1 . 2  -  Carcinomes des revêtements malpighiens (peau et muqueuses)


Hormis le carcinome basocellulaire qui n’est observé qu’au niveau cutané, tous les autres sont des carcinomes épidermoïdes, qui partagent les mêmes critères diagnostiques histopathologiques :

  • la présence de signes architecturaux et cytologiques classiques de malignité ;
  • une différenciation malpighienne variable :
    • carcinomes épidermoïdes bien ou moyennement différenciés : la différenciation épidermoïde est aisément reconnue (figure 10.5) :
      • l’architecture générale des massifs carcinomateux rappelle celle d’un épithélium malpighien : à la périphérie des lobules tumoraux, les cellules ressemblent à des cellules basales tandis que vers le centre des lobules, elles ressemblent à des cellules du corps muqueux de Malpighi, avec un large cytoplasme polygonal acidophile.
      • des ponts d’union sont présents entre les cellules, réunies entre elles par des tono-filaments (desmosomes) ; ces ponts d’union forment histologiquement des sortes d’épines autour des cellules, qui ont donné l’ancienne dénomination de carcinome spino-cellulaire (terme parfois encore employé pour les carcinomes épidermoïdes cutanés) ;
      • en outre, certaines cellules tumorales peuvent synthétiser de la kératine (maturation cornée) : le carcinome épidermoïde est alors appelé « mature » ou « kératinisant » ; histologiquement, cette kératinisation intéresse soit des cellules isolées soit des cellules regroupées en amas appelés « globes cornés » ; le cytoplasme devient très acidophile et le noyau pycnotique (figure 10.6A-B) ;
    • carcinomes épidermoïdes peu différenciés : les cellules gardent une forme polygonale évocatrice de la lignée malpighienne, une organisation rappelant un peu un épithélium malpighien, sans maturation cornée.
Figure 10.5. Carcinome épidermoïde
En haut : Aspect macroscopique. Milieu : Faible grandissement microscopique. Tumeur cutanée formant des massifs épithéliaux cohésifs infiltrant profondément le derme. Dès ce grandissement, la différenciation malpighienne est évidente, avec une maturation vers le centre des massifs avec élaboration de kératine, mieux visible au fort grandissement (en bas).
Figure 10.6. La kératinisation au sein d’un carcinome épidermoïde peut se produire

Certains carcinomes épidermoïdes sont de type métaplasique : ils sont d’un type histologique différent de celui de l’épithélium au niveau duquel ils ont pris naissance.

Le plus fréquent est le carcinome bronchique, qui est habituellement épidermoïde, alors que la muqueuse bronchique normale est glandulaire.

1 . 2 . 1  -  Carcinomes cutanés


Il s’agit de tumeurs très fréquentes. Elles sont de diagnostic précoce (lésions visibles, prélèvements faciles). On distingue deux grands types très différents sur le plan clinique et histologique :

1. les carcinomes épidermoïdes (anciennement dénommés carcinomes spino-cellulaires) ;
2. les carcinomes basocellulaires, qui sont limités à la peau.

Le facteur de risque principal est l’exposition prolongée au soleil. Ces carcinomes touchent surtout les adultes de race blanche, principalement dans les régions découvertes, exposées au soleil (visage, oreilles, nuque, dos des mains). Le carcinome basocellulaire touche des personnes souvent plus âgées que le carcinome spinocellulaire, avec une localisation préférentielle sur le visage.

Plusieurs lésions précancéreuses sont connues : kératose solaire (ou sénile), radiodermite, cicatrice de brûlure, ulcères cutanés chroniques (les trois derniers pour le carcinome épidermoïde uniquement).

Une condition génétique, le xeroderma pigmentosum favorise l’apparition précoce de multiples tumeurs cutanées.

Carcinomes épidermoïdes cutanés

Macroscopie : la tumeur est le plus souvent ulcéro-végétante, plus ou moins infiltrante (figure 10.7A-B).

Histopathologie : le carcinome épidermoïde (ou malpighien) peut être plus ou moins bien différencié : la tumeur reproduit plus ou moins parfaitement la structure d’un épithélium malpighien kératinisé (voir ci-dessus).

Évolution : l’extension tumorale est surtout locale. Les métastases ganglionnaires sont tardives et les métastases viscérales sont exceptionnelles.

