2 . 2 . 2  -  Les analyses microbiologiques

Ces analyses doivent être orientées :

Par les signes cliniques pour la recherche de l'agent responsable :
dans le cas d'une orientation vers une bactérie ayant une action invasive, la recherche portera en priorité sur Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia ;

  • dans le cas d'une suspicion de C. perfringens , il ne suffit pas d'identifier une présence importante de germes anaérobies sulfito-réducteurs, mais il faut également compléter l'identification de ces bactéries ;
  • dans le cas d'une orientation vers une bactérie ayant une action toxinogène, les analyses doivent être plutôt orientés vers la recherche de la toxine, en pratique réalisée dans le cadre de C. botulinum.


Par les résultats de l'enquête épidémiologique pour cibler les recherches sur les aliments ayant la plus forte probabilité d'être responsables.
Cette recherche est effectuée :

  • dans la source supposée de la contamination : Il faut savoir que les établissements de restauration collective ont l'obligation réglementaire de conserver un « repas témoin » des aliments servis dans les 3 jours précédents. Des prélèvements des aliments suspectés sont réalisés pour études microbiologiques et toxicologiques. Des prélèvements complémentaires sont effectués à différents points de la chaîne alimentaire par les services de contrôle et analysés par les laboratoires officiels. C'est une information importante de l'enquête, car elle autorisera la mise en place des mesures préventives et éventuellement juridiques (indemnisations des victimes, sanctions...). Elle exige diligence (avant la disparition éventuelle de la source) et compétence : les prélèvements doivent être d'emblée parfaitement utilisables techniquement dans les principales hypothèses causales et exploitables ultérieurement (échantillonnage raisonnablement « représentatif »). Quelques échantillons seront conservés à +4°C en vue de recherches complémentaires.
  • chez les sujets atteints :
    • mise en évidence d'une toxine, d'un germe infectieux, d'une réaction spécifique dans les prélèvements :
    • de selles, de vomissements, à la recherche de bactéries (salmonelles, shigelles, Campylobacter...) de virus et toxines...,
    • de sang pour hémoculture et recherche de toxine.

2 . 2 . 3  -  Étude de la chaîne alimentaire

Enquête sanitaire

L'étude de la chaîne alimentaire doit être conduite en ayant à l'esprit les rôles potentiels de l'aliment dans l'origine de la contamination ou de la multiplication bactérienne.

  • Rôle passif : l'aliment n'est qu'un simple véhicule de micro-organismes pathogènes (Brucella, Listeria , parasitoses...).
  • Rôle actif : l'aliment est le siège soit d'une multiplication de souches pathogènes, soit d'une production de toxines. Certains facteurs favorisent ces phénomènes :
    • le temps : le risque augmente avec le délai entre la cuisson et la consommation de l'aliment ;
    • la température : tous les micro-organismes n'ont pas la même température de croissance, mais la plupart d'entre ­eux possèdent un pouvoir important de multiplication entre 20 et 60°C (les refroidissements trop lents ou les conservations à température ambiante seront donc néfastes). Au-dessous de 0°C, il n'y a pas destruction mais simple stabilisation des micro-organismes ;
    • l'anaérobiose : les conserves, les préparations semi-liquides (plats en sauce) favorisent le développement des germes anaérobies si leurs spores n'ont pas été détruites lors de la cuisson.


Les aliments et boissons suspects sont analysés :

  • les aliments d'origine animale et les préparations de restaurant sont analysés par le laboratoire et la Direction des Services Vétérinaires (DSV) ;
  • les aliments d'origine non animale, par la Direction de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DCCRF) ;
  • les eaux, par le Service d'Hygiène du Milieu.


Les différentes étapes de la chaîne alimentaire doivent être examinées pour les aliments suspects afin d'identifier les erreurs :

  • matières premières (aliments avariés ou contaminés) ;
  • stockage ;
  • préparation (faute d'hygiène);
  • type de liaison chaude ou froide ;
  • délai entre préparation et consommation.


Chaîne de production et de transport des matières premières : la provenance, le conditionnement, la distribution et le stockage des matières premières seront soigneusement étudiés.

