4 . 5  -  Cholestéatome

4 . 5 . 1  -  Pathogénie


Il se définit par la présence dans l’oreille moyenne d’un épithélium malpighien kératinisé, doué d’un triple potentiel de desquamation, de migration et d’érosion. Elle justifie pleinement le qualificatif de dangereux, classiquement attribué à cette otite chronique.

Les formes acquises répondent à la théorie de la migration épithéliale. Celle-ci peut adopter quatre mécanismes différents :

  • migration directe à partir des berges d’une perforation tympanique marginale ;
  • migration en profondeur par prolifération papillaire des cellules de la couche basale de l’épithélium du CAE et de la membrane tympanique ;
  • implantation épithéliale d’origine traumatique à l’occasion d’une fracture du rocher ou postchirurgicale ;
  • rétraction et invagination de la membrane tympanique (états précholestéatomateux des otites atélectasiques), cause la plus fréquente.

Les formes congénitales sont plus rares. Leur topographie préférentielle dans le cadran antérosupérieur du tympan trouve une explication pathogénique dans la persistance d’un reliquat épidermoïde normalement présent chez l’embryon entre la 10e et la 30e semaine de gestation (théorie de Mickaels). L'autre localisation, à la zone de fusion des 1er et 2ème arcs branchiaux, dans la région du promontoire, trouve une explication dans un défaut du rôle inhibiteur de l'annulus sur la prolifération épidermique (théorie d'Aimi). La branche descendante de l'enclume et l'étrier sont alors les premiers osselets lysés.

4 . 5 . 2  -  Clinique


Les signes d’appel sont en général très insidieux : hypoacousie discrète, progressivement installée et/ou otorrhée purulente, minime, fétide. Le cholestéatome peut être longtemps méconnu et se révéler par une complication : paralysie faciale, labyrinthite, méningite, abcès temporal ou cérébelleux, thrombophlébite du sinus latéral.

L’otoscopie peut revêtir différents aspects (figure 15) :

  • perforation ou PDR marginale atticale (au niveau de la pars flaccida) laissant échapper du pus mêlé de squames épidermiques ;
  • croûtelles ou polypes atticaux masquant un authentique cholestéatome (l’examen otoscopique d’une otite chronique doit toujours se faire sur un CAE et un tympan libres de tous débris) ;
  • PDR non contrôlable ou non autonettoyante de la pars tensa ou perforation marginale laissant apparaître un cholestéatome dans la caisse du tympan (figure 16) ;
  • masse blanchâtre rétrotympanique (formes congénitales).

L’imagerie (scanner et/ou IRM avec techniques adaptées) permet de visualiser le cholestéatome sous la forme d’une hyperdensité de la caisse associée souvent à une lyse des parois de celle-ci (mur de la logette) et/ou à une lyse de la chaîne ossiculaire. Elle permet d’apprécier son extension et d’éventuelles complications (figure 17).

L’évolution est caractérisée par le risque de complications en l’absence de traitement : paralysie faciale périphérique, labyrinthite ; complications endocrâniennes : abcès cérébral, méningite, thrombophlébite du sinus latéral, otorrhée cérébrospinale (claire, parfois mêlée de sang ou de pus). Insistons sur la fistule périlymphatique par érosion du canal semi-circulaire latéral suspecté devant l’apparition de vertiges avec signe de la fistule positif.

Figure 15
Otoscopie d’un cholestéatome de l’oreille droite développé à partir d’une poche de rétraction des deux quadrants postérieurs de la pars tensa (2). La flèche noire montre les squames de kératine qui s’accumulent au fond de la poche (non autonettoyante). Noter le manche du marteau (3) et la partie antérieure du tympan qui est tympanoscléreux (1).
Figure 16 : Cholestéatome attical gauche (développé à partir de la pars flaccida).
En haut à gauche, aspect otoscopique montrant une croutelle (1) au niveau de la pars flaccida ; la pars tensa est normale (2). A droite, scanner en coupe frontale qui montre l’extension du cholestéatome dans la caisse du tympan (1), dans la mastoïde (2), et se compliquant d’une lyse du canal semiā€circulaire latéral (flèche noire). En bas à gauche, vue opératoire après ouverture de la mastoïde montrant l’extension du cholestéatome dans les cavités mastoïdiennes (1) à distance de la membrane tympanique et du conduit auditif externe (2).

4 . 5 . 3  -  Traitement


Le traitement est chirurgical :

  • éradication des lésions cholestéatomateuses qui peuvent diffuser plus ou moins dans le rocher, l’oreille interne et atteindre les méninges ;
  • reconstruction et renforcement de la membrane tympanique pour éviter toute récidive ;
  • si possible reconstruction de la chaîne des osselets.

Une surveillance régulière clinique et/ou radiologique (scanner ou IRM avec techniques adaptées) postopératoire pendant au moins 10 ans est impérative, car quelques cellules laissées en place après la chirurgie peuvent se développer dans les mois ou années après la chirurgie (cholestéatome résiduel). Par ailleurs, la maladie initiale (PDR) peut réapparaître (récidive du cholestéatome).

4 . 6  -  Otite tuberculeuse


Elle est rare et souvent de diagnostic tardif. Il s’agit soit d’une tuberculose :

  • primitive ;
  • survenant chez un sujet porteur d’un autre foyer tuberculeux connu ou ignoré.

La tuberculose se propage à la caisse du tympan par voie tubaire ou lymphatique essentiellement, ou par voie hématogène quelquefois.
Son diagnostic est difficile et doit être soupçonné devant :

  • l’évolution traînante d’une otite ;
  • une labyrinthisation (vertiges, surdité de perception) précoce et inexpliquée d’une otite ;
  • une otite avec paralysie faciale en l’absence de cholestéatome ;
  • un aspect otoscopique nécrotique, avec perforations tympaniques multiples.

L’adénopathie pré-auriculaire est classique. Il faut alors rechercher les signes en faveur d’une infection tuberculeuse (contact, migrants, conditions de vie) et l’existence d’autres foyers (pulmonaire…).
Localement, la présence de BK peut être argumentée sur la culture, sur l’examen histologique après biopsie, ou sur PCR.
Le traitement antituberculeux est efficace (souvent test thérapeutique).

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