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Les maladies neurologiques dégénératives et les destructions cérébrales d'origine vasculaires ou traumatiques sont les étiologies des syndromes démentiels.
Le terme maladie d'Alzheimer était réservé aux démences préséniles survenant avant 60 ans. Le terme est étendu actuellement quel que soit l'âge sous la dénomination Maladie d'Alzheimer (MA) ou démence de type Alzheimer (DTA ). Nous en avons vu les caractéristiques essentielles et la démarche clinique.
La démence frontotemporale (DFT), estimée à 10 % des cas, est une démence corticale proche de la maladie d'Alzheimer. La maladie de Pick fait partie des DFT. Elle est rare après 70 ans.
Les troubles mnésiques sont au second plan. Des troubles de l'humeur, du caractère et du comportement sont prédominants et souvent révélateurs.
Le diagnostic est actuellement fait selon les critères de Lund et Manchester (tableau 7).
Troubles comportementaux :
- début insidieux et progression lente - négligence physique précoce - négligence précoce des conventions sociales - désinhibition comportementale précoce (hypersexualité, familiarité excessive) - rigidité mentale et inflexibilité - hyperoralité (gloutonnerie, consommation excessive de cigarettes ou alcool) - stéréotypies et persévérations (déambulation, manièrisme, activités rituelles) - comportement d'utilisation et d'imitation - distractibilité, impulsivité - perte précoce de l'autocritique (anosognosie) Symptômes affectifs : - dépression, anxiété, sentimentalité excessive, idées fixes, idées suicidaires, idées délirantes - hypocondrie, préoccupations somatiques bizarres - indifférence affective (manque d'empathie, apathie) - amimie (inertie, aspontanéité) Troubles du langage : - réduction progressive du langage (aspontanéité) - stéréotypies verbales et palilalie - écholalie et persévérations Préservation de l'orientation spatiale et des praxies Signes physiques : - réflexes archaïques précoces - troubles sphinctériens précoces - hypotension artérielle et variations tensionnelles Examens complémentaires : - EEG normal - atteinte prédominant dans les régions frontales (TDM, IRM ou SPECT) - troubles sévères des fonctions exécutives |
Les démences sous-corticales et cortico-sous-corticales
On y trouve des signes psychiatriques fréquents et souvent initiateurs : troubles de l'humeur et de l'affectivité, troubles psychotiques (hallucinations, idées de persécution....)
La répercussion sur le comportement social est précoce. Il existe un ralentissement des temps de réaction contrairement à la MA où les patients gardent une répartie rapide. La mémoire est touchée du fait de la bradyphrénieDéfinitionLa bradypsychie ou bradyphrénie est le symptôme opposé à la tachypsychie, le ralentissement du cours de la pensée présent dans les manifestations du pôle dépressif. Il s'associe à une certaine asthénie générale et psychomotrice. La dépression traduit avant tout une perte d'un objet inconscient et difficilement déterminé auquel le sujet reste psychiquement attaché. Il faut comprendre que cette perte ne s'articulant pas consciemment à l'objet, ne trouve aucune fonction anaclitique, aucune métabolisation vers l'étayage. Par conséquent la perte inconnue d'un objet inconscient se traduit directement chez le sujet par la perte de lui-même. Freud nous a laissé une phrase célèbre pour qualifier la dépression: l'ombre de l'objet est tombée sur le moi. Cette ombre, la perte du sujet, implique le patient dans sa propre destructuration progressive qui le pousse paradoxalement à parler constamment de lui-même à travers le récit de ses difficultés. Le sujet tente d'exister à travers sa propre dislocation et il le fait au ralenti, bradypsychiquement, par le fait que le moi se perd de lui-même, devient le foyer d'une culpabilité et d'une mésestime permanente.. Le souvenir est amélioré par l'indiçage : il s'agit plus d'une difficulté de restitution des informations que d'une difficulté d'encodage.
Les étiologies sont :
• Démence à corps de Lewy (DCL) qui se caractérise par un syndrome parkinsonien, des hallucinations visuelles, des épisodes délirants et une mauvaise tolérance aux neuroleptiques.
• Démence au cours d’une maladie de Parkinson.
• Démence de la paralysie supranucléaire progressive ou maladie de Steele-Richardson-Olszewski.
Les démences vasculaires ou traumatiques font suite à des accidents cérébraux dont il existe des signes cliniques neurologiques. Elles sont souvent mixtes c'est à dire associées à une MA sous-jacente dont elles enrichissent la symptomatologie.
