1  -  Dépister les anomalies du développement maxillo-facial

1 . 1  -  Généralités

Les anomalies du développement maxillo-facial et cranio-facial peuvent survenir à toutes les périodes de la formation et du développement de l’extrémité céphalique :

  • lors de l’histogenèse (jusqu’à la deuxième semaine in utero) : il s’agit d’anomalies cellulaires au niveau du blastème primitif, responsables de dysplasies tissulaires évolutives, regroupées sous le vocable de phacomatoses
  • au cours de l’organogenèse (de la deuxième à la huitième semaine in utero) :
    • il s’agit d’anomalies provenant du tube neural, lequel est à l’origine de la formation du cerveau et du développement cranio-facial. Plus l’atteinte est précoce, plus elle est grave avec, notamment, une relation directe contenant-contenu (pas de cerveau signifie pas de crâne ; pas d’œil signifie pas d’orbite) : ces anomalies précoces peuvent être regroupées sous le vocable de malformations cérébro-cranio-faciales ;
    • durant la fin de l’organogenèse, les bourgeons de la face peuvent ne pas fusionner entre eux et laisser persister des sillons plus ou moins larges sur les parties molles du visage et même sur le squelette osseux sous-jacent : ces anomalies sont regroupées sous le vocable de fentes ;
  • lors de la morphogenèse (de la huitième semaine in utero à la naissance) : il s’agit d’anomalies du programme de croissance survenant sur le squelette ostéocartilagineux :
    • lorsque les déformations du squelette sont liées à une déficience du tissu osseux, les anomalies sont regroupées sous le vocable de dysostoses : elles peuvent toucher l’orbite, le nez, le maxillaire, la mandibule ;
    • l’altération tissulaire peut être limitée à la périphérie de la pièce osseuse, avec fermeture prématurée des sutures crâniennes (synostoses), entraînant un groupe de pathologies regroupées sous le vocable de craniosténoses ;
    • certaines formes sont associées également à des faciosténoses, avec un retentissement aussi sur le massif facial, comme par exemple un exorbitisme bilatéral ; c’est par exemple le cas du syndrome polymalformatif d’Apert, associant en plus de la facio-cranio-sténose, des syndactylies.


Au cours du développement embryonnaire, la région céphalique est celle qui présente en premier le plus haut degré d’organisation. La croissance de la face est moins précoce que la croissance crânienne, elle-même sous la dépendance de la poussée cérébrale.

Il faut retenir que le cerveau guide la croissance crânienne et faciale et, ainsi, que beaucoup d’anomalies neurocrâniennes auront des répercussions faciales.

1 . 2  -  Embryologie faciale

Au début de la quatrième semaine in utero, l’extrémité céphalique d’un embryon est grossièrement arrondie. Puis, peu à peu, des renflements ou bourgeons faciaux se développent autour d’un orifice dénommé stomodéum (bouche primitive).

Ces renflements sont constitués de tissu mésenchymateux recouvert d’un revêtement épiblastique. Ce même tissu mésenchymateux comporte lui-même deux types de cellules :

  • des cellules mésodermiques, qui vont donner des artères (arcs aortiques) et des muscles ;
  • des cellules des crêtes neurales, qui vont donner de l’os et du cartilage.

À la quatrième semaine in utero, les bourgeons de la face sont au nombre de cinq, séparés initialement par des sillons qui se combleront progressivement du fait de la courbure de la nuque qui survient à cette période et qui a pour effet de tasser les uns contre les autres les bourgeons faciaux. Ils tendent à se fusionner entre eux jusqu’au troisième mois par des phénomènes de confluence nommés mésodermisation du mur épithélial. Ces phénomènes ne sont possibles que sous l’action combinée d’une poussée du mésenchyme par prolifération et d’une nécrose par apoptose des épithéliums.

Des mécanismes extrêmement complexes entrent en jeu pour réguler cette mésodermisation. Ils interviennent dans une chronologie précise et génétiquement déterminée. Cette complexité explique leur possible défaillance, à l’origine d’anomalies morphologiques telles que les fentes faciales.

Les cinq bourgeons faciaux présents à la quatrième semaine in utero sont (fig. 3.1a) :

  • le bourgeon frontal, ou nasofrontal : impair et médian, il est le plus volumineux ; il est constitué par la saillie du télencéphale et forme le plafond du stomodéum
  • les deux bourgeons maxillaires (issus du premier arc branchial) : ils forment les berges latérales du stomodéum et sont à l’origine des portions latérales des lèvres supérieures ;
  • les deux bourgeons mandibulaires (issus du premier arc branchial) : ils confluent rapidement (dès la quatrième semaine) sur la ligne médiane pour former le plancher du stomodéum, à savoir la lèvre inférieure.