Préparation et conservation des aliments : les locaux où sont préparés et conservés les aliments font l'objet d'une visite spécialisée. Une attention particulière est apportée à leur état d'entretien et de propreté, notamment concernant les installations sanitaires, le traitement de la vaisselle et les déchets. Les personnels de cantine feront l'objet de contrôles quant à leur état de santé, leur comportement, leur formation. Des prélèvements peuvent être demandés à la recherche d'un porteur sain de staphylocoques ou de salmonelles. Les aliments feront l'objet d'une investigation, portant notamment sur les modalités de préparation, de conservation et de distribution des repas.

2 . 2 . 4  -  Déterminer les actions à mener

Cette enquête doit conduire à proposer des actions de prévention adaptées, soit de correction des erreurs identifiées sur la chaîne alimentaire, soit de retrait d'un aliment contaminé commercialisé.

Elle peut déboucher sur des dispositions juridiques : indemnisation des victimes, sanctions.

Les actions à entreprendre sont de deux types : des actions immédiates destinées à contrôler le(s) foyer(s) de TIAC et des actions à visée préventive. Elles nécessitent une collaboration étroite entre les médecins traitants, la DDASS, la DSV, l'établissement en cause, voire les médias.

Dans le cas d'une TIAC survenue dans un établissement de restauration collective :

  • mesures immédiates : elles consistent à consigner toutes les denrées suspectes, à déplacer un porteur de germe éventuel, voire à suspendre les activités de restauration de l'établissement en cause jusqu'aux conclusions de l'enquête ;
  • mesures préventives : elles comportent la correction des défaillances identifiées au niveau de la chaîne alimentaire (pouvant conduire à des modifications importantes au niveau des structures ou des conditions de commercialisation de certains produits) ; le rappel des règles d'hygiène générale (désinfection des locaux des poulaillers, hygiène des personnels) ; la remise en état des locaux, la destruction des élevages infectés ; des actions de formation des personnels de restauration. On conseille l'utilisation de mayonnaises industrielles, les coulis d'œufs pasteurisés et les poudres d'œufs.


Dans le cas d'une TIAC par un produit commercialisé ou d'origine hydrique : les conclusions de l'enquête épidémiologique vont permettre d'évaluer les risques pour la collectivité et conduire éventuellement à retirer le produit en cause des circuits commerciaux ou à circonscrire la source d'approvisionnement en eau de boisson ou de balnéation, renforcement de la surveillance des aliments et des eaux.
S'il y a urgence et que les procédures précitées risquent de ne pas être rapidement efficaces, on procédera à une information contrôlée du public par les médias adéquats.

Enfin, en milieu familial, il faut rappeler les risques liés à la consommation d'œufs crus ou peu cuits.

2 . 2 . 5  -  Rédiger un rapport

L'enquête concernant une TIAC doit toujours faire l'objet d'un rapport écrit détaillé.

L'analyse et la diffusion de ce rapport permettront :

  • d'informer les professionnels de santé et du secteur agroalimentaire d'autres régions de la survenue possible de tels épisodes et de conduire, le cas échéant, à des mesures préventives ;
  • de mieux connaître l'épidémiologie des TIAC et ainsi d'adapter, si nécessaire, la réglementation en vigueur pour leur contrôle et leur prévention ;
  • de faire progresser la connaissance scientifique sur l'étiologie, l'épidémiologie, l'expression clinique des toxi-infections microbiennes.

2 . 2 . 6  -  Prophylaxie

2 . 2 . 6 . 1  -  Règles d'hygiène

Elles comportent :

  • une hygiène correcte sur les lieux d'abattage, de pêche, de récolte, puis lors des transports,
  • le strict respect de l'hygiène des cuisines et des pratiques de restauration.


Ces règles d'hygiène ont pour but d'éviter la contamination des denrées et la prolifération microbienne tout au long de la chaîne alimentaire depuis la livraison jusqu'à la consommation (arrêté du 26 juin 1974, réglementant les conditions d'hygiène relatives à la préparation, la conservation, la distribution et la vente des plats cuisinés à l'avance).

Le respect des circuits concerne la séparation de secteurs propres et souillés, les circuits d'élimination des déchets, l'hygiène des locaux et des matériels. Pour les denrées comme pour le personnel, le circuit est organisé de façon à passer du secteur souillé au secteur propre sans possibilité de retour en arrière, ni de croisement entre le propre et le sale (principe de la « marche en avant »).