La prise en charge et le traitement de la maladie d’Alzheimer et des autres syndromes démentiels est un parcours long et difficile. A partir des premiers troubles et du diagnostic plus ou moins tardif qui y fait suite, s'ouvre une période longue de plusieurs années, 5 à 15 ans, où des adaptations successives des traitements et de l'organisation de vie devront être opérées.
Prise en charge des troubles cognitifs de la MA
Les traitements médicamenteux actuels de la MA sont essentiellement substitutifs. Il s’agit d’anticholinestérases, inhibant l'enzyme de dégradation de l'acétylcholine et permettant par cet effet de soutenir le taux d'acétylcholine déficitaire. Trois molécules sont disponibles : la tacrine (Cognexâ), le donépézil (Ariceptâ) et la rivastigmine (Exelonâ).
Leur prescription est soumise à des critères de dispensation et de surveillance rigoureuse. Les médicaments doivent être prescrits au début par un spécialiste de la maladie d'Alzheimer ( gériatre, neurologue ou psychiatre ) . Ce spécialiste doit avoir connaissance des autres traitements pris par le patient afin d'éviter certaines associations dangereuses. Le médecin généraliste peut ensuite renouveler les ordonnances. Une évaluation par le spécialiste doit être refaite tous les 6 ou 12 mois selon le médicament.
Ces médicaments sont indiqués lorsque la maladie est d’intensité légère, modérée et modérément sévère. Ils sont actifs chez un certain nombre de patients seulement. Rien ne permet actuellement de prédire à l'avance leur efficacité. Si le traitement est efficace, le déclin peut être stabilisé pour un temps donné ou la dégradation plus lente
qu'elle ne serait survenue spontanément. Ceci peut permettre de maintenir une autonomie compatible avec le maintien à domicile plus longtemps.
Ces médicaments peuvent avoir des effets secondaires d'ordre digestif (nausées, vomissements voire diarrhée) ou psychique (insomnie, asthénie).
Les caractéristiques principales des anticholinestérasiques sont résumées dans le tableau 8.
Actuellement, d’autres molécules sont en cours d’expérimentation comme les agonistes cholinergiques muscariniques. Des traitements visant à pallier les déficits cérébraux des monoamines (sérotonine, dopamine) pourraient également s’avérer intéressants (inhibiteurs de la monoamine oxydase). Des voies prometteuses s’orientent vers la recherche de produits empêchant la formation des lésions neuropathologiques (dégénérescence neurofibrillaires, plaques séniles) en intervenant sur les processus physiopathologiques impliquant la protéine tau et le peptide Aß ou empêchant la mort neuronale.
Le rôle symptomatique et/ou préventif dans la maladie d’Alzheimer des inhibiteurs calciques (nimodipine), des oestrogènes, de la sélégiline, de la vitamine E, des anti-inflammatoires non stéroïdiens fait l’objet d’études à l’heure actuelle.
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Sécurité d’emploi des antipsychotiques classiques chez les patients âgés déments [en ligne]. 09/12/2008
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Mise au point sur la prévention de l’iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé [en ligne]. 04/07/2005.
La prise en charge ne se limite pas à l'éventuelle prescription d'un traitement symptomatique des troubles de la mémoire. Il existe un risque important que l'entourage prive le malade de toute activité et de tout contact par honte et par crainte. Ceci ne peut qu'aggraver la déperdition des fonctions encore présentes. Le maintien, voire la restitution temporaire de certaines capacités, passe par un certain nombre de recommandations :
• Maintenir un bon état physique : encourager la marche par des promenades quotidiennes ;
• Stimuler et encourager la pratique d'activités quotidiennes d'occupation ou de loisir : cuisine, vaisselle, ménage, bricolage, jardinage . . .
Selon l'état du malade, il s'agit de le laisser faire, de le surveiller ou de le guider. La notion de plaisir est à rechercher.
• Maintenir une vie sociale : garder le lien avec des amis en les avertissant de l'existence des difficultés chez le malade, fréquenter les magasins (à des moments de moindre cohue), les restaurants, les lieux de culte....
D'autres prises en charge à visée thérapeutique sont tentées. Leur efficacité sur les troubles cognitifs est controversée. Par contre, il existe un indiscutable effet de bien-être pour le patient et de sentiment de soulagement et de déculpabilisation des proches.
