2  -  Ulcérations de la muqueuse buccale ou orale

2 . 1  -  Ulcérations aiguës et/ou récidivantes

2 . 1 . 1  -  Aphtes et aphtose

L'aphte est une ulcération douloureuse, de petite taille, précédée d'une sensation de cuisson, unique ou multiple, à fond jaune cerné d'un liseré rouge, non indurée, guérissant habituellement en 8 à 10 jours.

Il est fréquent sur la muqueuse buccale, mais parfois bipolaire (orogénital) avec la possibilité de variantes : aphtes profonds > 1 cm ; aphtes herpétiformes : 1 à 3 mm ; géants ; miliaires.

L'aphtose idiopathique bénigne est fréquente, réactivée par certains contacts alimentaires (agrumes, tomate, noix, gruyère).

Des médicaments sont inducteurs d'ulcérations aphtoïdes : AINS, nicorandil, alendronate monosodique, bêtabloqueurs, analgésiques opiacés, savarine, sirolimus, anti-EGFR.

L'aphtose complexe (au moins 3 aphtes récurrents) est parfois inaugurale d'une entérocolopathie ou d'une maladie cÅ“liaque, parfois révélatrice d'une carence martiale ou d'un déficit vitaminique (folates, vitamine B12).

Dans l'aphtose bipolaire, il faut rechercher les éléments évocateurs d'une maladie de Behçet.

Critères diagnostiques de la maladie de Behçet

Ulcérations buccales récidivantes : aphtose ayant récidivé au moins 3 fois en 12 mois.
Plus : au moins 2 des critères suivants :
  • ulcérations génitales récidivantes ;
  • lésions oculaires : uvéite antérieure ou postérieure, hyalite ou vasculite rétinienne ;
  • lésions cutanées : érythème noueux, pseudo-folliculites ou papulo-pustules, ou nodules acnéiformes en dehors de l'adolescence ;
  • test de pathergie cutané positif.

2 . 1 . 2  -  Ulcérations traumatiques ou chimiques

Souvent uniques et douloureuses, elles sont évoquées sur l'aspect clinique : contours géographiques, nécrose jaunâtre.

Ces lésions soulèvent la notion de prothèse inadaptée, de traumatisme dentaire, d'une hygiène buccodentaire agressive, ou d'un contact caustique ou thermique.

Les ulcérations doivent guérir en 8 à 15 jours après suppression de la cause.

En cas de persistance : il faut suspecter une complication infectieuse ou un carcinome (biopsie).

La pathomimie est évoquée en présence d'un contexte psychologique singulier.

2 . 1 . 3  -  Ulcérations infectieuses

2 . 1 . 3 . 1  -  Herpès (item 84)

C'est la cause virale la plus fréquente ; surtout en primo-infection.

La clinique comprend :

  • des érosions douloureuses ou prurigineuses polycycliques succédant à un bouquet de vésicules sur base érythémateuse ;
  • une évolution parfois croûteuse, fissuraire ou aphtoïde ;
  • un fébricule et des adénopathies régionales habituellement sensibles ;
  • en cas de primo-infection : gingivo-stomatite fébrile érosive, diffuse ;
  • en cas de forme récurrente : érosions récidivant au même site et en particulier sur la lèvre sous l'effet de facteurs déclenchants : épisodes fébriles, exposition solaire, stress, menstruation. Première cause d'érythème polymorphe.


Le diagnostic se fait par culture virale (ou PCR), IF sur lame ou cytodiagnostic. Elle permet le typage de la souche possible. Le sérodiagnostic est non indiqué en dehors de la primo-infection.

2 . 1 . 3 . 2  -  Autres infections virales

Les érosions et/ou ulcérations buccales ne sont pas en règle au premier plan :

  • varicelle et zona : lésions similaires à celles de l'herpès, mais plus étendues, endojugales, d'évolution aphtoïde pour la varicelle ; regroupées sur le territoire muqueux des nerfs V (trigéminé), VII (facial) ou IX (glossopharyngien) et satellites d'une localisation cutanée pour le zona ;
  • infections à virus Coxsackie : deux tableaux prédominent :
    • pharyngite vésiculeuse (dite « herpangine ») : dysphagie fébrile par atteinte des muqueuses postérieures de la bouche (Coxsackie du groupe A et B),
    • syndrome mains-pieds-bouche : vésicules buccales et vésicules oblongues des mains, des pieds et parfois des fesses dans un contexte de fièvre (Coxsackie A16) ;
  • primo-infection par le VIH :
    • érosions buccales et/ou génitales aphtoïdes, accompagnées de fièvre, arthromyalgies, odynophagie et parfois d'un exanthème morbilliforme,
    • syndrome mononucléosique et cytolyse hépatique fréquents,
    • diagnostic : antigénémie p 24, virémie.

2 . 1 . 3 . 3  -  Infections bactériennes

Les infections à germes banals ou anaérobies peuvent induire des lésions parfois extensives et nécrotiques en cas de déficit immunitaire, de neutropénie, d'hygiène buccodentaire déficiente. Elles sont volontiers associées à des adénopathies satellites.

Les principales causes infectieuses spécifiques sont des IST : en particulier le chancre syphilitique (cf. infra).

2 . 1 . 4  -  Érythème polymorphe

C'est une affection aiguë érythémato-bulleuse, parfois récidivante. La localisation muqueuse est parfois prédominante, accompagnée d'une dysphagie majeure.

2 . 1 . 5  -  Syndrome de Stevens-Johnson et syndrome de Lyell

Les localisations muqueuses sont souvent inaugurales. L'arrêt immédiat des médicaments potentiellement inducteurs est d'un intérêt majeur.

2 . 2  -  Ulcérations chroniques

2 . 2 . 1  -  Maladies bulleuses auto-immunes

C'est la localisation inaugurale fréquente d'un pemphigus auto-immun commun ou paranéoplasique.

Le diagnostic est confirmé par histologie, immunofluorescence directe, immunofluorescence indirecte, immunoblot.

2 . 2 . 2  -  Causes oncohématologiques

Il s'agit essentiellement du carcinome épidermoïde qui présente une lésion indurée et ou ulcérée, indolore, saignant au contact.

Il est accompagné (révélé parfois) par une adénopathie régionale dure, fixée.

Les circonstances favorisantes sont une mauvaise hygiène buccodentaire, l'alcoolisme, le tabagisme.

2 . 2 . 3  -  Lichen érosif

C'est un syndrome érosif douloureux volontiers diffus, des muqueuses jugales et/ou linguales, développé sur un réseau blanchâtre.

Il est rarement révélateur d'une infection chronique à virus de l'hépatite C.

Une dégénérescence carcinomateuse est possible.

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