3 . 7  -  Diagnostic différentiel


En présence d’une otalgie, il convient d’éliminer :

  • une otite externe diffuse ou un furoncle du conduit. Les caractères des douleurs permettent souvent l’orientation : lancinantes et non paroxystiques, exacerbées par la mastication, la pression au niveau du tragus, la mobilisation du pavillon de l’oreille ;
  • un zona auriculaire au début, mais rapidement, l’éruption dans la conque (zone de Ramsay-Hunt) et la paralysie faciale font le diagnostic ;
  • une otalgie réflexe, surtout chez l’adulte, d’origine pharyngée, dentaire, articulaire (articulation temporomaxillaire). Il faut y penser lorsque l’examen otoscopique est normal ;
  • en cas d’otorrhée persistante ou récidivante, éliminer :
    • une otite externe chronique, eczémateuse ou mycosique,
    • et surtout une otite moyenne chronique réchauffée sur l’anamnèse et le caractère de la perforation tympanique.

3 . 8  -  Traitement

3 . 8 . 1  -  Au stade catarrhal, congestif

  • Un traitement simple suffit sous surveillance clinique et otoscopique.
  • Désobstruction des fosses nasales : sérum physiologique, rarement vasoconstricteurs (prudence chez le nourrisson et le petit enfant : sérum adrénaliné).
  • Instillations auriculaires, surtout à visée antalgique et décongestionnante (Osmotol, Otalgol, Otipax). Les antibiotiques locaux sont inutiles.
  • Antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens et antipyrétiques par voie générale.

3 . 8 . 2  -  Au stade suppuré


Les deux questions suivantes se posent : antibiothérapie générale ? et/ou paracentèse ?

3 . 8 . 2 . 1  -  Antibiothérapie


Elle a transformé le pronostic de l’OMA, dont les complications graves sont maintenant très rares. Elle n’a cependant ni diminué leur fréquence, ni leurs récidives, ni le passage à la chronicité. La prescription idéale serait celle qui serait guidée par l’étude bactériologique, mais il n’y a pas de tableau clinique typique d’un germe donné et les prélèvements sont difficiles à réaliser et à interpréter (souillure par les germes du conduit). Il s’agit donc d’une antibiothérapie probabiliste qui tient compte de deux notions : les souches productrices de b-lactamases en diminution et l’émergence du pneumocoque à sensibilité anormale à la pénicilline (4% de souches résistantes, 43% de souches intermédiaires).

Les règles suivantes peuvent actuellement être adoptées :

  • Chez le nouveau-né (rare), les germes sont souvent résistants aux antibiotiques (staphylocoque doré, Pseudomonas, streptocoques pyogènes). Les barrières épithéliales étant plus perméables à cet âge, ces infections nécessitent un bilan général comme toute fièvre néonatale. L’antibiothérapie à large spectre est indiquée. Le prélèvement bactériologique doit être systématique par paracentèse.
  • Chez l’enfant, si l’otite est associée à une conjonctivite, l’Haemophilus influenzae est probablement en cause. Il convient de prescrire amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin). En cas d'allergie vraie aux pénicillines sans allergie aux céphalosporines : céphalosporine orale de 2e ou 3e génération (cefpodoxime). En cas de contre indication aux bétalactamines: érythromycine-sulfizoxazole (Pédiazole) ou cotrimoxazole (érythromycine-sulfaméthoxazole).
  • Chez le nourrisson de moins de 18 mois en crèche, fortement fébrile, il faut craindre surtout le pneumocoque (plus rarement Haemophilus, streptocoque). Traitement par amoxicilline (si haemophilus: moins de souches productrices de bétalactamases donc la différence d'activité entre l'amoxicilline seul et l'amoxicilline associé à de l'acide clavulanique n'intéresserait que 5 patients sur 100; si pneumocoque: l'amoxicilline reste très active sur les pneumocoques intermédiaires).
  • En cas d’impossibilité d’assurer un traitement par voie orale, une C3G injectable (ceftriaxone) est indiquée.
  • Pour un enfant de plus de 2 ans et l’adulte peu fébrile, sans antibiotique dans les 3 mois précédents, en région à faible prévalence de pneumocoque résistant l'amoxicilline doit être prescrit en première intention Chez l’enfant de plus de 2 ans avec des symptômes peu bruyants, un traitement symptomatique peut se justifier en première intention, sous couvert d’une réévaluation à la 48-72e heure. Si l’évolution n’est pas satisfaisante, ou que les symptômes s’aggravent, une antibiothérapie doit être prescrite.

L’antibiothérapie respecte les conditions suivantes : doses correctes, durée minimale de 8 -10 jours chez l'enfant de moins de 2 ans et 5 jours chez le plus grand et surveillance otologique attentive des critères de guérison (disparition des signes généraux, disparition des douleurs, aspect otoscopique normal ou subnormal avec disparition de l’inflammation, réapparition des reliefs et audition normale ou subnormale).

L’antibiothérapie s’impose formellement dans certains cas :

  • OMA suppurée du nouveau-né et du petit nourrisson ;
  • formes avec atteinte sévère de l’état général ;
  • OMA compliquant une maladie générale (rougeole, varicelle, scarlatine…) ;
  • otorrhée sur OMA perforée persistant plus d’une semaine, sans tendance à l’amélioration.

