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Cancers du côlon et du rectum
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Épidémiologie
Environ 37 000 nouveaux cas de cancers colorectaux surviennent chaque année en France, avec 15 000 décès par an (deuxième cause de décès par cancer). La France se situe, comme d’autres pays industrialisés, parmi les régions à risque élevé de cancer colorectal. 5 % de la population aura un cancer du côlon. Environ 40 % de ces cancers touchent le rectum, 60 % le côlon où la localisation principale est le sigmoïde. Le sex-ratio hommes/femmes du cancer du côlon est de 1 ; celui du cancer du rectum est de 2. Le cancer colorectal, rare avant 50 ans, voit sa fréquence régulièrement augmenter après cet âge. L’incidence du cancer colorectal a augmenté ces dernières années, mais parallèlement la mortalité diminue grâce aux progrès de la prise en charge et à la mise en place des stratégies de dépistage. Le taux de survie global actuel est d’un peu moins de 60 % 5 ans après le diagnostic ; il passe à plus de 90 % pour les cancers de stade I.
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Facteurs de risque et stratégie de dépistage en fonction du niveau de risque
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Personnes à risque moyen (cas général) : dépistage généralisé par recherche d’un saignement occulte dans les selles (important +++)
Ce sont les hommes et les femmes de plus de 50 ans (94 % des cancers colorectaux surviennent après 50 ans) de la population générale qui ne sont ni à risque élevé ni à risque très élevé (voir infra).Dans cette population, les pouvoirs publics généralisent actuellement en France un test de recherche d’un saignement occulte dans les selles (Hémoccult) proposé tous les deux ans entre 50 et 74 ans, suivi d’une coloscopie en cas de positivité. Il est ainsi théoriquement possible de diminuer la mortalité par cancer colorectal de 15 à 20 % si la participation de la population atteint 50 %. En cas de test positif, un adénome de taille supérieure à 1 cm ou un cancer est diagnostiqué par la coloscopie quatre fois sur dix. Les trois quarts des cancers dépistés par cette méthode sont de bon pronostic car limités à la paroi (stades I et II de la classification TNM). Il faudrait développer le dépistage de masse +++, notamment le fait que l’Hémocult ® n’est pas indiqué en cas de symptôme quel qu’il soit ou de famille à risque > moyen.
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Personnes à risque élevé (15 à 20 % de la population générale)
Ce sont les personnes qui ont :
– déjà eu un adénome de plus d’un cm ou des adénomes avec contingent villeux ou un premier cas de cancer colorectal : une coloscopie de surveillance est effectuée à 3 ans, et, si la coloscopie est normale, tous les 5 ans ;
– un parent du premier degré (père, mère, frère, sœur, enfant) qui a eu un cancer colorectal diagnostiqué avant l’âge de 60 ans, ou deux parents du premier degré, quel que soit l’âge. La première coloscopie est faite à partir de 45 ans ou 5 ans avant l’âge du diagnostic du cas index, puis tous les 5 ans après une coloscopie normale ;
– une maladie de Crohn colique ou une rectocolite hémorragique, soit étendue et évoluant depuis plus de 7 à 10 ans, soit associée à une cholangite sclérosante. La prise en compte du risque repose sur les coloscopies itératives et, pour la RCH à ce jour, sur la chémoprévention par dérivés 5-aminosalicylés (nouveau, voir chapitre 8).
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Personnes à risque très élevé (1 à 3 % de la population générale)
Ce sont les personnes qui ont :
• une polypose adénomateuse familiale ;
• un syndrome du cancer colique familial ou HNPCC (Hereditary non polyposis colorectal cancer) ou syndrome de Lynch. C’est un syndrome de transmission autosomique dominant par mutation constitutionnelle d’un des gènes du système MMR (principalement hMLH1et hMSH2) impliqués dans la réparation des erreurs de l’ADN et ayant donc une fonction suppressive de tumeurs. L’HNPCC est responsable d’environ 4 % des cancers colorectaux.
Lorsqu’il existe une mutation constitutionnelle sur un allèle d’un des gènes MMR, la survenue d’un évènement somatique inactivant le second allèle du gène (et donc le système MMR) conduit à une instabilité génétique qui accélère indirectement la tumorigenèse en augmentant le taux de mutations sur l’ensemble du génome dans des zones de répétition de l’ADN appelées micro-satellites. La recherche de cette instabilité des microsatellites, visible au niveau de l’ADN tumoral et appelé phénotype MSI (MicroSatellites Instability), permet de la sélection des patients auxquels on proposera une analyse génétique constitutionnelle. Un complément au phénotypage MSI est l’immunohistochimie avec des anticorps spécifiques (notamment MLH1, MSH2) qui peut montrer uneperte d’expression protéique au niveau des cellules tumorales et orienter ainsi la recherche de la mutation causale dans le sang.
La pénétrance de ce syndrome est élevée avec 70 % de risque cumulé de cancer colorectal pour les hommes et 40 à 60 % pour les femmes. Le risque ne se limite pas au côlon puisque les femmes ont également un risque cumulé de cancer de l’endomètre de plus de 40 %. D’autres localisations plus rares peuvent être observées. On retient comme faisant partie du spectre étroit, en plus du côlon et de l’endomètre, les voies urinaires et l’intestin grêle. Le spectre large inclut également les cancers de l’estomac, des voies biliaires, des ovaires, du pancréas, les tumeurs cérébrales, les adénomes sébacés et les kératoacanthomes.
Les critères historiques pour suspecter cliniquement un syndrome HNPCC sont les critères d’Amsterdam (au moins 3 cancers du spectre HNPCC dont un cas lié au premier degré avec les deux autres, deux générations successives touchées, et au moins un cas diagnostiqué avant 50 ans). D’autres critères, plus récents et plus larges, dits de Bethesda, associent des critères cliniques et la recherche du phénotype MSI sur la tumeur. La confirmation repose sur l’identification longue et délicate de la mutation constitutionnelle sur l’un des gènes du système MMR.
La détection des cancers colorectaux en cas de risque très élevé repose sur les coloscopies itératives (en général annuelles ou biennales) à un rythme suggéré par les consensus d’experts. Cette surveillance concerne les patients à risque avéré et les apparentés porteurs d’une mutation ou susceptibles de la porter. Les seuls membres potentiellement à risque exclus de la surveillance sont ceux chez lesquels on sait avec certitude à l’issue d’une enquête génétique familiale qu’ils n’ont pas la mutation identifiée dans la famille.
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