Au cours de la quatrième semaine in utero, les bourgeons faciaux (excepté le bourgeon frontal) s’organisent en un système dit “ branchial “— ainsi dénommé car il forme les branchies chez les poissons. Chez l’Homme, il contribue à la formation des étages moyen (maxillaire) et inférieur (mandibulaire) de la face et de la partie ventrale du cou.

Figure 3.1. Les bourgeons faciaux et leur développement
a. Au cours de la quatrième semaine in utero. b. Fin de la quatrième semaine. c. Cinquième-sixième semaines. d. Sixième-septième semaines. e. Segment intermaxillaire.

1 . 2 . 1  -  Évolution des bourgeons faciaux

Zone labionarinaire, palais primaire

À la fin de la quatrième semaine, apparaissent sur le bourgeon frontal deux épaississements épiblastiques (ou ectodermiques) dénommés les placodes olfactives ou nasales (fig. 3.1b).

Vers la cinquième à sixième semaine, ces placodes s’invaginent dans le mésoderme sous-jacent pour former des gouttières, ou cupules olfactives, qui s’orientent dans un sens antéropostérieur au niveau du plafond du stomodéum. Ces gouttières délimitent des bourgeons nasaux médians et latéraux (fig. 3.1c).

Vers la sixième à septième semaine, les deux bourgeons maxillaires poussent en direction médiane, ce qui entraîne la fusion sur la ligne médiane des deux bourgeons nasaux médians, aboutissant à la formation du segment intermaxillaire, qui comprendra (fig. 3.1d) :

  • le philtrum de la lèvre supérieure ;
  • les quatre incisives supérieures ;
  • le palais primaire (partie du palais située en avant du foramen incisif).


Ce segment intermaxillaire fusionne par mésodermisation (fig. 3.1e) :

  • avec les bourgeons maxillaires supérieurs pour former la lèvre supérieure : la cicatrice de mésodermisation sera la crête philtrale ;
  • avec les bourgeons nasaux latéraux pour former l’orifice narinaire.


Devenir des bourgeons faciaux

  • Le bourgeon nasofrontal donne

– le front
– le dos du nez
– la paupière supérieure

  • Le bourgeon nasal médial donne :

– la columelle
– le philtrum (partie médiane de la lèvre supérieure, située entre les deux crêtes philtrales)

  • Le bourgeon nasal latéral donne :

– la paroi latérale du nez jusqu’à l’angle interne de l’œil
– l’aile du nez

  • Le bourgeon maxillaire supérieur donne :

– la partie externe de la lèvre supérieure (jusqu’à la crête philtrale)
– la paupière inférieure
– la pommette
– la partie de la joue située au-dessus d’une ligne reliant la commissure labiale et la racine de l’hélix

  • Le bourgeon mandibulaire donne :

– l’ensemble de la lèvre inférieure
– le menton
– la partie de la joue située au-dessous de la ligne sus-citée

La zone labionarinaire et le palais primaire (partie palatine située en avant du foramen incisif) se constituent donc entre la quatrième semaine et la septième semaine in utero.

Palais secondaire, septum nasal


En arrière du foramen incisif, le palais est dit secondaire, car de formation plus tardive, entre la huitième semaine et la dixième à douzième semaine in utero. Il se forme à partir d’excroissances des bourgeons maxillaires dénommés processus palatins. Ces deux processus palatins sont provisoirement obliques et dirigés sous la langue. Ils vont ensuite s’horizontaliser pour se retrouver au-dessus de la langue et fusionnent normalement entre eux d’avant en arrière au niveau du raphé médian palatin et forment ainsi le palais secondaire (fig. 3.2).

La jonction entre le palais primaire antérieur et le palais secondaire postérieur reste marquée chez l’adulte par le canal palatin antérieur, ou canal nasopalatin, qui s’abouche au foramen incisif. L’ensemble palais primaire et palais secondaire forme le palais osseux définitif et permet la séparation du stomodéum en des fosses nasales au-dessus et une cavité buccale au-dessous. La langue, qui initialement occupe tout le stomodéum, se retrouve refoulée dans la cavité buccale.

Simultanément à ce processus de cloisonnement horizontal du stomodéum, se produit un processus de cloisonnement vertical par une lame mésenchymateuse issue des bourgeons nasaux médiaux : le septum nasal embryonnaire (fig. 3.2).

Le voile du palais et la luette sont des formations complémentaires d’apparition plus tardive ; ils forment le palais membraneux.

Figure 3.2. Le cloisonnement de la bouche primitive
a. Sept semaines. b. Huit semaines. c. Dix semaines.
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