L’essentiel des gènes de prédisposition aux cancers obéissant à un modèle mendélien dominant ont été identifiés, d’autres associés à des prédispositions au déterminisme plus complexe, seront identifiés sans aucun doute dans les prochaines années.
Néanmoins, il reste pour les premiers gènes identifiés encore bien des questions à résoudre. Pourquoi, alors qu’un gène a une expression ubiquitaire, son altération est-elle associée à un risque tumoral tissu-spécifique ? L’archétype en est la prédisposition au rétinoblastome. Alors que la protéine RB a un rôle clé dans le contrôle du cycle cellulaire et dans la différenciation en contrôlant l’activité de plusieurs facteurs de transcription de la famille E2F, son absence a un effet tumoral limité à la fois dans l’espace et dans le temps : les neuroblastes de la rétine de l’enfant de moins de deux ans principalement. Une autre question concerne les gènes dont l’altération transmise selon le mode dominant nécessite une inactivation somatique du second allèle. Existe-t-il une haploinsuffisance dans les cellules non tumorales des personnes mutées ? La réponse à cette question est très importante pour les gènes de stabilité du génome. En effet, si l’altération d’un seul allèle BRCA1 ou BRCA2 est associée à un défaut de réparation de l’ADN, alors on peut craindre un effet mutagène plus important des rayons X utilisés pour la surveillance mammaire.
Enfin, nous n’avons évoqué dans cet article que les gènes associés à une augmentation du risque de survenue d’un cancer. Il faut s’interroger maintenant sur l’existence de déterminants génétiques constitutionnels influençant (1) la réponse à la chimiothérapie et à la radiothérapie, (2) le processus métastatique. En effet, on peut se demander sur ces deux points quelle est la part des variations génétiques constitutionnelles. En d’autres termes, réponses aux traitements et processus métastatique pourraient ne pas être inscrits dans le seul génome tumoral mais aussi dans celui de l’hôte. Une étude récente a montré que le taux de survie d’une femme atteinte de cancer du sein était lié à celui de sa sœur atteinte [35]. Un premier variant localisé dans un gène de réparation des altérations cellulaires oxydatives a été identifié [36]. De la même façon, un variant allélique de la chemokine CX3CR1 est associé de façon significative à une augmentation de la survie chez des patients atteints de glioblastome [37]. L’exploration de ces variants génétiques de curabilité de cancer ne fait cependant que commencer et appartient encore au domaine de la recherche. De la même façon, s’ouvre l’ère de la pharmacogénétique. Il a été montré que la diminution de l’expression du cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) était liée à une moindre efficacité du tamoxifène, anti-œstrogène majeur utilisé dans le traitement de certains cancers du sein [38]. L’identification de ces facteurs génétiques est un grand défi. Leurs recherches reposeront en partie sur la constitution de banques de tumeurs ayant des annotations cliniques et associées à la conservation d’ADN constitutionnel. L’enjeu est de proposer un traitement individuel le plus adapté possible.
L’établissement des risques associés et la définition de la prise en charge, prise en charge acceptable par les personnes concernées, restera une condition sine qua non pour établir la validité clinique de tout test génétique. Il importe de rappeler les principes qui doivent sous-tendre la réalisation de test génétique : non discrimination, non stigmatisation, nécessité d’une information complète, respect de l’expression de la volonté de la personne.
Cet article est une mise à jour de l’article parue dans Médecine/Sciences en 2005, 21: 962-8.