Introduction

La pathologie des glandes salivaires principales (parotide, sous maxillaire et sublinguale) se systématise en sialites (infections et/ou inflammations), sialoses (hypertrophie globales) et tumeurs. Le diagnostic causal se pose différemment dans les tuméfactions inflammatoires où la cause est en général facilement reconnue et dans les tumeurs où, malgré les examens complémentaires les plus poussés (échographie, IRM, ponction cytologique à l’aiguille fine, bilan hématologique), l'étiologie ne sera formellement précisée que lors de l’examen histologique définitif de la pièce d'exérèse chirurgicale.

1  -  Anatomie, histologie, physiologie élémentaires des glandes orales (ou salivaires)


Les glandes orales ou salivaires sont des glandes exocrines annexées à la cavité orale. Elles sécrètent la salive, sécrétion aqueuse hypotonique par rapport au plasma, riche en enzymes (amylase, lysozyme) et en anticorps, réalisant un volume journalier d’environ 1.5 l. La salive est produite par des glandes principales et des glandes accessoires. Les glandes principales, paires, volumineuses sont enveloppées d’une capsule conjonctive. Elles comprennent la glande parotide, la glande sub-mandibulaire et la glande sublinguale. Les glandes accessoires sont petites et nombreuses (environ un millier), disséminées dans la muqueuse buccale. La sécrétion des petites glandes accessoires est continue, soumise essentiellement à un contrôle local. La sécrétion des glande principales est discontinue, répondant à un contrôle mixte sympathique et surtout parasympathique, induit par des stimulus olfactif, visuel, gustatif ou neuropsychique.

1 . 1  -  La glande parotide


La glande parotide (« para » : à côté ; « oris » : de l’oreille) est la plus volumineuse des glandes salivaires (25 g). Elle est composée de cellules sécrétoires séreuses. De forme prismatique, elle se moule sur les parois de la loge parotidienne qui contient la glande mais aussi des éléments vasculo-nerveux, notamment le nerf facial.

1. La loge parotidienne


Elle est limitée par plusieurs parois (figure 1).

  • La paroi antérieure est constituée (de dehors en dedans) par le muscle masséter, le ramus mandibulaire, le muscle ptérygoïdien médial, la partie inférieure du muscle styloglosse. Sur la face antérieure du muscle ptérygoïdien médial s’organise le fascia inter-ptérygoïdien ; sur sa face postérieure, s’insinue le prolongement pharyngien de la glande parotide. En haut, entre le col de la mandibule et le fascia inter-ptérygoïdien (ligament tympano-mandibulaire) un orifice fait communiquer la loge parotidienne et la fosse infra-temporale, c’est la boutonnière rétro-condylienne de Juvara que traversent l’artère maxillaire, ses veines satellites et le nerf auriculo-temporal, branche du nerf mandibulaire (V3). La glande parotide a également un prolongement latéro-masséterin recouvrant de façon variable ce muscle.
  • La paroi postérieure est formée (de dehors en dedans) par le muscle sterno-cléido-mastoïdien, le ventre postérieur du muscle digastrique et le muscle stylo-hyoïdien. Les muscles styloglosse et stylo-pharyngien du diaphragme stylien n’appartiennent pas à cette paroi postérieure car ils sont plus médiaux. Les ligaments stylo-hyoïdien et stylo-mandibulaire réalisent un épaississement conjonctif entre les muscles stylo-hyoïdien et stylo-glosse. Le tissu conjonctif est perforé par l’artère carotide externe. Le nerf facial entre dans la loge parotidienne par cette paroi entre le bord antérieur du ventre postérieur du muscle digastrique et le muscle stylo-hyoïdien qu’il innerve tous deux. Le diaphragme stylien sépare la loge parotidienne en avant de l’espace rétro-stylien où cheminent l’artère carotide interne, la veine jugulaire interne et les derniers nerfs crâniens, le nerf vague, le nerf accessoire, le nerf glossopharyngien, le nerf hypoglosse, mais aussi la chaine sympathique.
  • La paroi latérale est la voie d’abord chirurgicale de la glande. Elle est tendue entre le muscle sterno-cléido-mastoïdien en  arrière et le muscle masséter en avant, constituée par la lame superficielle du fascia cervical, tapissée d’éléments cellulo-graisseux et musculaires superficiels constituant le « système musculo-aponévrotique superficiel ». La glande adhère intimement à ces structures.
  • La paroi supérieure est formée en avant par la face postérieure de l’articulation temporo-mandibulaire, en arrière par le méat acoustique externe cartilagineux. Cette paroi est perforée par un pédicule vasculo-nerveux vertical composé d’avant en arrière de l’artère temporale superficielle, de la veine temporale superficielle et du nerf auriculo-temporal, provenant de la boutonnière rétro-condylienne.
  • La paroi inférieure est formée par la « bandelette mandibulaire », conjonctif dense tendu entre le fascia des muscles sterno-cléido-mastoïdien, digastrique, et l’angle mandibulaire. Elle se poursuit en dedans par le tissu conjonctif du diaphragme stylien (ligament stylo-mandibulaire). Cette paroi est traversée par la veine communicante intra-parotidienne naissant de la veine temporale superficielle et de la veine maxillaire rejoignant la veine jugulaire externe. L’artère carotide externe perfore aussi ce tissu conjonctif mais en position plus postéro-médiale. Cette paroi sépare la loge parotidienne en haut et en arrière de la loge sub-mandibulaire en bas et en avant.
Figure 1 : Coupe horizontale de la loge parotidienne en C2 (2e vertèbre cervicale)
1. muscle buccinateur; 2. canal de Sténon; 3. corps adipeux de la joue; 4. ramus mandibulaire; 5. muscle masséter; 6. prolongement jugal ou masséterin de la glande parotide; 7. veine communicante intra-parotidienne; 8. nerf facial divisé; 9. muscle sterno-cléido-mastoïdien; 10. ventre postérieur du muscle digastrique; 11. muscle stylo-hyoïdien; 12. veine jugulaire interne; 13. artère carotide interne; 14. muscle stylo-pharyngien; 15. muscle stylo-glosse; 16. muscle ptérygoïdien médial; 17. muscle constricteur supérieur du pharynx; 18. tonsille

