4  -  Diagnostic

4 . 1  -  Circonstances de découverte et facteurs déclenchants

De plus en plus, l’OAP cardiogénique survient chez des malades âgés, voire très âgés. Pour la plupart d’entre eux, il constitue une complication initiale ou récidivante d’une insuffisance cardiaque connue et traitée. Il convient alors de rechercher des facteurs déclenchants : poussée ischémique, trouble du rythme ou de la conduction, arrêt de traitement ou prescription intempestive d’un inotrope négatif, épisode infectieux, anémie, surcharge hydrosodée, insuffisance rénale. La forme clinique la plus fréquente est l’insuffisance ventriculaire gauche aiguë nocturne, liée à une cardiopathie décompensée brutalement avec poussée hypertensive, survenant chez le sujet âgé.

Point de débat
La « poussée » hypertensive est traditionnellement évoquée comme facteur déclenchant de l’œdème, conduisant souvent à justifier un traitement anti-hypertenseur urgent et spécifique. Cependant, des chiffres tensionnels élevés sont la conséquence usuelle de toute affection très dyspnéisante (et très angoissante), notamment si une hypercapnie est associée. La pression artérielle peut être d’autant plus considérée comme un facteur causal qu’elle est très élevée à une phase précoce de l’œdème. Dans les autres cas, elle en est plutôt une conséquence.

4 . 2  -  Signes cliniques

Il s’agit habituellement d’un diagnostic clinique aisé dans sa forme typique : sujet pâle, cyanosé, froid, couvert de sueurs, avec une tachypnée superficielle et une orthopnée (assis au bord de son lit), angoissé avec oppression thoracique « en chape de plomb ». Le patient se plaint d’une toux avec grésillement laryngé, ramenant une expectoration fréquemment « rose saumoné ». Le début est souvent nocturne, brutal.
L’examen clinique appréciera l’existence de signes de gravité (voir encadré) et confirmera le diagnostic évoqué dès l’inspection :

  • auscultation cardiaque : tachycardie, bruit de galop gauche. Éventuellement, souffle systolique ;
  • auscultation pulmonaire : râles crépitants envahissant les deux champs pulmonaires en « marée montante » ;
  • hypertension artérielle systolodiastolique habituelle ; plus rarement, pression artérielle basse et pincée (facteur de gravité).
Signes cliniques de gravité de l’OAP
Tachypnée > 30/min, bradypnée
Cyanose, marbrures
Troubles de la conscience
PA < 110 mmHg
Rapidité de la détérioration clinique

Une crise d’asthme inaugural de début nocturne chez une personne âgée est un OAP jusqu’à preuve du contraire.

D’autres formes symptomatiques peuvent être observées :

  • forme bronchospastique : elle survient dans 50 % des cas chez le vieillard, l’insuffisant respiratoire chronique. Le diagnostic différentiel avec un asthme vrai ou une décompensation aiguë de BPCO est réellement difficile cliniquement. Il s’agit du pseudoasthme cardiaque, lié à l’œdème bronchiolaire ;
  • forme suraiguë : l’OAP compte parmi les causes de mort subite (diagnostic médicolégal) ;
  • forme subaiguë : caractérisée par une dyspnée au moindre effort, une toux, une orthopnée et des épanchements pleuraux ;
  • forme hémoptoïque.

4 . 3  -  Évolution

L’évolution dépend de l’étiologie et de la réponse au traitement immédiat. Elle doit être évaluée dans les 20 à 30 minutes suivant la prise en charge :

  • évolution défavorable : asphyxie aiguë avec hypoventilation alvéolaire grave et troubles de conscience ; l’arrêt cardiaque peut survenir à tout moment ;
  • évolution favorable : régression de la dyspnée, équilibration tensionnelle, reprise d’une diurèse.

4 . 4  -  Examens complémentaires

1. Électrocardiogramme

Il a pour but essentiel de rechercher un facteur déclenchant : arythmie supraventriculaire ou ventriculaire, troubles de conduction avec bradycardie, modifications nouvelles d’origine ischémique.

2. Gaz du sang artériel

Disponibles seulement à l’arrivée en milieu hospitalier, ils peuvent mettre en évidence une hypoxémie avec alcalose ventilatoire ou une acidose ventilatoire ou mixte. L’acidose ventilatoire témoigne toujours d’une hypoventilation alvéolaire. L’hypoxémie peut avoir été corrigée par l’oxygénothérapie, permettant d’observer une saturation transcutanée en oxygène (SpO2) satisfaisante. Celle-ci ne doit en aucun cas rassurer lorsqu’elle est associée à une acidose ventilatoire ou mixte, facteur de gravité à toujours rechercher.

3. Radiographie pulmonaire

Outre les renseignements éventuels sur la cardiopathie sous-jacente, la radiographie pulmonaire est un examen clé du diagnostic différentiel (notamment dans les formes de pseudoasthme cardiaque). En fonction de la gravité, on pourra observer d’abord des images d’œdème interstitiel avec redistribution vasculaire au sommet, aspect flou des contours bronchiques, émoussement des culs-de-sac pleuraux, et lignes B de Kerley (fines lignes horizontales aux bases). À un stade plus évolué, on observe des images alvéolaires volontiers périhilaires, prédominant parfois sur le poumon droit ; enfin, les deux poumons peuvent être entièrement « blancs ». Le bronchogramme aérique est réputé rare. On peut trouver un épanchement pleural associé.

4. Échocardiographie

Cet examen permet d’orienter sur le type de cardiopathie et sa sévérité. Il permet aussi d’obtenir des paramètres hémodynamiques de manière non ou peu invasive (voie transœsophagienne). Cet examen de « débrouillage » doit être largement utilisé, soit après résolution de l’OAP, soit dans les formes résistantes au traitement chez un malade sous ventilation artificielle.

5. Cathétérisme pulmonaire

Cet examen réalisé en milieu de réanimation permet dans certaines formes graves de confirmer l’origine cardiogénique de l’OAP et d’adapter le traitement.

6. Autres examens

En fonction du contexte, le dosage des enzymes cardiaques et la réalisation d’une coronarographie peuvent être indiqués. Le dosage plasmatique du BNP (Brain Natriuretic Peptid) peut aider dans les formes de diagnostic difficile à différencier l’œdème aigu pulmonaire cardiogénique d’une infection pulmonaire ou d’un œdème pulmonaire d’origine non cardiogénique.

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