4 . 2  -  Traitement anti-infectieux

Le traitement de l’infection reste fondamental et nécessitera parfois un drainage ou une intervention chirurgicale afin de diminuer l’inoculum bactérien. Il est illusoire de penser que le seul traitement antibiotique permettra de traiter une infection en relation avec une pleurésie purulente, une cholécystite aiguë, une péritonite par perforation, un obstacle sur les voies urinaires, un abcès profond intra-abdominal ou un tableau de gangrène gazeuse. Le traitement antiinfectieux sera le plus souvent probabiliste et devra être mis en œuvre après prélèvements bactériologiques très rapidement après l’admission du patient. La qualité de la prescription anti-infectieuse conditionne le pronostic du patient et doit tenir compte des agents infectieux potentiellement en cause et de leur sensibilité aux antibiotiques. Il s’agira le plus souvent d’une double antibiothérapie par voie intraveineuse à large spectre, ayant une activité bactéricide. Afin d’optimiser ce traitement, il conviendra tout particulièrement d’analyser les éléments suivants :

  • identifier la porte d’entrée, rechercher un matériel invasif et préciser l’existence d’une antibiothérapie préalable ou d’un hospitalisme antérieur;
  • caractériser l’origine nosocomiale ou non de l’infection ;
  • préciser le terrain sous-jacent sur lequel survient l’infection :
    • patient neutropénique (polynucléaires < 500/mm3),
    • immunodépression (chimiothérapie, patient greffé, corticothérapie au long cours),
    • sida, toxicomanie intraveineuse,
    • patient asplénique,
    • situations particulières : diabète, éthylisme chronique et cirrhose.


En l’absence de foyer infectieux évident, le traitement comportera le plus souvent une association d’antibiotiques avec une céphalosporine de 3e génération et un aminoside, afin d’élargir le spectre et d’être rapidement bactéricide. Une réévaluation secondaire après obtention des résultats bactériologiques sera dans tous les cas nécessaire. L’absence de réponse au traitement symptomatique nécessitera de s’assurer de l’adéquation de l’antibiothérapie et de l’absence d’un foyer infectieux chirurgical.

4 . 3  -  Perspectives thérapeutiques

En dépit des progrès réalisés tant dans le domaine de l’antibiothérapie que de la prise en charge des dysfonctions et défaillances viscérales, le taux de mortalité du choc septique reste élevé, autour de 50 %. Une meilleure compréhension des phénomènes concourant à la physiopathologie du choc septique a fait naître des espoirs nouveaux dans la prise en charge de ces patients. Des essais thérapeutiques récents (inhibiteurs de la coagulation, glucocorticoïdes à faibles doses, anti-TNF) ont permis de montrer une diminution significative de la mortalité et devraient permettre dans les années futures d’améliorer le pronostic du choc septique.

Perspectives thérapeutiques
La CIVD est fréquente au cours du choc septique et semble bien corrélée à la mortalité, et au syndrome de défaillances multiviscérales. De plus, il existe de nombreuses interrelations entre la
coagulation et la réponse inflammatoire. Les inhibiteurs biologiques de la coagulation (antithrombine III, protéine C, protéine S, inhibiteur du facteur tissulaire) sont abaissés et pourraient être substitués. L’antithrombine III (Aclotine) possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) en cas de déficit acquis en antithrombine III (AT < 60 %). Cependant, une étude de phase III n’a pas permis de mettre en évidence d’effet bénéfique significatif sur la mortalité. Récemment, la protéine C activée recombinante humaine a montré des effets prometteurs chez 1 680 patients en sepsis grave, avec une réduction significative de la mortalité de 6,1 %. Une AMM est en cours d’obtention. Les mécanismes d’action supposés de la protéine C activée reposent sur l’inhibition de la coagulation, une augmentation de la fibrinolyse et une atténuation de la réponse inflammatoire. L’inhibiteur du facteur tissulaire n’a pas montré d’effet similaire à la protéine C dans une étude de phase III, concernant un bénéfice en termes de réduction de mortalité.

