1  -  Description

Les infections transmises à l'homme par les aliments (salmonellose, listériose, campylobactériose, yersiniose, toxoplasmose, infections virales) persistent dans les pays industrialisés. L'importance de leur maîtrise est justifiée d'une part par le coût des manifestations aiguës et, d'autre part, par celui de la prise en charge des pathologies secondaires ou réactionnelles. Leur fréquence reste élevée malgré les mesures de surveillance et de prévention prises au niveau de la production, distribution et conservation des aliments. La contamination de ces aliments peut être le fait de la matière première (animale ou végétale), d'une contamination par l'environnement, l'homme ou un autre aliment (contamination croisée).

Elles peuvent se manifester sous forme d'épidémies difficiles à contrôler, et figurer au rang des maladies émergentes. Les actuelles endémies et flambées épidémiques d'origine alimentaire sont un exemple de l'évolution des technologies. Elles ont en commun : le rôle de l'industrialisation, l'ampleur des réseaux de distribution modernes souvent internationaux, le caractère non prévu d'une faille survenant à un de ces niveaux ou à celui de la consommation, la vaste dissémination des cas et l'absence ou la rareté des contaminations interhumaines sauf dans les crèches. On peut citer les épidémies surtout américaines de diarrhées hémorragiques dues au colibacille bovin 0157 : H7, les listérioses et les salmonelloses, qui proviennent toutes trois d'un réservoir animal.

L'investigation épidémiologique et microbiologique des infections alimentaires met en évidence que certains aliments sont associés à une contamination plus fréquente que d'autres, et par conséquent avec un risque accru de survenue de pathologie. Ces aliments dits « à risque » sont ceux à base de produits crus (lait cru, dérivés et fromages au lait cru) ou consommés crus (fruits de mer, œuf cru, mayonnaise, « mousse au chocolat ») ou peu cuits (viande peu cuite). Le risque de maladie et surtout sa gravité est par ailleurs augmenté chez les personnes aux moyens de défense altérés vis-à-vis des processus infectieux, qu'il s'agisse de la personne âgée ou du sujet immuno-incompétent (atteint d'immunodépression, pathologie maligne, cirrhose) ou encore en situation d'hospitalisation en long séjour. La définition de stratégies de prévention de leur transmission est nécessaire devant le coût humain et financier qu'elles représentent, en particulier dans les populations très exposées ou à haut risque. Le lien avec la consommation d'aliments dits « à risque » a surtout été documenté à toxi-infections ou d'infections collectives d'origine alimentaire ou hydrique.

A l'aube de l'an 2000, au risque de maladies infectieuses d'origine alimentaire, s'ajoute le risque théorique d'encéphalopathie spongiforme. Bien qu'aucun lien n'ait pu être établi formellement entre la maladie de Creutzfeldt-Jakob et l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine, la survenue à la date de novembre 1997 de 23 cas de variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au Royaume-Uni et d'un cas en France fait craindre une relation entre la consommation de produits bovins contaminés et cette maladie chez l'homme.

Le contrôle de ces infections reste un objectif prioritaire en terme de sécurité alimentaire.

Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont fréquentes et parfois graves. Elles représentent un véritable problème de santé publique et sont, de ce fait, incluses parmi les maladies transmissibles à déclaration obligatoire. Un foyer de TIAC est défini par l'apparition d'au moins deux cas d'une symptomatologie, en général digestive, dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire. La surveillance, le contrôle et la prévention des TIAC nécessitent une collaboration étroite entre les médecins, les vétérinaires, les épidémiologistes et les professionnels de la restauration collective et du secteur agro-alimentaire.

1 . 1  -  Épidémiologie

Le terme de toxi-infection alimentaire, ancien, est consacré par l'usage. Il constitue un vaste cadre nosologique comprenant des infections pures (envahissement muqueux), des intoxications pures, des maladies associant envahissement et toxinogenèse.

