2 . 6  -  Propriétés des CVI traditionnels

2 . 6 . 1  -  Adhésion intrinsèque à la dentine et à l'émail

Un adhésif n'est pas nécessaire. En effet, les CVI collent à la dent principalement grâce à une composante physico-chimique.
On pense que l’adhésion se fait par interaction de type ionique entre les charges négatives des polyacides de la matrice et les charges positives de l'hydroxyapatite ( ions calcium à la surface de la dent). Il se forme une zone intermédiaire de diffusion ionique (double échange): l'acide Polyacrylique est adsorbé à la surface et des groupements Phosphate sont déplacés de l'hydroxyapatite vers cette zone.

  • Traitement de surface préalable

Même si les CVI possèdent une adhésion intrinsèque à la dent, il est possible (et donc conseillé) d’optimiser cette adhésion en prétraitant les surfaces dentaires à l’aide d’une solution d’Acide Polyacrylique (PA) à 10 ou à 20 % pendant 15 sec, de rincer abondamment pendant 15 sec puis de sécher modérément.
Ce traitement a pour effet sur la dentine :          
• d’éliminer la boue dentinaire mais pas les bouchons dentinaires,          
• de réaliser une légère déminéralisation de la dentine intertubulaire,          
• de laisser une couche d’acide polyacrylique adsorbée en partie sur la surface dentinaire, ce qui améliorera le mouillage du CVI sur la dentine.

Au niveau de l’émail, ce traitement de surface entraînera une légère déminéralisation superficielle et améliorera aussi le mouillage du CVI sur l’émail.

  • Valeurs d'adhérence           

Le tableau 2 donne des valeurs indicatives de l’adhérence des CVI traditionnels aux tissus dentaires calcifiés avec ou sans traitement de surface préalable à l’acide polyacrylique (AP).

Tableau 2 : Valeurs d’adhérence à l’émail et à la dentine
        Email            Dentine     
Sans AP      3-6 MPa       2-4 MPa
Avec AP      6-7 MPa       4-6 MPa

La faiblesse des valeurs d’adhérence obtenues (en cisaillement ou en traction) est un résultat inattendu étant donné la qualité de l’adhésion physico-chimique permise par les CVI. Cela s’explique par les ruptures cohésives dans le CVI lors des tests mécaniques. Ainsi, la faiblesse des valeurs d’adhérence caractérise davantage les faibles propriétés de cohésion des CVI que leur potentiel d’adhésion aux tissus dentaires.

2 . 6 . 2  -  Etanchéité

C’est une propriété fondamentale des matériaux de restauration coronaire. Nous distinguerons l’étanchéité immédiate (lors de la mise en œuvre) de l’étanchéité médiate ou retardée (lorsque le matériau est soumis aux sollicitations physiques, mécaniques ou chimiques de la cavité buccale).

  • L’étanchéité immédiate

Elle dépend :
de l’adhésion: un matériau qui adhère fortement à la dent a de bonnes chances d’être étanche. De ce point de vue, les CVI présentent un avantage certain.

des variations dimensionnelles: si le matériau se rétracte pendant sa prise, les contraintes issues de ce retrait peuvent se transmettre à l’interface entraînant ainsi une perte d’étanchéité (Cf les composites).
Les CVI, comme tous les polymères, se rétractent pendant leur prise. Mais la rétraction, évaluée entre 3% et 5% n’entraîne que peu de contraintes. En effet, il est intéressant de noter une différence importante avec les composites photopolymérisables: les composites sont rigides et polymérisent très rapidement (20 sec) et le retrait en résultant (même s’il est plus faible que celui des CVI) induit des contraintes à l’interface à l’origine de pertes d’étanchéité.Pour les CVI, d’une part leur prise s’étale sur plusieurs heures et d’autre part leur rigidité est beaucoup plus faible : c’est pourquoi les contraintes résultant du retrait pourront se dissiper dans le matériau, grâce à la viscoélasticité du CVI non totalement pris. Ces contraintes ne vont donc pas se transmettre totalement à l’interface, ce qui est très favorable pour la qualité de l’étanchéité.

de la mise en œuvre proprement dite . Il faut savoir que le sel de polyacrylate de Ca2+ est très vulnérable à l’humidité. L’eau provenant de la cavité buccale peut hydrolyser ce sel, c’est à dire lui faire perdre sa cohésion (il se décompose). Le CVI, à ce stade, est aussi très sensible à la déshydratation. Cette “balance d’eau” est le problème le plus important posé par les CVI traditionnel qui explique que les praticiens les utilisent de moins en moins.La protection des ciments fraîchement pris se fait donc théoriquement à l’aide d’un vernis, mieux encore à l’aide d’une résine non chargée photopolymérisable. Notons que la présence d’humidité ou une exposition à l’air entraîne d’autres effets négatifs, en plus d’une étanchéité dégradée.                                    

                    - Action de l’humidité

Un CVI traditionnel qui prend à l’humidité présente : 
• une diminution significative des propriétés mécaniques, 
• une diminution de la translucidité (aspect crayeux),
• une augmentation de la tendance à fixer les colorants.  
                               
                    - Action de la déshydratation
La déshydratation du CVI pendant la prise initiale provoque une contraction importante qui entraîne l’apparition de microfissures au sein du matériau . Le CVI devient encore plus fragile. C’est pourquoi, il ne faut pas laisser à l’air le CVI et à fortiori le sécher.

Au total, l’étanchéité immédiate est bonne si le CVI est manipulé correctement.

  • L’étanchéité médiate ou retardée

Elle dépend :
du coefficient de dilatation thermique: si le matériau et la dent ont des coefficients de dilatation thermique éloignés, une rupture à l’interface est possible. Dans la cavité buccale, il existe en effet des variations de températures importantes entre par exemple, la glace (5°C) et le café (55°C). Si l’on colle sur la dent un matériau qui se dilate thermiquement beaucoup plus que cette dernière, il en résulte un choc thermique à l’interface et donc une perte d’étanchéité.
Le coefficient de dilatométrie thermique des CVI est de l’ordre de 11.10-6 /°C. Il est donc très comparable à celui des tissus dentaires (Email 11.10-6 /°C, Dentine 8.10-6 /°C). C’est donc un élément favorable pour le CVI.

de leur solubilité dans l'eau et dans les acides : les verres ionomères totalement gélifiés (après 48 heures) résistent bien à l’hydrolyse hydrique et à celle liée aux acides faibles rencontrés en bouche.

de leur résistance à l’usure : le problème ne se pose pas (en principe) en dentisterie restauratrice ni en prothèse car les CVI traditionnels ne sont pas indiqués dans les zones où il existe des impacts occlusaux directs. Cependant s’il existe des contraintes, des fissures apparaîtront dans le matériau. Ces fissures internes, lorsqu’elles sont petites, peuvent (in vitro) se réparer en particulier quand le CVI est exposé à l'eau à un moment approprié.

Au total, l’étanchéité médiate est bonne si le CVI a été manipulé et indiqué correctement. 

4/11