3 . 8 . 2 . 2  -  Paracentèse


Il s’agit d’une incision dans le quadrant antéro-inférieur du tympan, réalisée de préférence avec anesthésie, et avec une parfaite immobilité du sujet. La paracentèse n’est pas strictement indispensable sous couvert d’antibiotiques et d’une bonne surveillance, mais elle est utile au stade suppuré, car elle assure le drainage de l’abcès et permet une documentation bactériologique. Ses indications sont résumées dans le tableau suivant (tableau 3).

Vidéo 1
La paracentèse consiste à inciser la membrane tympanique pour évacuer une collection liquidienne rétro-tympanique. Elle nécessite une immobilité (pour éviter tout traumatisme), une analgésie, deux conditions qui imposent le recours à une anesthésie générale chez l'enfant.
Tableau 3 : Indications de la paracentèse (ou myringotomie) dans le cadre des otites moyennes aiguës collectées
OMA collectée hyperalgique
OMA collectée très fébrile résistante aux antipyrétiques
Toutes les conditions nécessitant un prélèvement pour étude bactériologique :

– évolution anormale ou compliquée
– otites récidivantes ou traînantes
– terrain particulier (nourrisson de moins de trois mois, déficit immunitaire)
– altération de l’état général

3 . 9  -  Évolution


Elle est favorable dans la majorité des cas, spontanément ou sous traitement.

  • Au stade congestif, elle peut guérir simplement, ou passer au stade suppuré, ouvert avec otorrhée.
  • Au stade suppuré perforé, l’otorrhée est purulente puis, vers le 3e jour, devient mucopurulente, puis muqueuse, alors que les signes généraux et fonctionnels disparaissent.
  • La fermeture du tympan (en cas d’ouverture) survient vers les 3 à 4 jours.

En cas d’échec d’un traitement antibiotique, par persistance des symptômes à la 48e heure, il faut suspecter un pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP) ou résistant à la pénicilline. Si le traitement premier était l'amoxicilline associé à l'acide clavulanique la documentation bactériologique s’impose par paracentèse, sinon en cas d'échec d'un autre antibiotique, il convient de prescrire l'Augmentin dans un premier temps.

En cas de récidive, il faut chercher et traiter la cause au niveau rhinopharyngé (ablation des végétations adénoïdes, traitement d’un terrain local déficient [cf. facteurs favorisants des OMA]) et/ou au niveau otologique (otite séromuqueuse).

Le passage à la chronicité (otite séromuqueuse) s’observe dans 10 à 20 % des cas.

3 . 10  -  Complications

3 . 10 . 1  -  Mastoïdite


La mastoïdite correspond à une issue de pus au travers de la corticale de l’os mastoïdien dans le cas d’une otite moyenne aiguë collectée.

Le tableau est celui d’une otite moyenne aiguë avec habituellement un syndrome général important, une tuméfaction inflammatoire rétro-auriculaire parfois collectée responsable d’un décollement du pavillon et d’une chute de la paroi postérieure du conduit auditif externe qui paraît refoulé par un processus inflammatoire.

L’examen du tympan montre une otite moyenne aiguë collectée. L’examen tomodensitométrique montre l’opacité mastoïdienne ; il doit être pratiqué non pas pour le diagnostic de mastoïdite, mais pour rechercher des complications méningo-encéphaliques qui peuvent être latentes (incidence de l’ordre de 10 %). Sa fréquence a bien diminué depuis l’avènement des antibiotiques avec une prévalence de 1/10 000 otites moyennes aiguës.

Son traitement s’effectue en milieu spécialisé et repose sur une antibiothérapie, une paracentèse et une prise en charge éventuellement chirurgicale (figure 8).

Figure 8 : Mastoïdite gauche compliquant une otite moyenne aiguë gauche collectée chez un nourrisson.
Noter que le pavillon de l’oreille est déplacé vers le dehors (flèches), vers le bas, par l’épanchement purulent et/ou l’inflammation de la région mastoïdienne.

3 . 10 . 2  -  Autres complications de l’OMA


La paralysie faciale est actuellement une complication fréquente de l’otite moyenne aiguë avec une fréquence de 5/1 000. Elle peut être partielle ou complète. Elle nécessite le recours au spécialiste pour réalisation d’une paracentèse et une antibiothérapie adaptée.

La méningite a une fréquence de 1/10 000. Son mécanisme peut être hématogène, ou par voie osseuse ou par voie labyrinthique. Le tableau est celui d’une méningite et le traitement s’effectue en milieu hospitalier.

Toute otite moyenne aiguë collectée peut aboutir à une perforation tympanique ; celle-ci généralement va se refermer spontanément mais elle peut passer à la chronicité avec persistance d’une perforation tympanique.

L’otite séromuqueuse vient compliquer 10 à 20 % des otites moyennes aiguës. Elle est à distinguer de l’épanchement post-otitique. Cette complication très fréquente oblige à recontrôler tout patient ayant présenté une otite moyenne aiguë dans les 4 à 6 semaines suivant son épisode.

Les complications rares sont de façon non exhaustive la labyrinthite, la thrombophlébite du sinus latéral, l’abcès cérébral, l’ostéite du temporal.

7/11