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En finir avec l'héritabilité manquante ?
Même si le "Whole Exome Sequencing" doit dans un futur récent révéler de nombreux variants rares qui contribuent à l'héritabilité des maladies multifactorielles, il est vraisemblable qu'il subsistera encore une part d'héritabilité manquante.
Selon Evan Eichler Eichler EE et al. , Missing heritability and strategies for finding the underlying causes of complex disease. Nat Rev Genet. 2010 Jun;11(6):446-50 l’héritabilité manquante résiderait dans les variants de « grande taille » (comparés aux SNPs) comme les délétions, duplications, inversions (copy number variations CNVs) qui sont communes dans les populations humaines et non accessibles par les approches classiques de génétique (GWAS, séquençage…).
En savoir plus: O'Donovan et al. , Phenotypic variations on the theme of CNVs. Nat Genet 2008 vol. 40 (12) pp. 1392-3 Wellcome Trust Case Control Consortium Genome-wide association study of CNVs in 16,000 cases of eight common diseases and 3,000 shared controls. Nature 2010 464 pp 713-720
Selon Greg Gibson Eichler EE et al. , Missing heritability and strategies for finding the underlying causes of complex disease. Nat Rev Genet. 2010 Jun;11(6):446-50, comme l’héritabilité est aussi la variance totale du phénotype en population à laquelle on déduit la variance environnementale, il est postulé que les individus partagent un environnement commun, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas et constitue un postulat réducteur. Gibson suppose l’existence d’un « environnement caché » qui interagirait avec les variants génétiques biaisant ainsi notre estimation de l’héritabilité. De plus les interactions gène-environnement ne sont pas prises en compte dans les modèles de calcul de l’héritabilité et n’interviennent pas non plus dans les analyses des résultats de GWAS.
En savoir plus: Visscher PM et al., Heritability in the genomics era-concepts and misconceptions. Nat Rev Genet. 2008 Apr;9(4):255-66. Epub 2008 Mar 4
Selon Augustine Kong Eichler EE et al. , Missing heritability and strategies for finding the underlying causes of complex disease. Nat Rev Genet. 2010 Jun;11(6):446-50 comme certains variants impliqués notamment dans les cancers et dans le diabète de type 2 se sont avérés « à risque » uniquement quand ils sont transmis par un parent donné Kong A et al., Parental origin of sequence variants associated with complex diseases. Nature. 2009 Dec 17;462(7275):868-74 En effet des variants « à risque » de diabète de type 2 devenaient « protecteurs » s’ils étaient transmis par l’autre parent. Ces phénomènes permettent de mieux cerner où se cache (une partie de) l’héritabilité manquante. D’une part ces variants sont délicats à mettre en évidence et leur contribution à l’héritabilité est forcément sous estimée si les modèles ne prennent pas en compte l’origine parentale. Un autre exemple concerne des variants génétiques qui augment la recombinaison génétique chez les pères et la réduisent chez les mères Kong A et al. , Sequence variants in the RNF212 gene associate with genome-wide recombination rate. Science. 2008 Mar 7;319(5868):1398-401. Epub 2008 Jan 31, comme le taux de recombinaison parental affecte la transmission et que la recombinaison peut s’accompagner de mutations il est possible qu’il y ait alors une association qui repose aussi sur la nature du parent transmetteur. Dans le même registre les mécanismes d’empreinte parentale (épigénétique) ne sont pas pris en compte dans les approches GWAS et représentent aussi une part non négligeable de l’héritabilité manquante.
En savoir plus: HT Bjornsson , Intra-individual change over time in DNA methylation with familial clustering. JAMA 2008 vol. 299 (24) pp. 2877-83 C Biémont , From genotype to phenotype. What do epigenetics and epigenomics tell us? Heredity 2010 105 pp 1-3 Gertz J et al., Analysis of DNA Methylation in a Three-Generation Family Reveals Widespread Genetic Influence on Epigenetic Regulation. Plos Genet 2011 7 e1002228.
Selon Jason Moore Eichler EE et al. , Missing heritability and strategies for finding the underlying causes of complex disease. Nat Rev Genet. 2010 Jun;11(6):446-50 se référant aux micro-RNAs non codants qui sont un mécanisme nouveau de régulation génique, il faut conceptualiser l’héritabilité dans les maladies multifactorielles comme la résultante d’une superposition (juxtaposition ? interaction ?) de différentes couches de complexité. La première serait la variabilité de la structure primaire de l’ADN accessible par les méthodes habituelles (GWAS, séquençage), cependant des variants génétiques peuvent influencer ensuite l’expression de micro-RNAs ajoutant une nouvelle couche de complexité. Sur ces couches peuvent s’adjoindre d’autres couches de complexité comme l’épigénétique, les variations de recombinaison génétique en rapport avec des distorsions de transmission, les variations conformationnelles de la chromatine qui modulent aussi l’expression génétique. Ce concept que des variants génétiques multiples interagissent entre eux à travers plusieurs couches de complexité génomique est à mettre en perspective à ce que Bateson Bateson W, Mendel’s principles of heredity ; Cambridge Univ. Press 1909 ; Bateson P, William Bateson: a biologist ahead of his timeJ Genet. 2002 Aug;81(2):49-58 dénomma en 1909 « epistasis » qui définissait les interactions entre les gènes, terme qui tend à prendre une définition plus large incluant les multiples interactions dans les systèmes biologiques complexes.
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