6  -  Formes topographiques

6 . 1  -  Cancers de la langue

Langue mobile

Son examen est facile : le diagnostic devrait être précoce. Malheureusement, la latence des symptômes fonctionnels est importante et le diagnostic fait de façon relativement univoque laisse peu de place au doute devant une ulcération ou un bourgeon exophytique reposant sur une base indurée plus ou moins étendue du bord ou du plancher de la langue.

Un diagnostic différentiel toutefois peut être évoqué : l'ulcération traumatique sur une dent délabrée ou un crochet de prothèse inadaptée. Mais l'ulcération est douloureuse et on ne retrouve pas la base indurée. Surtout, la guérison est acquise dans les dix à quinze jours qui suivent la suppression de la cause traumatisante.

Dans les formes tardives ou les formes fissuraires, la langue est plus ou moins fixée au plancher de bouche, entraînant une gêne à l'alimentation et une limitation de la protraction linguale avec déviation du côté tumoral.

Base de langue

Du fait de sa localisation postérieure, de la présence fréquente de réflexes nauséeux incoercibles, le diagnostic est souvent retardé (fig. 6.11). Une sensation d'accrochage d'aliments toujours au même endroit pourrait mettre sur la voie du diagnostic précocement. Le plus souvent, le cancer est découvert à un stade évolué avec langue fixée, dysarthrie, otalgies réflexes et stomatorragies. Parfois, une tuméfaction cervicale chronique correspondant soit à une adénopathie cervicale sous-digastrique métastatique soit au pôle inférieur de la tumeur en est le signe révélateur.

Si le carcinome épidermoïde reste de loin le plus fréquent (80 % des cas), les tumeurs malignes développées sur les organes lymphoïdes de la base de langue ne sont pas rares. Très lymphophiles, les métastases ganglionnaires régionales sont souvent bilatérales.

Un diagnostic différentiel doit être absolument écarté avant la mise en Ĺ“uvre de toute thérapeutique : la thyroïde ectopique qui n'aurait pas fait sa migration en position cervicale.

Figure 6.11 : Carcinome de base de langue

6 . 2  -  Cancers du plancher de bouche

Les cancers du plancher de bouche se présentent sous la forme ulcérée infiltrante, voire fissuraire, envahissant rapidement en dedans les muscles linguaux, en dehors la gencive et l'os mandibulaire.

Dans la localisation antérieure (fig. 6.7), il ne faut pas se laisser abuser par des manifestations à type de rétention salivaire qui pourraient donner le change pour une complication mécanique ou infectieuse d'une lithiase. L'examen endobuccal redresse le diagnostic.

Dans les localisations au plancher latéral et postérieur (fig. 6.12), la symptomatologie est souvent dominée par une difficulté à la protraction de la langue, des difficultés de déglutition et un certain degré de dysarthrie. Les otalgies réflexes sont très fréquentes. L'apparition d'un trismus marque l'envahissement du muscle ptérygoïdien médial.

Figure 6.12 : Cancer du plancher latéral

6 . 3  -  Cancer des gencives

Le cancer des gencives prend souvent l'aspect d'une gingivite hyperplasique attribuée à un état parodontal défectueux et à une hygiène buccodentaire insuffisante. Le diagnostic peut ainsi errer un certain temps du fait de la prépondérance de la composante inflammatoire ; mais l'aspect même, ulcérobourgeonnant, de la lésion, l'apparition d'une mobilité dentaire, d'une lyse osseuse précoce et surtout l'inefficacité des traitements proposés orientent vers le diagnostic de cancer que la biopsie, au moindre doute, confirmera.

Dans les formes gingivomandibulaires (fig. 6.13), l'envahissement osseux peut être responsable d'une anesthésie dans le territoire du V3 (signe de Vincent). Dans la localisation gingivomaxillaire (fig. 6.14), peut se poser la question du point de départ : cancer gingival envahissant l'os maxillaire ou cancer développé aux dépens de la mésostructure (sinus maxillaire) envahissant l'os maxillaire et s'extériorisant à la muqueuse gingivale. Les coupes scanographiques aideront à donner la réponse.

Il peut aussi s'agir d'une forme plus ou moins bourgeonnante, exophytique, d'aspect papillomateux, authentique carcinome verruqueux correspondant, dans sa variété très étendue, à la dégénérescence d'une papillomatose orale floride.

Figure 6.13 : Cancer gingivomandibulaire
Figure 6.14: Cancer gingivomaxillaire

6 . 4  -  Cancer de la commissure intermaxillaire (trigone rétromolaire, zone des trois replis)

Le revêtement muqueux est très proche de la mandibule : l'envahissement osseux est donc précoce. Les signes cliniques d'appel, algies mandibulaires, otalgies réflexes, trismus, dysphagie, traduisent l'extension rapide de cette tumeur aux structures voisines (muscles linguaux en dedans, muscles masticateurs en dehors, plancher de bouche, loge amygdalienne, fosse infratemporale, mandibule), qui sera précisée par le scanner.

6 . 5  -  Cancer de la face interne de joue

La forme végétante est la plus fréquente. Une origine traumatique (dent délabrée ou prothèse agressive) est souvent retrouvée. Du fait d'une extension rapide aux parties molles et d'une dissémination ganglionnaire cervicale précoce, le cancer de la face interne de joue est de mauvais pronostic.

D'autres fois, il s'agit d'une lésion ulcérée se développant sur une lésion précancéreuse blanche de dysplasie ou de lichen.

6 . 6  -  Cancers des lèvres (portion muqueuse)

Son siège de prédilection est le vermillon de la lèvre inférieure. Il se présente sous la forme d'une ulcération survenant sur une lésion précancéreuse d'aspect dyskératosique, souvent secondaire à la cigarette. Le diagnostic est précoce. Le pronostic est bon. L'extension ganglionnaire ne s'observe qu'en cas de prise en charge tardive.

En revanche, les atteintes des commissures labiales s'apparentent davantage sur le plan évolutif et pronostique aux cancers des faces internes de joue.

6 . 7  -  Cancer de l'amygdale palatine (tonsille)

Le tableau peut initialement simuler celui d'une « angine » unilatérale traînante non fébrile. La découverte est trop souvent tardive, quand s'installent dysphagie, otalgie réflexe ou trismus gênant l'appréciation de la lésion bourgeonnante hémorragique ou surtout infiltrante. Il n'est pas rare non plus que le motif de la première consultation soit la découverte d'une adénopathie cervicale jugulocarotidienne souvent volumineuse et kystisée. La palpation endobuccale — lorsque les réflexes nauséeux ou le trismus n'empêchent pas cet examen — retrouve une amygdale indurée caractéristique. La biopsie apporte le diagnostic histologique : carcinome épidermoïde le plus souvent mais, dans 15 % des cas, il s'agit d'un lymphome malin dans cette localisation particulièrement lymphophile.

L'amygdale est un site souvent concerné par les doubles localisations métachrones.

6 . 8  -  Cancer du voile du palais

Le cancer du voile du palais se développe souvent en surface sur une lésion muqueuse rouge précancéreuse de type érythroplasie de Queyrat. D'autres fois, son aspect est verruqueux, succédant à une papillomatose orale floride. Cette localisation lymphophile s'accompagne d'adénopathies qui peuvent être d'emblée bilatérales.

7/10