6  -  Risques spécifiques et prévention liés à l’exposition au plomb

Le plomb, toxique cumulatif, entraîne notamment des signes digestifs, neurologiques et rénaux lors des intoxications (saturnisme). Les voies d’absorption mais aussi les signes de saturnisme sont différents entre l’adulte et l’enfant. La réglementation concernant la surveillance des travailleurs exposés est très importante et vise à limiter les niveaux d’exposition. Les laboratoires effectuant le contrôle de ces niveaux doivent être avoir un agrément, certifiant ainsi la qualité des analyses.

6 . 1  -  Généralités

  • Plomb (Pb) : métal lourd à point de fusion bas
  • Intoxications aiguës exceptionnelles en milieu professionnel
  • Risques d’intoxications chroniques car toxique de type cumulatif (stockage dans l’os)
  • Législation précise concernant la surveillance périodique des travailleurs exposés

6 . 2  -  Sources d’exposition

  • Activités professionnelles : métallurgie du plomb et du zinc (fonderies), fabrication des accumulateurs et des batteries, récupération des métaux (= plus de 40% de la production du plomb), oxydécoupage des tôles, soudage, décapage des vieilles peintures, fabrication et emploi de pigments plombifères (peintures, émaux, plastiques), production de verre, fabrication et utilisation de munitions
  • Expositions extra-professionnelles : eau de boisson (canalisation en plomb), écailles de vieilles peintures, aliments conservés dans des céramiques artisanales, fabrication de soldats de plomb

6 . 3  -  Métabolisme

  • Absorption : surtout respiratoire en milieu professionnel (rétention pulmonaire de 40 à 70%), digestive (= 10% du plomb ingéré chez l’adulte mais 50% chez l’enfant où l’absorption est favorisée / vitamine D, graisses et carence en calcium et en fer)
  • Distribution – Stockage : 90% véhiculé par le globule rouge (sous forme liée non diffusible). Stockage : > 90% du pool de plomb dans l’os (relargage possible si déminéralisation, fractures, grossesse, ménopause), 5-10% dans les tissus mous. Passage transplacentaire (risque d’intoxication fœtale) et hémato-encéphalique (important chez l’enfant).
  • Elimination : urinaire (80%) lente (T 1/2 vie sang environ 30 jours ; T 1/2 vie os 10 ans)

6 . 4  -  Signes cliniques d’intoxication (saturnisme)

  • Signes généraux : Altération de l’état général, asthénie, anorexie
  • Atteinte digestive lors des intoxications aiguës ou du relargage de plomb dans les expositions chroniques: « colique au plomb » : douleurs abdominales (parfois de type pseudo-chirurgical) avec constipation, sans contracture ni hypotension.
    Dans les formes historiques, pouvaient être observé un liseré gingival bleuâtre au collet des incisives (liseré de Burton), et des tâches jugales de même couleur (taches de Gübler) (signes d’imprégnation).
  • Atteinte neurologique chronique: chez l’adulte : neuropathie périphérique (paralysie pseudoradiale des 3 et 4èmes extenseurs des doigts, des nerfs des avant-bras et des membres inférieurs mais atteinte subclinique aujourd’hui), atteinte des nerfs oculomoteurs ou laryngés 
    Chez l’enfant : encéphalopathie avec retard mental, troubles psychomoteurs et du comportement
  • Atteinte rénale tardive et rare : néphropathie tubulaire (guérison possible à l’arrêt de l’exposition), néphropathie tubulo-interstitielle et glomérulaire (définitive)
  • L’hypertension artérielle peut s’observer dans les intoxications aiguës et chroniques, bien que son mécanisme étiologique soit mal connu.
  • Autres : hyperuricémie (crises de goutte rares), hypofécondité chez l’homme, foetotoxicité, tératogénicité non démontrée.
  • La cancérogénicité du plomb fait encore l’objet de débats.