2. Le contenu de la loge parotidienne

La glande parotide épouse les parois de sa loge. Elle donne plusieurs prolongements qui paraissent parfois isolés de la glande principale. Elle émet un prolongement latéro-masséterin d’où sort le conduit excréteur principal ; le prolongement rétro-ptérygoïdien pharyngien entre en rapport avec la région para-tonsillaire.

Le conduit parotidien  excréteur ou canal de Sténon nait du bord antérieur de la glande par 1 ou 2 racines d’abord, horizontal sur la face latérale du muscle masséter. Il se réfléchit au bord antérieur du muscle et du corps adipeux de la joue, perforant le muscle buccinateur. Il s’ouvre dans le vestibule supérieur de la cavité orale en regard du collet de la 1ère ou 2ème molaire supérieure par un ostium biseauté qui peut être cathétérisé (sialographie, sialendoscopie).

Le nerf facial (VIIème paire crânienne) apparaît au foramen stylo-mastoïdien, haut situé sous la base du crâne, pénétrant la loge par sa paroi postérieure. Il se dirige en bas et en avant suivant le bord supérieur (ou antérieur) du ventre postérieur du muscle digastrique. Il devient rapidement intra-glandulaire, donnant classiquement deux branches supérieure et inférieure. L’ensemble des branches nerveuses restent en dehors des éléments artério-veineux glandulaires et réalise un réseau anastomotique à claire-voie, clivant la glande en deux parties exo et endo-faciale. Le nerf facial avec toutes ses branches de division doit être disséqué et préservé anatomiquement et fonctionnellement au cours de la parotidectomie.

La veine jugulaire externe nait dans la glande parotide, à la face médiale du plexus nerveux facial de la réunion de la veine temporale superficielle et de la veine maxillaire. L’artère carotide externe pénètre la loge 2 cm au-dessus de la bandelette mandibulaire, chemine obliquement en haut et en dedans, à la face postéro-médiale de la glande. Elle se bifurque en artère temporale superficielle verticale et artère maxillaire plus horizontale. Elle est enveloppée d’un plexus nerveux sympathique très dense. Les vaisseaux sanguins parotidiens sont accompagnés de vaisseaux lymphatiques nombreux, associés à des nÅ“uds lymphatiques intra-parotidiens. La glande parotide possède un territoire lymphatique important : cuir chevelu, face, oreille externe et moyenne, cavité nasale.

L’innervation sécrétoire (figure 2) dépend d’une commande sympathique et parasympathique : les fibres parasympathiques pré-ganglionnaires naissent du noyau salivaire inférieur (plancher du IVème ventricule cérébral). Elles empruntent le trajet du nerf glosso-pharyngien, gagnent le plexus tympanique puis le nerf petit pétreux qui sort du crâne par le foramen ovale. Elles rejoignent le ganglion otique, annexé au nerf mandibulaire V3. Les fibres parasympathiques post-glanglionnaires sortent du ganglion otique, empruntent le nerf auriculo-temporal et innervent la glande.

Les fibres sympathiques pré-ganglionnaires naissent de la corne inter-médio-latéralis de la moelle (TH1 è TH3) ; elles gagnent la chaine sympathique au ganglion cervical supérieur. Les fibres post-ganglionnaires suivent l’artère carotide externe et ses artérioles destinées à la glande. La ligature chirurgicale de l’artère carotide externe prive la glande de son innervation sympathique donnant la prédominance à l’innervation parasympathique excrétrice.

Figure 2 : Innervation parasympathique de la glande parotide
NSI : noyau salivaire inférieure
IN : nerf glosso-pharyngien
V3 : nerf mandibulaire du nerf trijumeau
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