4  -  Le lactose

  • Structure

Le lactose est un dissacharide de poids moléculaire 342d, formé d’une molécule de galactose liée en beta-1-4 à une molécule de glucose. C’est un sucre réducteur, plus soluble dans l’eau froide. Il n’est retrouvé que dans le lait des mammifères et constitue donc le seul sucre qu’ingère le nourrisson chez lequel il apporte environ 40 % de l’énergie. Il est synthétisé dans la glande mammaire par la lactose synthétase dont l’alpha-lactalbumine du lait est un cofacteur. Le lait de femme en contient 55 à 60 g/l alors que le lait de vache n’en contient que 45 g/l. Au sein des espèces de mammifères, il existe une relation inverse entre la teneur des laits en lactose et en chlorure de sodium, l’osmolarité des laits étant constante dans les diverses espèces.

  • Digestion

Le lactose est digéré par la lactase de la bordure en brosse des entérocytes qui est le facteur limitant de l’absorption du lactose. L’activité lactasique, maximum à la naissance, chute au sevrage chez tous les mammifères chez lesquels une activité résiduelle de 10 % de l’activité à la naissance persiste à l’âge adulte. Il en est ainsi dans la plus grande partie de l‘espèce humaine, sauf chez les Caucasiens et les descendants de tribus pastorales chez lesquels l’activité lactasique persiste à l’âge adulte. On admet que la mutation ayant conduit à la persistance de l’activité lactasique à l’âge adulte s’est produite il y a 10 000 ans environ et qu’elle a dû constituer un avantage sélectif important pour s’être répandue aussi rapidement.

En dépit du fait que l’activité lactasique est la plus élevée dans les premières semaines de la vie, une partie du lactose ingéré par le nourrisson au sein atteint le colon où il est fermenté par des bactéries anaérobies strictes (bifidobactéries). La libération dans la lumière intestinale d’acides volatils courts et surtout d’acide lactique, permet l’installation d’un pH acide voisin de 5 dont on admet qu’il protège l’enfant de la colonisation par des entérobactéries qui pourraient être pathogènes. Pour une raison que l’on s’explique mal, l’ingestion de quantités analogues de lactose dans des laits industriels n’entraînent pas l’établissement d’un pH aussi acide, protecteur.

Chez l’adulte la part de l’énergie apportée par le lactose est très variable : de nulle à 10-15 % de l’énergie fournie par les hydrates de carbone, selon les habitudes alimentaires et la tolérance au lactose, dépendante en grande partie de l’évolution de l’activité lactasique en fonction de l’âge. En Amérique du nord, dans l’Europe du nord, 80 à 90 % de la population adulte a une activité lactasique élevée, ne mettant pas de limite à la consommation de lait ou de laitage. En France, il semblerait que la tolérance au lactose soit plus élevée au nord qu’au sud de la Loire.

L’intolérance au lactose se manifeste cliniquement par des douleurs abdominales, un ballonnement, une diarrhée volontiers acide, qui témoignent de la fermentation colique du lactose non absorbé. L’intensité des troubles dépend, bien entendu, de la quantité de lactose ingérée et de la forme sous laquelle il l’est, le lactose donné pur étant moins bien toléré que dans le lait dont les lipides ralentissent l’évacuation gastrique. La malabsorption du lactose peut être appréciée par une courbe d’hyperglycémie au lactose, la mise en évidence du pH acide des selles après une charge orale et surtout par la mesure de la concentration d’hydrogène dans l’air expiré après l’ingestion d’une quantité donnée de lactose (habituellement 50 g chez l’adulte). Le lactose non hydrolysé est fermenté dans le colon où les bactéries fabriquent de l’hydrogène qui diffuse à travers la paroi colique, puis dans la circulation et l’air alvéolaire. L’hydrogène présent dans l’air expiré ne pouvant provenir que du métabolisme bactérien, témoigne de la fermentation. La concentration d’hydrogène, mesurée par chromatographie en phase gazeuse (appareils portables), est habituellement inférieure à 20 ppm. On admet que l’augmentation de la concentration au-dessus de ce seuil, dans l’heure qui suit l’ingestion du lactose, témoigne de « l’intolérance ». Le test est simple, mais il dépend d’une flore colique normale (pas d’antibiotique donné dans les jours qui précèdent) et n’est que semi-quantitatif. Il a cependant l’avantage de n’être pas invasif.

  • Lactose hydrolysé et laits fermentés (yaourts)

Une proportion importante de la population adulte mondiale et notamment les pays en voie de développement, est intolérante au lactose. D’autre part, l’activité lactasique est la première et la plus longtemps diminuée en cas de lésions infectieuses intestinales telles que celles que favorise la mal-nutrition chronique. Dans de telles situations, qui touchent souvent les mêmes populations, la question a été posée de savoir s’il était justifié de tenter une réalimentation ou de fournir des suppléments alimentaires avec des produits comme le lait, contenant du lactose. Des laits au lactose préalablement hydrolysé, soit au moment de la fabrication, soit juste avant sa consommation par l’ajout d’une enzyme bactérienne, ont été mis au point par les industriels. Ils se sont avérés efficaces chez les sujets dont l’activité lactasique est basse : à quantité d’hydrate de carbone égale, ils entraînent moins de symptômes, ne s’accompagnent pas d’une augmentation de la concentration d’hydrogène expiré et permettent une ingestion de quantités supérieures de lait. Cependant, leur goût est moins bon, ils pourraient s’accompagner d’une diminution de l’absorption du calcium que le lactose favorise et leur osmolarité est de plus de 100 mosmol supérieure à celle d’un lait normal, ce qui est un inconvénient chez un sujet, et en particulier un nourrisson, ayant la diarrhée. D’autre part, on a redouté que l’ingestion de quantités notables de galactose, tel quel, entraîne des cataractes du fait de l’accumulation du galactitol dans le cristallin comme cela a été démontré chez le rat. Ce risque néanmoins ne semble pas réel chez l’homme. Chez l’enfant malnutri, il semble qu’un lait contenant du lactose hydrolysé permette une reprise de poids, au décours d’un épisode diarrhéique, plus rapide qu’un lait habituel. Peu d’études comparatives cependant ont été menées sur ce sujet et jusqu’à présent, l’utilisation de laits contenant du lactose hydrolysé ne s’est guère répandue, compte tenu, en particulier de leurs coûts.

De nombreuses études par contre, ont montré qu’à quantités égales de laitages ingérés, le yaourt était beaucoup mieux toléré que le lait par le sujet intolérant au lactose, la fermentation induite par la flore des yaourts (Lactobacillus bulgaricus, Streptococcus thermophilus) diminuant d’environ 30 % la teneur en lactose du lait. Il est plus remarquable cependant qu’à quantité de lactose ingérée équivalente, le lactose du yaourt soit aussi mieux toléré que celui du lait (tolérance appréciée par le test à l’hydrogène). Cette meilleure tolérance serait due au moins en partie à la persistance de l’activité lactasique bactérienne ou à la survie de l’espèce bactérienne elle-même dans le tube digestif au cours du transit, ce qui expliquerait que le chauffage du yaourt fasse disparaître son avantage.

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