour objectif de dépister les effets délétères liés à l'exposition professionnelle. Enfin la prévention tertiaire vise à permettre aux salariés porteurs d'une déficience de garder un emploi.

8 . 1  -  Introduction

L'action du médecin du travail en milieu professionnel est axée sur la prévention visant à éviter l'apparition d'effets délétères chez les salariés exposés à un risque chimique, physique ou biologique.

Son action repose en conséquence sur :

• La prévention primaire qui vise à éviter l'apparition d'effets délétères chez les salariés exposés à un risque chimique, physique ou biologique. Son action repose sur la détermination de groupes de sujets à risques à partir de l'évaluation des risques sanitaires (ERS) des populations. La prévention technique qui en découle va conduire à la mise en place ou l'amélioration des protections collectives et individuelles pour permettre la diminution de l'incidence des pathologies.

• La prévention secondaire est surtout médicale et s'effectue au cours de la visite annuelle du travail (fréquence plus importante en fonction du risque considéré : surveillance médicale spéciale). Elle a pour objectif de dépister les pathologies liées au travail, en essayant d'être le plus précoce possible : recherche d'effets cliniques, biologiques ou fonctionnels. Le médecin du travail dispose pour cela de la possibilité de prescrire les examens complémentaires nécessaires. L'intervention technique sur les lieux de travail suite à un accident de travail ou à la découverte d'une pathologie professionnelle fait aussi partie de la prévention secondaire.

• La prévention tertiaire est à la fois technique et médicale. Elle vise à permettre aux salariés porteurs d'une déficience physique ou mentale de garder leur emploi ou de retrouver un nouvel emploi au sein de l'entreprise. Cette action nécessite un bilan médical et des compétences professionnelles puis des solutions techniques d'aménagement de poste de travail.

8 . 2  -  La démarche d'évaluation des risques sanitaires (ERS)

La démarche d'ERS, clairement définie depuis 1991, a été réaffirmée dans le décret de Novembre 2001 qui oblige toute entreprise à rédiger annuellement un document unique comprenant les résultats de l'ERS. Cet inventaire des facteurs de risques permet la hiérarchisation des priorités d'action dans une entreprise. Elle est conduite sous la responsabilité de l'employeur par une équipe pluridisciplinaire au sein de laquelle le médecin du travail occupe une place de choix.

Elle est constituée de 4 étapes :

  •  Identification et caractérisation des dangers auxquels sont exposés les salariés à partir d'une bonne connaissance des postes de travail. Dans le cadre des risques chimiques, la connaissance de la composition des produits se fait essentiellement à l'aide des fiches de données de sécurité des produits commerciaux (fiches élaborées par les vendeurs de produits et transmises aux entreprises utilisatrices). A partir de l'identification des agents chimiques ou physiques, la recherche documentaire permet la caractérisation des pathologies aiguës et chroniques.
  • Evaluation de l'exposition humaine : celle-ci se fait à partir de mesures d'ambiance et individuelles (mesures des niveaux sonores pour un atelier bruyant, mesures atmosphériques d'un composé chimique dans un atelier pollué) ou de mesures d'indicateurs biologiques d'exposition (toxiques mesurés dans les milieux biologiques des sujets exposés). Une étude ergonomique sur les gestes et postures, mesure du type de vibration et étude de l'organisation du travail sont faites dans le cadre de la prévention des pathologies liées aux vibrations. Cette évaluation est réalisée par l'entreprise elle-même ou demandée à des intervenants extérieurs.
  •  Définition des relations dose-réponse : les relations entre les niveaux d'exposition et la survenue d'effets sur la santé sont définies à partir de données de la littérature.
  • Estimation des risques encourus : le risque de dépassement des valeurs limites d'exposition professionnelle est calculé. Ces valeurs réglementaires ou indicatives sont réévaluées périodiquement (niveaux toujours à la baisse). Elles correspondent aux valeurs d'exposition maximales admissibles déterminées par la concentration moyenne pondérée dans le temps d'un agent dans le milieu approprié. Pour les agents chimiques, il en existe 2 types :
    • la VME (valeur moyenne d'exposition) : concentration maximale pondérée d'un toxique dans l'air que peut respirer une personne pendant 8 heures par jour, et ce, sur de longues périodes. Elle vise à prévenir les effets chroniques
    • la VLE (valeur limite d'exposition) : concentration maximale d'un toxique dans l'air que peut respirer une personne pendant au plus 15 minutes et qui ne doit être dépassée à aucun moment de la journée de travail. Elle vise à prévenir les effets aigus.


Si le risque de dépassement de ces valeurs est trop grand, des effets sanitaires peuvent survenir. Il est alors impératif d'améliorer les moyens de prévention en place.

A partir de cette ERS, un plan d'action est alors défini pour diminuer les risques en fonction des priorités.

8 . 3  -  Les actions techniques de limitation des expositions

  • Remplacement des produits dangereux, élimination ou amélioration des situations dangereuses : aménagement des locaux et voies de circulation, changement du procédé de travail ou amélioration de la conception des engins et outils (suspensions et amortisseurs, dispositif de filtrage des vibrations, amélioration de la prise en main, ergonomie du poste de conduite…)
  • Limitation des émissions à la source et de leur dispersion dans l'atelier par des équipements de protection collective : vase clos, aspiration des émissions et mise en place d'une hotte aspirante lors de l'utilisation de solvants, capotage d'une machine bruyante, aménagement des locaux
  • Limitation de l'exposition des salariés par le port d'équipements de protection individuelle adaptés (gants, masques respiratoires, lunettes de protection, casques antibruits, bouchons d'oreille …)
  • Evaluation de l'efficacité des mesures correctives : surveillance des niveaux d'exposition par métrologie d'ambiance (atmosphérique pour les produits chimiques, sonores pour le bruit…) et surveillance biologique d'exposition (solvants urinaires, plombémie…)

8 . 4  -  La surveillance médicale des salariés exposés au cours de la visite médicale d'embauche puis périodique, à la recherche d'une pathologie liée aux solvants, plomb, bruit, ou vibrations

  1. Recherche de facteurs de risque : alcoolisme ou prise de médicament lors d'une exposition aux solvants, pathologie préexistante pouvant être aggravée
  2. Recherche d'effets cliniques de pathologies professionnelles : par exemple signes ébrio-narcotiques lors d'une intoxication aux solvants, polynévrite lors d'une intoxication au plomb, baisse de l'acuité auditive lors d'une exposition au bruit, syndrome de Raynaud lors d'une exposition aux vibrations. Recherche des signes biologiques ou fonctionnels en prescrivant des examens complémentaires : (NFS pour une exposition au plomb, EMG pour une exposition au n-hexane, examen audiométrique pour une exposition au bruit)
  3. Dosage des indicateurs biologiques d'exposition : métabolites urinaires pour l'exposition au trichloréthylène, plombémie et PPZ ou ALA Urinaire pour le plomb.

8 . 5  -  Les actions de formation et d'information du médecin du travail en tant que conseiller du chef d'entreprise et des salariés, sur :

  1. les risques professionnels auxquels ils sont exposés
  2. les règles d'hygiène élémentaires : ne pas manger, boire ou fumer sur les lieux de travail, hygiène corporelle, lavage des mains et douches
  3. les moyens de protection : règles de manipulation des produits chimiques ou de bonnes postures, port de protection individuelle…
  4. les conduites à tenir en cas d'accident
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