En situation de restauration différée, les micro-organismes prolifèrent et sécrètent leurs toxines avec un maximum de risque dans une zone de température comprise entre +10°C et +65°C.

2 . 2 . 6 . 2  -  Transferts de préparations culinaires

On distingue trois types de transferts de préparations culinaires au lieu de consommation :

  • la liaison chaude : le plat mis en récipient à température élevée sera transporté à une température > à 65°C ;
  • la liaison froide : le plat est réfrigéré rapidement et doit atteindre une température de +10°C à cœur en moins de 2 heures,
    • il sera stocké éventuellement en chambre froide entre 0°C et +3°C (5 jours au maximum),
    • le transfert se fait à une température entre 0°C et +3°C et la remise en température à 65 oC au minimum de 1 heure ;
  • la liaison surgelée avec refroidissement rapide à au moins –18 oC permet une conservation prolongée.


Dans les trois cas, le transport se fait en engin isotherme et récipients fermés.

2 . 2 . 6 . 3  -  Éducation, surveillance, contrôles

L'éducation sanitaire du personnel de la chaîne alimentaire (restauration, cuisine, cantine, etc.) doit porter sur :

  • la tenue,
  • l'hygiène corporelle,
  • l'hygiène générale.


Une surveillance médicale de ces personnels doit être prévue et comporte l'éviction, la prise en charge et le traitement des sujets présentant une infection cutanée, rhino ou oropharyngée ou digestive.
La prévention des toxi-infections alimentaires collectives par la recherche systématique de porteurs de staphylocoques parmi les personnels de l'industrie alimentaire (arrêté du 22 décembre 1966) est onéreuse et peu rentable. Elle devrait être remplacée par un effort d'éducation du personnel et la stricte application des règles d'hygiène professionnelle (hygiène des mains, des tenues, des locaux...).

Des contrôles systématiquement par analyse microbiologique des aliments servis en restauration collective sont prévus.

2 . 2 . 6 . 4  -  Services concernés

Directions départementales des affaires sanitaires et sociales :

  • dans chaque DDASS, le médecin inspecteur de la santé enregistre les déclarations de TIAC et contribue aux enquêtes et interventions nécessaires ;
  • de même, les services d'hygiène du milieu contribuent aux actions de prévention dans le domaine de l'hygiène alimentaire.


Directions des services vétérinaires :

  • les DSV ont la responsabilité de la surveillance des produits alimentaires d'origine animale ;
  • ils assurent le contrôle des établissements de restauration collective, en liaison avec les DDASS ;
  • ils disposent de laboratoires spécialisés.


Directions de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DCCRF) :

  • elles sont responsables de la surveillance des produits alimentaires d'origine non animale ;
  • elles disposent également de laboratoires spécialisés.


Réseau National de la Santé Publique :

  • il contribue au niveau opérationnel aux investigations épidémiologiques et coordonne les interventions nécessaires ;
  • il développe et coordonne au niveau national la surveillance, la recherche épidémiologique, en tant que structure ressource et experte dans le domaine de la veille épidémiologique.


La création d'une « Agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires » sous statut d'établissement public autour du Centre national d'études vétérinaires et agricoles (CNEVA), est une des dispositions – par ailleurs très contestée à la date de rédaction de ce chapitre – relative à l'organisation de la sécurité et de la veille sanitaire en France. Sous triple tutelle de la Santé, de l'Agriculture et de la Finance, l'Agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires aurait compétence sur l'aliment depuis la production des matières premières jusqu'à la distribution au consommateur, incluant l'eau destinée à la consommation de l'homme. Elle aurait aussi en charge des produits tels que les aliments pour animaux, ainsi que les médicaments vétérinaires. L'agence ne serait pas un simple instrument d'évaluation et de conseil, mais participerait à la gestion des risques, en particulier avec une prérogative de coordination et d'évaluation des autres services de contrôle.

Conclusion

La diffusion de plus en plus large de la restauration collective et le développement de l'industrie agro-alimentaire s'accompagnent d'un risque de plus en plus élevé de TIAC. L'investigation épidémiologique de tels foyers devient donc un outil indispensable pour les professionnels et les décideurs de santé afin de mieux connaître, et donc de mieux traiter et prévenir ce problème de santé publique.

4/4