Voici quelques exemples :
• Groupes de stimulation de la mémoire
• Prise en charge par un orthophoniste
• Atelier d'expression artistique : peinture, modelage...
• Musicothérapie
• Contact avec des animaux de compagnie.
Sur le plan de la surveillance médicale et des coprescriptions, ces malades doivent être suivis attentivement. Les symptômes fonctionnels d'autres pathologies sont mal exprimés du fait des difficultés d'expression et de compréhension. L'entourage peut aider à décoder les "plaintes" du malade. Il convient d'être très économe dans les médicaments et de proscrire les molécules anticholinergiques.
Prise en charge des troubles du comportement
Les troubles du comportement sont inévitables. Ils sont de deux origines : soit endogènes, faisant suite à une production délirante ou hallucinatoire par exemple, soit exogènes c'est à dire réactionnels à ce que le malade perçoit de sa situation et de son environnement. Les deux mécanismes peuvent s'associer.
Il est important, devant un trouble du comportement, de savoir analyser le mécanisme en cause. S'il s'agit d'un trouble apparemment sans délire ni hallucination, que s'est-il passé ? Une reconstitution des circonstances et des paroles et attitudes des protagonistes, apporte souvent une explication vrai- semblable à la réaction du malade. Si l'entourage apprend ainsi, par les expériences successives, à mieux connaître les réactions du malade et si le médecin explique et fait comprendre, la prise en charge sera de plus en plus adaptée et compréhensive. A l'inverse, la prescription automatique de psychotropes, sédate le malade et ne règle pas ses difficultés quotidiennes.
C'est à dire que l'entourage doit apprendre à connaître et à comprendre les réactions du malade. Il peut s’agir de manifestations apparues à l’occasion d’une maladie intercurrente dont le traitement permettra d’obtenir la régression des troubles comportementaux. Le médecin traitant n'est pas toujours à l'aise dans la formation et le conseil vis à vis des familles. Les Hôpitaux de Jour et autres Centres experts ainsi que les associations de soutien (France Alzheimer et associations départementales) donnent des avis et de la documentation conçue à l'usage des proches.
Toutes les difficultés comportementales ne se règlent cependant pas par des attitudes intelligentes et adaptées. Il est nécessaire de traiter les symptômes gênants tels que agressivité, anxiété, insomnie, dépression. Un délire n'ayant pas de conséquence pénible pour le malade et tolérable par l'entourage n'est pas forcément à traiter. Les traite- ments par psychotropes respectent les principes suivants :
• Monothérapie si possible
• Durée de vie courte
• Traitement de quelques jours ou semaines puis essai d'arrêt.
Haute Autorité de Santé. Maladie d'Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs [en ligne]. Mai 2009.
Haute Autorité de Santé. Diagnostic et prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées [en ligne]. Mars 2008.
L'action de l'entourage et l’aide aux aidants
L'entourage a une importance essentielle dans le projet thérapeutique du malade.
Au moment où le diagnostic est posé, les réactions de l'entourage familial sont variées : négation, catastrophisme, courage....
L'entourage n'est pas fait que d'une personne : il y a le conjoint, les enfants, les gendres et belles-filles etc....Chacun réagit en fonction de l'histoire familiale.
Tout peut se voir depuis la cohésion totale au déchirement sordide.
Le médecin doit savoir quel est l’entourage du malade ou si celui-ci est seul. En cas de cohabitation, il en évalue la disponibilité, la cohésion, la solidité psychologique.
Quoiqu'il en soit, toute famille, même la mieux disposée et la plus solide, a besoin de conseils, de soutien psychologique et d'encouragements.
La démence entraîne une dépendance rapidement importante. Toutes les activités sociales et domestiques sont compromises : gestion, achats, utilisation des moyens de transport, ménage, cuisine. Les activités de soin personnel sont également touchées : prise des médicaments, capacité à communiquer , à sortir seul de chez soi en sécurité, à faire sa toilette et à s'habiller. Seule la locomotion est longtemps préservée et c'est ce qui cause parfois le plus de difficultés.
Le malade ne sait plus accomplir un certain nombre de tâches. Par contre, il fait parfois des "bêtises : déplacer des objets, ouvrir des robinets, cacher de l'argent, jeter un courrier important....
L'entourage doit donc compenser les manques et surveiller ou réparer les actes aberrants.
