2 . 4  -  Signes de gravité directement liés à la crise

En dehors des signes de détresse vitale (coma hypercapnique, grandes bradypnées, collapsus ou arrêt cardiaque) qui sont évidents et imposent des gestes de réanimation immédiats, on doit devant toute crise d’asthme rechercher, en même temps que l’on commence le traitement, la présence d’un ou de plusieurs des signes de gravité suivants :

  • dyspnée ressentie par le malade comme différente et plus sévère qu’à l’habitude ;
  • difficulté à parler ou à tousser ;
  • impossibilité de s’allonger ;
  • tension permanente visible à l’inspiration et à l’expiration de la corde des sterno-cléido-mastoïdiens ;
  • fréquence respiratoire > 30/min (> 40-50 chez les enfants de 1 à 6 ans) ;
  • intensité des sibilants ;
  • silence auscultatoire ;
  • fréquence cardiaque > 120/min (> 140-150 chez les enfants de 1 à 6 ans) ;
  • pouls paradoxal > 18 mmHg ;
  • cyanose et/ou sueurs ;
  • agitation et/ou délire ;
  • débit de pointe ou Peak Flow < 150 L/min (chez l’adulte) ou mieux un DEP < 30 % de la valeur théorique quel que soit l’âge, ce qui définit pour les Anglo-Saxons l’AAG tandis qu’un DEP < 50 % de la valeur théorique définit une crise sévère (Annexe 1) ;
  • gaz du sang montrant en cours de dyspnée une hypoxémie franche < 65 mmHg (en l’absence d’oxygène) mais surtout une normocapnie (considérée ici comme pathologique) ou a fortiori une hypercapnie.

Annexe 1 : Le débit expiratoire de pointe (DEP)

Définition

Le débit expiratoire de pointe correspond au débit le plus élevé obtenu lors d’une expiration maximale la plus rapide possible, après une inspiration profonde.

Mesure du DEP

Courbe débit-volume
La détermination la plus précise du DEP est obtenue par la réalisation d’une courbe débit-volume en exploration fonctionnelle respiratoire : le DEP correspond alors au point le plus élevé sur la courbe expiratoire (Figure 1).

Débitmètre de poche
La détermination en routine est obtenue à l’aide d’un petit débitmètre léger, peu encombrant, pouvant tenir dans une sacoche voire une poche de veste. Le plus connu est l’appareil de Wright et tous les autres en dérivent.

Technique de mesure
En position debout si possible, lèvres serrées sur l’embout buccal de l’appareil tenu horizontalement sans gêner la progression du curseur.
Inspiration profonde puis expiration aussi rapide et forte que possible.
Trois mesures successives en gardant la meilleure.
Comparer la valeur à la valeur théorique obtenue sur un abaque en fonction de l’âge et de la taille du sujet (Figures 2 et 3).
Évaluer la variation en pourcentage de la mesure précédente, pour comparer par exemple la valeur du DEP entre matin et soir :

(DEP soir - DEP matin)
_________________
0,5 (DEP soir + DEP matin)

Signification du DEP


Le DEP évolue parallèlement à l’obstruction des grosses bronches mais il n’explore pas l’état des petites bronches et peut être normal même en cas d’obstruction sévère de ces dernières. Le DEP dépend de l’effort, il ne donne de renseignements utiles qu’à partir de 5 ou 6 ans. Le DEP ne saurait donc remplacer les épreuves fonctionnelles respiratoires classiques pour le diagnostic de l’asthme ou pour un suivi épisodique annuel. Le DEP est imparfait mais il représente un outil indispensable de suivi au jour le jour des asthmes persistants.

Indications de la mesure du DEP

La mesure du DEP est pour l’asthmatique aussi utile que celle de la pression artérielle chez l’hypertendu. Tout médecin devrait donc disposer d’un débitmètre portable et il serait logique que tout malade présentant un asthme persistant en possède un. Les appareils actuellement commercialisés coûtent entre 23 et 30 euros mais ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, sauf en cas d’asthme avec insuffisance respiratoire chronique sévère.
Tout asthmatique disposant d’un débitmètre devrait créer un carnet de surveillance pour noter et dater les mesures successives de ses DEP parallèlement à ses symptômes cliniques et à ses traitements.

Quand mesurer le DEP ?

– Lors d’une crise aiguë :

– pour en évaluer la gravité initiale (sans insister si le malade n’a pas l’habitude car la mesure peut parfois aggraver la crise) ;
– pour évaluer l’évolution sous traitement, confirmer ou non l’amélioration et décider éventuellement de la sortie ou de l’hospitalisation en fonction de la comparaison avec les valeurs de base du malade ou de ses valeurs théoriques.

– En période intercritique :

– pour dépister une aggravation progressive et prédire les rechutes en cas de dégradation lente mais régulière du DEP ;
– pour estimer l’instabilité de l’asthme par la comparaison entre le DEP du matin et celui du soir : toute variation > 25-30 % est un signe de sévérité ;
– pour permettre l’adaptation par le malade, sa famille ou le médecin du traitement de base : DEP ≥ 80 % des valeurs habituelles, pas de changement ; DEP = 60-80 % des valeurs habituelles, doubler les corticoïdes inhalés et consulter ; DEP < 60 % des valeurs théoriques, prendre des β2-mimétiques et des corticoïdes oraux puis appeler d’urgence le médecin, les urgences ou le centre 15 ;
– pour apprendre à mieux percevoir l’obstruction bronchique, souvent mal évaluée spontanément par les asthmatiques ;
– pour évaluer sur le terrain le rôle éventuel d’un allergène par mesure du DEP avant et après exposition, avant contrôle en laboratoire, beaucoup plus fiable.

Conclusion

Le débitmètre de pointe est un appareil indispensable au bon contrôle des asthmes persistants, notamment dans le cadre d’une autoprise en charge mais aussi pour toute crise d’asthme aiguë afin de surveiller l’efficacité des traitements.

Figure 1 : Courbe débit-volume normale, expiration vers le haut
Figure 2 : Abaque des valeurs théoriques du DEP pour les adultes en fonction du sexe, de l’âge et de la taille
(dessin de V. Rolland). (D’après Gregg I, Nunn AJ. Br Med J 1989 ; 298 : 1068-70).
Figure 3 : Abaque des valeurs théoriques du DEP pour les enfants de 5 à 18 ans en fonction de la taille
(dessin de V. Rolland). (D’après Godfrey S. Br J Dis Chest 1970 ; 64 : 15-24).

2 . 5  -  Scores

Pour sensibiliser l’évaluation de la gravité et pour pouvoir comparer les malades, des scores de gravité ont été proposés (Tableau II). Ces scores ne tenant pas compte de l’évolution immédiate sous traitement n’ont pas de valeur pronostique validée mais ils permettent, par évaluation régulière, d’apprécier l’évolution sous traitement.

Tableau II. Score de gravité clinique. Index de 0 à 15
Paramètres      Cotation (0, 1, 2, 3)
   0      1      2    3
Dyspnée    0   +   ++   +++
Sibilants 0 + ++ +++    0   +   ++   +++
Utilisation des muscles respiratoires accessoires 0 + ++ +++         0   +   ++   +++
Fréquence respiratoire (min)   < 20    21-25    26-30    > 31 
Pouls paradoxal (mmHg)   < 18   18-30   31-50   > 51
(D’après Salmeron S., AJRCCD, 1994.)
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