6 . 5  -  Diagnostic étiologique

  • Contrôle des niveaux d’exposition atmosphérique : 

Après prélèvement de l’aérosol atmosphérique, le plomb est dosé dans des laboratoires agréés par le Ministère du Travail (laboratoires publics ou privés, Caisse Régionale d’Assurance Maladie) avec des méthodes d’analyses normalisées. Une entreprise est soumise à la législation plomb si la concentration atmosphérique en plomb est supérieure à 75 µg/m3 et la valeur limite d’exposition professionnelle (VME) à ne pas dépasser est de 150µg/m3.

  • Diagnostic biologique :

Mécanismes d’action toxique : le plomb entraîne une inhibition enzymatique de la biosynthèse de l'hème (acide delta amino-lévulinique(ALA) -synthétase, ALA-déshydrase et hème synthétase) => accumulation de l’ALA dans le sang et l’urine (ALAU), des protoporphyrines-zinc dans les hématies (PPZ), puis apparition d’une anémie.
De plus, il diminue de la durée de vie des hématies, modifie le métabolisme du fer par diminution de sa capacité de fixation et entraîne des troubles de maturation des réticulocytes responsables de la présence d'hématies à granulations basophiles.

                       • NFS : normale ou anémie normo ou microcytaire, hypochrome, régénérative avec ferritine normale ou élevée. Sur la lame, peuvent être vues des hématies à granulations basophiles
                       • Plombémie : bon indicateur du plomb biologiquement actif, reflet de l’exposition du mois précédent ( inaptitude professionnelle si > 50 micorgrammes /100 ml)
                       • PPZ érythrocytaires : reflète l’inhibition de l’hème synthétase, variation lente par rapport aux fluctuations de l’exposition (de l’ordre de quelques semaines) => intérêt si arrêt de l’exposition depuis plusieurs jours
                       • ALAU : traduit le degré d’inhibition de l’ALA-deshydrase, test peu sensible mais qui suit les variations de l’exposition => intérêt si exposition courte et chez l’enfant
                       • Plomburie provoquée (test à l’EDTA) : la mobilisation du plomb s’effectue par administration d’un chélateur (EDTA calcique). Ce test, qui constitue le meilleur test d'imprégnation de l'organisme, est réalisé pour les cas douteux ou quand les sujets ne sont plus exposés au plomb depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

6 . 6  -  Traitement des intoxications

Administration de traitement chélateur (EDTA calcique ; DMSA (dimercapto succinic acid) pendant 5 jours consécutifs après vérification de l’intégrité rénale. Traitement pouvant être renouvelé tous les mois en fonction de la gravité de l’intoxication.

Prévention – Réparation

  • Contrôle des niveaux d’exposition atmosphérique et biologique : Le plomb impose une surveillance périodique des travailleurs exposés (décret du 1/02/88 et arrêté du 15/09/88) associant NFS, créatinémie, dosage du plomb atmosphérique et dosage de plombémie dans un laboratoire agréé associé à un dosage des PPZ érythrocytaires ou de l’ALAU. Ces résultats doivent toujours être inférieurs aux valeurs limites d’exposition professionnelle. Une mise en demeure de l’entreprise par l’inspecteur du travail peut être faite en cas de dépassement de ces valeurs ainsi qu’une éviction du sujet au poste. La périodicité du contrôle des expositions est fonction des niveaux mesurés.
  • Limitation des expositions : identification puis éviction des produits contenant du plomb, modification des modes opératoires pour limiter l’émission de vapeurs (diminution de la température) et de poussières (éviter le grattage, meulage), mise en place d’aspiration à la source, port de protection individuelle (masque respiratoire), respect des mesures d’hygiène (lavage des mains, interdiction de fumer ou manger sur le lieu de travail).
  • Dépistage des signes cliniques précoces d’intoxication
  • Déclaration de Maladie Professionnelle : tableau n°1 pour le Régime Général, tableau n°18 pour le Régime Agricole.
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