Quelles aides peuvent être apportées aux aidants ?
On recommande des aides pour la toilette, l'habillage et la propreté sphinctérienne. L'intervention d'un tiers est parfois mieux acceptée par le malade que si c'est un membre de la famille qui en a la charge.
Le besoin principal des familles est d'avoir des moments de répit : une ou deux journées par semaine d'accueil en Hôpital de Jour ou en Centre de Jour, ou bien hébergement temporaire de deux à trois semaines une ou plusieurs fois par an dans une institution.
Certaines aides sont financées par la Sécurité Sociale (Hôpital de Jour, soins infirmiers à domicile), d'autres sont à la charge du malade (changes jetables pour incontinent, accueil de jour, hébergement temporaire). La Prestation Spécifique Dépendance peut être obtenue, sous conditions de ressources, pour financer ces aides.
Eléments de suivi
Le suivi d'un malade dément est une histoire de plusieurs années. Cette affection ouvre en France le droit à une prise en charge à 100 % sous le régime des affections de longue durée. En moyenne, on admet que 80 % de la durée de la maladie se passe au domicile et 20 % (les phases terminales) dans les hôpitaux ou les institutions.
La majorité de la durée est donc sous la surveillance des médecins généralistes.
En ce qui concerne le malade, le suivi des fonctions mentales peut se faire par le MMSE. Si le malade est suivi par un centre expert, les éléments psychométriques contrôlés sont plus précis.
Sur le plan physique, on suit le poids et l'état nutritionnel en s'enquérant de l'appétit. Les autres questions concernent le sommeil, l'humeur et les activités exercées. Enfin, la détection d'affections concomitantes et leur suivi est indispensable malgré les difficultés de communication et d'examen.
En ce qui concerne l'entourage, on s'enquiert de sa résistance, de son moral, des questions qu'il se pose et des limites qu'il se fixe. Le sentiment de culpabilité est fréquent.
Sécurité et protection du malade
La démence crée des risques et des dangers.
Le malade est précocement incapable de gérer ses affaires. Si l'entourage le fait avec bienveillance et sans contentieux entre ses membres, il n'y a pas lieu d'intervenir. Par contre, si le malade est seul, s'il est exposé à des manipulations ou si la discorde s'installe dans son entourage, la loi permet de le mettre sous protection juridique.
Une première mesure à effet immédiat de protection est la sauvegarde de justice. Elle est décidée par le procureur de la République et sur signalement. Il s'agit d'une mesure non publique qui permet de faire annuler les malversations dont la personne protégée aurait été victime du fait de sa vulnérabilité. La sauvegarde de justice dure six mois. C’est une mesure d'attente d'un éventuel jugement de tutelle ou curatelle.
La curatelle et la tutelle sont des mesures résultant d'un jugement (juge des tutelles) au vu d'un certificat médical d'un médecin expert agréé par le tribunal d'Instance, d'une audition du malade et d'une audition des membres de la famille par le juge. Celui-ci prononce le jugement en choisissant la mesure appropriée (curatelle, tutelle) et en désignant le curateur ou tuteur.
La curatelle est une protection qui respecte le droit de vote et permet au majeur protégé d'effectuer les actes de gestion qui doivent être contresignés et approuvés par le curateur.
La tutelle réduit le protégé au niveau d'incapable majeur et lui retire ses droits civiques. En cas de MA ou d'autres démences, la tutelle est la mesure habituellement adaptée.
La sécurité et la protection des malades se fait aussi dans la vie quotidienne. La conduite automobile est fortement déconseillée même si les malades au stade débutant ne comprennent pas qu'on mette en cause leur compétence.
Dans le logement, il faut penser à la sécurité : gaz, électricité, eau, escaliers, médicaments, produits ménagers....
Enfin, le médecin traitant doit savoir que la démence est un facteur de risque de maltraitance, indicateur de l’épuisement familial. La charge physique et psychologique écrase les aidants non préparés, mal soutenus, ayant des difficultés psychiques. Par exaspération, par vengeance parfois, des malades sont battus, insultés, surcalmés par des médicaments, laissés dans leurs déjections. Les troubles de la mémoire ou les propos "délirants", procurent une amnistie aux auteurs. La détection des signes de maltraitance fait partie des critères de suivi.
AGID Yves. Les démences dégénératives-Conférence introductive à l'Ecole de l'INSERM [vidéo]. Canal U- BIOTV. 28/04/2004.