Carcinomes basocellulaires

Macroscopie : la tumeur est souvent ulcérée, entourée de petites surélévations (perles). Plus rarement, elle est de forme plane, « cicatricielle ».

Histopathologie : les cellules ressemblent aux cellules basales de l’épiderme (d’où la dénomination de la tumeur) et sont rangées en lobules. Classiquement, il n’y a pas de différenciation épidermoïde, ni de maturation cornée (figure 10.8).

Évolution : elle est purement locale et lente. Le carcinome basocellulaire ne donne jamais de métastases (tumeur à « malignité locale ». En revanche, il peut avoir une extension locale très importante (envahissement parfois profond, pouvant atteindre les structures osseuses sous-jacentes) et donner des ulcérations étendues (porte d’entrée de germes) ou quelquefois des hémorragies. Guérison si l’exérèse est complète, sinon récidive locale.

Figure 10.7 A-B : Macroscopie des carcinomes épidermoïdes cutanés
A. Tumeur bourgeonnante et kératosique de l’oreille. B. Tumeur ulcérée de l’avant bras, très évoluée (noter la présence d’un bourrelet tumoral périphérique entourant l’ulcération).
Figure 10.8. Carcinome basocellulaire de l’aile du nez (en haut). L’histologie (centre et en bas), à deux grossissement différents, révèle des amas de cellules de petite taille (de type basal) appendus à l’épiderme et entourés d’un stroma fibreux.

1 . 2 . 2  -  Carcinomes épidermoïdes des muqueuses


L’aspect histopathologique est identique à celui des carcinomes épidermoïdes cutanés, avec des degrés de différenciation et de maturation variables.
Les facteurs de risque et l’aspect macroscopique varient selon les organes touchés.

Voies aéro-digestives supérieures (pharynx, larynx, cavité buccale)

Facteurs de risque : tabac, alcool et surtout association des deux, mauvais état bucco-dentaire, existence de lésions précancéreuses (leucoplasie, dysplasie).
Macroscopie : tumeurs végétantes et infiltrantes, fréquemment associées à de la dysplasie, souvent plurifocales.
Évolution
: métastases ganglionnaire puis viscérales. Association possible à un carcinome épidermoïde bronchique (à rechercher systématiquement).

Bronches

Il s’agit d’un carcinome métaplasique : il survient sur un épithélium de type glandulaire (pseudostratifié cilié) ayant subi une métaplasie malpighienne, le plus souvent sous l’effet du tabagisme.

Facteur de risque majeur : tabac.
Macroscopie : aspect surtout végétant dans les grosses bronches, avec destruction du parenchyme pulmonaire et nécrose de certains territoires tumoraux (figures 10.9 et 10.10A-B). Parfois la nécrose est telle qu’il peut y avoir un aspect excavé, cavitaire (diagnostic différentiel avec la tuberculose ou avec un abcès).
Évolution : le carcinome épidermoïde bronchique est souvent découvert à un stade avancé, d’emblée inopérable. Les métastases siègent dans les ganglions lympha­tiques, le foie, les os, la glande surrénale, le cerveau, le reste du parenchyme pulmonaire. Le pronostic est en général mauvais.

Col utérin

Facteurs de risque : infection à HPV et condylome (facteur de risque principal), tabac.
Macroscopie : la tumeur est souvent ulcéro-infiltrante et végétante, avec parfois un aspect hypertrophique du col utérin.
Évolution : métastases ganglionnaires, métastases à distance. Le pronostic dépend principalement de la précocité du diagnostic, d’où l’intérêt du dépistage par le frottis ­cervico-vaginal et de la vaccination.

Œsophage

Facteur de risque : alcool.
Macroscopie : tumeur souvent ulcéro-infiltrante et nécrotique, rarement bourgeonnante.
Évolution : métastases ganglionnaires, extension locale. Ce carcinome, souvent découvert à un stade avancé, est de mauvais pronostic.

Figure 10.9. Tumeur bronchique proximale réalisant une obstruction bronchique complète ; flèche bleue : bifurcation bronchique ; flèche rouge : envahissement par contiguïté d’un ganglion anthracosique.
Figure 10.10. Carcinome épidermoïde bronchopulmonaire. A. Macroscopie. B. Microscopie
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