3  -  Etiologie des hyperthyroïdies


Une fois le diagnostic de thyrotoxicose établi, se pose la question de son origine car les causes sont nombreuses. Parfois, le diagnostic est évident cliniquement (présence d’une orbitopathie, par exemple) ; dans d’autres cas, le diagnostic s’appuie sur des examens complémentaires.

Les causes les plus fréquentes sont en Europe, par ordre décroissant :

  • la maladie de Basedow ;
  • le goitre multinodulaire toxique ;
  • l’adénome toxique.

3 . 1  -  Hyperthyroïdies d’origine auto-immune

1. Maladie de Basedow (Graves’disease)

Il s’agit de la plus fréquente des causes d’hyperthyroïdie. Elle atteint dans certaines séries 1,9 % des femmes et 0,4 % des hommes (soit 1 % de la population). Elle touche surtout la femme jeune.

Les caractéristiques de cette maladie sont les suivantes :

  • c’est une maladie auto-immune due à des anticorps stimulant le récepteur de la TSH ;
  • elle survient sur un terrain génétiquement prédisposé ;
  • elle est parfois associée à d’autres maladies auto-immunes, chez le propositus ou dans la famille ;
  • elle évolue spontanément par poussées, suivies de rémissions.


a. Particularités cliniques

Aux signes de thyrotoxicose, présents à des degrés divers, s’associent dans les formes typiques :

  • un goitre (photo 45,) d’importance variable, diffus, homogène, élastique, vasculaire (présence d’un souffle à l’auscultation de la thyroïde) ;
  • des manifestations oculaires (orbitopathie ou ophtalmopathie : photo 46, A, B) :
    • spécifiques de la maladie, mais inconstantes cliniquement (environ 50 % des cas, surtout chez les fumeurs),
    • dues à une atteinte inflammatoire des muscles orbitaires (myosite), des tissus péri-oculaires et de la graisse rétro-orbitaire,
    • sans relation avec le degré de thyrotoxicose,
    • qui peuvent précéder, accompagner ou suivre la thyrotoxicose.
Goitre
Manifestations oculaires
Manifestations oculaires

Les manifestations ophtalmologiques sont :

  • la rétraction palpébrale et l’asynergie ;
  • des signes inflammatoires : hyperhémie conjonctivale avec larmoiement, picotements, photophobie ;
  • une exopthtalmie (protrusion du globe oculaire, bilatérale mais souvent asymétrique, réductible dans les formes non compliquées) :
    • mesurable grâce à l’ophtalmomètre de Hertel,
    • œdème des paupières pouvant masquer l’exophtalmie,
    • inflammation de la conjonctive avec chemosis,
    • limitation du mouvement du regard par atteinte d’un ou plusieurs muscles, pouvant occasionner une diplopie.


Les signes de gravité, tels qu’une orbitopathie maligne, constituent une urgence.

L’orbitopathie basedowienne peut mettre en jeu le pronostic visuel. Il existe plusieurs classifications appréciant l’importance des lésions et leur gravité.

Sont de mauvais pronostic :

  • une exophtalmie importante, non réductible, avec inocclusion palpébrale : risque d’ulcération cornéenne ;
  • la paralysie complète d’un ou plusieurs muscles (fausse paralysie par rétraction musculaire) ;
  • l’atteinte du nerf optique, par compression à l’apex orbitaire +++ (baisse de l’acuité visuelle) : neuropathie optique ;
  • l’hypertonie oculaire avec souffrance papillaire due à la compression du globe par les muscles rétractés.


b. Examens ophtalmologiques systématiques +++

La collaboration d’un ophtalmologiste est indispensable pour :

  • la mesure de l’acuité visuelle ;
  • l’étude de la cornée ;
  • l’examen de l’état de la papille ;
  • l’étude de l’oculomotricité, du champ visuel ;
  • l’étude du tonus intraoculaire.


Dans les formes importantes, l’imagerie par IRM permet de mesurer le degré de protrusion, de visualiser l’hypertrophie des muscles et de la graisse rétro-orbitaires et d’apprécier le risque de compression du nerf optique ainsi que son caractère évolutif (hypersignal en IRM).


c. Autres signes


La dermopathie (myxœdème prétibial), exceptionnelle, a les caractéristiques suivantes :

  • elle est de même nature que l’orbitopathie, et est spécifique de la maladie de Basedow ;
  • elle se manifeste par un « placard » rouge, surélevé, induré de la face antérieure des jambes, parfois des chevilles.


d. Examens complémentaires

Lors de manifestations oculaires spécifiques, le diagnostic de maladie de Basedow est assuré. Dans les autres cas, il repose sur :

  • l’échographie, montrant une glande globalement hypoéchogène et très vascularisée ;
  • la scintigraphie, montrant une hyperfixation diffuse et homogène de l’isotope (figure 16.1). Dans les formes typiques (goitre diffus soufflant, signes oculaires), elle n’est pas indispensable ;
  • la mesure des anticorps antirécepteur de la TSH, en sachant :
    • que le titre initial n’a pas d’intérêt pronostique ;
    • qu’il est sans intérêt d’en suivre l’évolution en cours de traitement (HAS) ;
    • qu’en fin de traitement, leur persistance est un facteur prédisposant à la rechute, tandis que leur disparition ne permet pas d’affirmer la guérison.
Fig. 16.1. Aspect scintigraphique d’une maladie de Basedow

2. Autres hyperthyroïdies auto-immunes

a. Thyroïdite du post-partum

Il s’agit d’une variété de thyroïdite auto-immune (« thyroïdite silencieuse », rarement observée en dehors du post-partum) ou d’un traitement par interféron.

Elle touche environ 5 % des femmes dans les semaines suivant l’accouchement, mais passe souvent inaperçue. Elle peut récidiver après chaque grossesse.

Elle se manifeste par une hyperthyroïdie transitoire (avec scintigraphie « blanche » en raison de la lyse initiale des thyréocytes et hypoéchogénicité de la glande), suivie d’une hypothyroïdie transitoire (quoique parfois définitive).

Elle s’accompagne d’anticorps anti-TPO très positifs.


b. Thyroïdite de Hashimoto

Elle peut être responsable dans sa phase initiale, quoique très rarement, d’une hyperthyroïdie, ou « hashitoxicose ». Le tableau diffère de celui de la maladie de Basedow :

  • goitre irrégulier et très ferme ;
  • aspect hypoéchogène hétérogène et pseudo-nodulaire à l’échographie ;
  • fixation faible et hétérogène de l’isotope en scintigraphie ;
  • absence d’anticorps antirécepteur de la TSH ;
  • présence d’anticorps anti-thyroperoxydase à un titre élevé.
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