Aujourd’hui, une grande partie des formes familiales de cancers fréquents (sein, côlon) n’est pas expliquée par la transmission de l’allèle muté d’un gène déjà identifié. Les études d’épidémiologie génétique réalisées à partir de cas familiaux de cancer du sein sans mutation identifiée, suggèrent l’existence de modes de transmission récessifs et/ou oligogéniques [28]. L’identification des gènes, ou plutôt variants alléliques, responsables passera par des études d’association puissantes et/ou des études de liaison non paramétriques (paires de germains atteints). Ces études reposeront sur la constitution de groupes de patients et de témoins judicieusement sélectionnés et par de très nombreux génotypages [29,30]. Les allèles responsables peuvent être des mutations rares et associés à des risques relatifs de 2 à 4 et non seulement de 10 comme ceux associés aux mutations BRCA1/2. La mise en évidence de ces mutations rares dans des gènes candidats mais aussi dans des gènes analysés sans hypothèse a priori devrait bénéficier des nouvelles générations de séquenceur. Les allèles peuvent être également, sans que cela soit exclusif, des allèles fréquents dans la population générale, c'est-à-dire des polymorphismes dont des SNPs, voire des CNV. Les premières études d’association génome-entier sont apparues en 2007. Elles ont permis d’identifier un certain nombre de variants alléliques fréquents (dont la fréquence dans la population est de 5 à 50%). De plus ces variants peuvent être directement causals ou une partie d’entre eux seulement peuvent être génétiquement liés à un autre variant qui lui est causal. Citons à titre d’exemple l’étude du groupe de Bruce Ponder sur les cancers du sein. Six variants alléliques (il s’agissait de l’allèle rare de chaque SNP, système à deux allèles) dont la localisation est le plus souvent dans une région non codante, voire pas même dans un gène, ont été identifiés : FGFR2 (fibroblast growth facor 2), deux variants sur le gène TNRC9 ou TOX3 (facteur de transcription), MAP3K1 (Mitogen activated protein kinase kinase kinase 1), LSP1 (lymphocyte-specific protein codant pour une protéine d’interaction de l’actine F) et un variant allélique sur le bras long du chromosome 8 [31]. Les risques relatifs sont très faibles : de 1,06 à 1,63 mais ceci de façon très significative. Rappelons à titre de comparaison que le risque relatif d’une femme dont la mère ou la sœur a été atteinte de cancer du sein est de 2. Alors que la validité scientifique de ces résultats est solide, leur utilité clinique aujourd’hui est nulle, soulignant combien il faut rester prudent sur le transfert trop rapide vers la pratique clinique de ces connaissances. Il n’en demeure pas moins qu’il est indispensable de poursuivre les recherches et d’examiner les interactions entre ces variants génétiques, les gènes majeurs de prédisposition déjà identifiés et les facteurs environnementaux de risque [32]. Il est intéressant de noter que certains des six variants cités plus haut sont des facteurs modificateurs du risque de cancer du sein chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA2 [33]. De plus, sous réserve de la mise en évidence de leur caractère causal, l’identification de ces variant devrait aussi ouvrir de nouvelles pistes sur la compréhension des mécanismes de cancérogénèse et par là sur le traitement de ces tumeurs et leur prévention. Soulignons que le rôle des protéines BRCA1 et BRCA2 dans la réparation des altérations de l’ADN a conduit Alan Ashworth à faire l’hypothèse que la majoration du déficit de réparation pouvait augmenter la sensibilité tumorale à la radio et à la chimiothérapie, introduisant ainsi le concept de « synthetic lethality ». L’administration d’un inhibiteur de la poly(ADP-ribose) polymérase 1 (PARP1) chez des femmes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire dans un contexte BRCA1/2 est très encourageante [34].