L’insuffisance cardiaque peut être définie de façon simple comme l’incapacité du cœur à assurer sa fonction normale de pompe dans les diverses situations de la vie courante.

L’insuffisance cardiaque est dite « compensée » lorsque des mécanismes compensateurs de l’organisme ou le traitement médical permettent une vie aussi proche que possible de la normale.

Elle est dite « décompensée » lorsqu’elle entraîne une gêne majeure de façon aiguë, subaiguë ou chronique. On parle souvent d’insuffisance cardiaque « congestive», en raison des symptômes cliniques liés à l’augmentation des pressions de remplissage ventriculaire.

Bien que les ventricules soient dans une large part interdépendants, on décrit une insuffisance cardiaque droite et une insuffisance cardiaque gauche, en fonction de la localisation ou de l’impact de la maladie causale. Celles-ci peuvent évoluer de façon chronique ou aiguë ; la forme aiguë peut survenir sur un myocarde sain ou au contraire être un mode d’aggravation brutale d’une insuffisance cardiaque chronique.
L’insuffisance cardiaque droite aiguë est essentiellement observée au cours de l’embolie pulmonaire massive et des épanchements péricardiques compressifs. L’insuffisance cardiaque gauche aiguë se manifeste par l’œdème pulmonaire, situation très fréquente, qui fera l’objet de ce chapitre. La forme ultime et la plus grave des insuffisances cardiaques aiguës est le choc cardiogénique, qui implique une incapacité de la pompe cardiaque à assurer un débit et une pression de perfusion suffisants aux tissus.

1  -  Définition et physiopathologie


L’œdème pulmonaire est défini comme une accumulation de fluides et de solutés dans les espaces extravasculaires pulmonaires. Une des conséquences principales de l’œdème pulmonaire est l’inondation des alvéoles pulmonaires, susceptible d’entraîner très rapidement une insuffisance respiratoire aiguë. L’OAP cardiogénique est un œdème de mécanisme hydrostatique dans lequel l’augmentation des pressions microvasculaires pulmonaires (capillaires et veinules pulmonaires) est liée à l’insuffisance cardiaque gauche « congestive ». Ce type d’œdème pulmonaire s’oppose schématiquement aux œdèmes de perméabilité (encore appelés « lésionnels »), dans lesquels le mécanisme causal est représenté par une altération anatomique de la membrane alvéolocapillaire.

La membrane alvéolocapillaire est constituée de 3 éléments principaux : l’endothélium capillaire, l’espace interstitiel alvéolocapillaire et les cellules épithéliales. Les échanges liquidiens s’effectuent entre le capillaire et le secteur interstitiel drainé par le réseau lymphatique pulmonaire. Le flux net de liquide sortant du capillaire obéit à l’équation de Starling :

Qf = K (PHmv PHint) K’(Pomv Point)
Où Qf est le débit de filtration, K le coefficient de filtration décrivant la perméabilité à l’eau de la barrière alvéolocapillaire, PHmv et PHint les pressions hydrostatiques microvasculaires et interstitielles, Pomv et Point les pressions oncotiques microvasculaires et interstitielles et K’ le coefficient de réflexion décrivant la perméabilité membranaire aux protéines.

À l’état basal, les forces en présence résultent en un flux net de liquide du capillaire vers l’interstitium. Il n’y a cependant pas d’œdème car le drainage interstitiel est simultanément assuré par la circulation lymphatique. Dans l’OAP cardiogénique, on admet que le facteur essentiel est l’augmentation du débit de filtration en relation avec un accroissement de Pmv consécutif à l’augmentation de la pression en amont des cavités du cœur gauche (pression atriale gauche, usuellement en rapport avec la pression télédiastolique du ventricule gauche). Plusieurs mécanismes compensateurs s’opposent à l’inondation alvéolaire : l’accroissement de PHint, la diminution de Point liée à la dilution des protéines interstitielles, enfin l’accroissement du débit lymphatique. Lorsque ces mécanismes sont débordés survient l’œdème alvéolaire, peut-être favorisé par des modifications de la perméabilité de l’épithélium alvéolaire. Il est cependant important de considérer que ce phénomène est habituellement brutal et rapide. La résolution de l’œdème pulmonaire est un phénomène actif mettant en jeu des structures spécifiques de l’épithélium alvéolaire

1/5