1 . 1 . 1  -  Fréquence

Les TIAC sont très fréquentes, y compris dans les pays à haut niveau de vie économique. Elles sont en rapport avec la consommation d'aliments contaminés par certaines bactéries ou leurs toxines.

Elles peuvent survenir en milieu collectif ou familial.

Les collectivités habituellement concernées sont les crèches, les hôpitaux et les restaurants de collectivités.

En France, en 1991, 647 foyers ont été déclarés, comportant 9000 malades ; et en 1992, 732 foyers comportant 12020 malades. 6189 cas ont été rapportés entre décembre 1994 et mars 1995 en situation épidémique, à la suite de la mise en place d'un réseau sentinelle.

Les trois micro-organismes principalement en cause sont successivement : Salmonella spp. (enteritidis et typhimurium), Staphylococcus aureus et Clostridium perfringens. Par ailleurs, Escherichia coli 0157 H 7 a pu être la cause d'épidémies, comme au sein de l'espèce Salmonella, les sérotypes Salmonella para typhi B et Salmonella Virchow, responsables de phénomènes épidémiques à la fin de l'été 1993.

Les TIAC en milieu familial sont dues à S. enterica enteritidis et génèrent relativement peu de malades. En milieu scolaire, elles sont dues principalement à C. perfringens et S. aureus et touchent un nombre de personnes très important.

1 . 1 . 2  -  Gravité

La gravité des cas est estimée à partir du taux d'hospitalisation des malades qui est globalement de 10 %, et du taux de mortalité, d'environ 0,5 ‰ malades.

Dans la population définie à haut risque individuel (cf. supra), la mortalité due aux épisodes diarrhéiques est de 11 % pour les sujets d'âge inférieur à 5 ans, de 27 % entre 55 et 74 ans, de 50 % au-delà de 75 ans.

1 . 1 . 3  -  Sources et voies de transmission

Les TIAC survenues en restauration collective représentent 70 % des foyers, dont un tiers en milieu scolaire.

Un aliment est suspecté ou confirmé dans 80 % des foyers. Les viandes et notamment les volailles, ainsi que les aliments préparés à base d'œufs sont les principaux véhicules des germes des TIAC.

Le non-respect de la chaîne du froid, les erreurs dans le processus de préparation des aliments et un délai trop important entre la préparation et la consommation représentent les principaux facteurs favorisant la survenue d'une TIAC.

Bien que la surveillance épidémiologique des TIAC se soit améliorée, il faut savoir que les informations épidémiologiques disponibles sont probablement sous-estimées et partiellement biaisées en raison d'une insuffisance de déclaration des foyers de TIAC.

1 . 2  -  Physiopathologie

Trois mécanismes principaux sont responsables de l'activité pathogène des agents responsables des TIAC :

  • Action invasive par colonisation ou ulcération de la muqueuse intestinale avec inflammation. La localisation est habituellement iléo-colique et la destruction villositaire importante. Les selles sont alors glaireuses, riches en polynucléaires, parfois sanglantes.
  • Action cytotoxique avec production d'une toxine protéique entraînant une destruction cellulaire.
  • Action entérotoxinogène, entraînant une stimulation de la sécrétion. La toxine, libérée par certaines bactéries au sein même de l'aliment, est responsable du tableau clinique : la multiplication bactérienne intra-intestinale étant soit absente soit tout à fait secondaire.


Il n'y a pas de destruction cellulaire ou villositaire. La diarrhée est aqueuse, il n'y a pas de leucocytes, ni de sang dans les selles. La fièvre est absente ou modérée. Le risque de déshydratation aiguë est important. La diarrhée cesse en 3 à 5 jours, dès que la population entérocytaire s'est régénérée ou a retrouvé une fonction normale.

Il est important d'avoir une vue d'ensemble sur les différents agents susceptibles de provoquer une TIAC, leur réservoir et leur mécanisme de pathogénicité (ou aspects physiopathologiques) (tableau I).

Tableau I : Principales causes de gastro-entérites et toxi-infections alimentaires
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