La corticothérapie à fortes doses exerce des effets délétères. Il n’en est pas de même avec les glucocorticoïdes à faibles doses (300-400 mg/j), qui peuvent exercer un effet vasopresseur. Ils peuvent être instaurés immédiatement ou de manière différée après un dosage de cortisol et/ou la réalisation d’un test au synacthène, en cas de défaillance circulatoire résistant ou nécessitant de fortes doses d’un traitement vasopresseur. Un essai clinique récent a montré une réduction significative de la mortalité d’environ 10 % par l’utilisation de glucocorticoïdes (50 mg/6 h) associés à 50 mg per os de fluorocortisone chez 299 patients en choc septique et notamment chez ceux non répondeurs à un test au synacthène (variation de cortisol < 250 nmol/L à 30 min et/ou 60 min après 0,25 mg de synacthène). Il semble exister au cours du choc septique une réponse inflammatoire excessive. Cela a conduit au développement de nouvelles thérapeutiques à visée anti-inflammatoire (récepteurs antagonistes à l’interleukine-1, antibradykinine, inhibiteurs du facteur d’activation plaquettaire, anticorps monoclonaux anti-TNF, récepteurs solubles au TNF, antiprostaglandine).
L’ensemble des essais thérapeutiques (> 10 000 patients), au cours de ces dix dernières années, a abouti à l’absence de résultats favorables, faisant remettre en cause l’hypothèse initiale de l’existence d’un état pro-inflammatoire systémique généralisé. Cependant, il est possible de mettre en évidence une diminution significative de la mortalité, environ de 3 à 4 %, quand on réalise une méta-analyse de ces essais cliniques, témoignant éventuellement de la faiblesse des études. Il n’y a pas de cible magique du sepsis et avant d’utiliser une thérapeutique anti-inflammatoire, il est nécessaire de caractériser l’état immunitaire du patient. Récemment, une étude clinique (Ramses study) évaluant un anti-TNF a permis de mettre en évidence une réduction significative de la mortalité (4,6 %) chez des patients en sepsis sévère présentant une interleukine-6 > 1 000 pg/mL. Il apparaît actuellement que l’activité pro-inflammatoire semble localisée au niveau du site infecté et qu’il existe plutôt une réponse
anti-inflammatoire systémique généralisée conduisant à un état d’immunosuppression chez les patients septiques. De nouvelles molécules à visée pro-inflammatoire, comme le G-CSF, le GM-CSF ou l’interféron ã, pourraient être une nouvelle alternative thérapeutique.

Conduite à tenir

Prise en charge d’un patient présentant un état infectieux grave dans un service d’urgences

On peut résumer la conduite pratique, face à un patient présentant un état infectieux grave, de la manière suivante :
– déshabiller et examiner le patient afin de visualiser correctement l’intensité des marbrures et l’existence de tâches purpuriques ;
– mettre en place une surveillance scopique, un saturomètre et une pression artérielle non invasive ;
– démarrer une oxygénothérapie à haut débit (> 6 L/min) sauf en cas d’insuffisance respiratoire chronique ;
– mettre en place 2 voies veineuses périphériques (une pour le remplissage, l’autre pour l’utilisation éventuelle d’une drogue vasoactive) ;
– débuter le remplissage vasculaire (1er flacon) ;
– pratiquer ECG, radiographie pulmonaire ;
– réaliser des hémocultures et un bilan infectieux en fonction de la porte d’entrée (ECBU, ponction pleurale, ponction d’ascite, PL, etc.) ;
– faire un bilan biologique à la recherche :
  • d’une hypoxémie (GDS),
  • d’une acidose métabolique (GDS) et d’une hyperlactatémie,
  • d’une CIVD (NF, coagulation),
  • d’une insuffisance rénale aiguë (ionogramme),
  • d’une inflammation (CRP, PCT) ;
– mettre en place un sondage urinaire pour surveillance de la diurèse ;
– poursuivre le remplissage vasculaire (2e flacon), en cas d’hypotension artérielle persistante malgré le remplissage initial ;
– si nécessité de drogues vasoactives, commencer par dopamine à 5 µg/kg/min, que l’on augmentera par paliers successifs de 5 µg en fonction de la réponse clinique ;
– administrer un traitement antibiotique précoce ;
– appeler le réanimateur.
Conclusion


Le pronostic d’un patient présentant un choc septique dépend essentiellement de la qualité de la prise en charge initiale, qui comportera la mise en œuvre de manière simultanée du traitement symptomatique (remplissage vasculaire ± drogues vasoactives) et du traitement étiologique (traitement anti-infectieux précoce et adapté, recherche d’un foyer chirurgical).

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