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L'investigation d'un foyer de Toxi-Infection Alimentaire Collective (TIAC) est une mesure de surveillance qui, en identifiant l'origine de la contamination et les facteurs ayant contribué à la multiplication microbienne, a pour but d'éviter toute extension du phénomène et de prévenir les récidives.
La survenue brutale de l'épisode, le regroupement des cas dans le temps et dans l'espace, la notion d'un repas commun entre les malades permettent facilement de confirmer qu'il s'agit d'un foyer de TIAC.
L'interrogatoire et l'examen de quelques malades orientent rapidement vers la forme clinique et la suspicion de l'agent responsable de la TIAC (tableaux I, II et III de la première partie) .
Afin de confirmer cette suspicion, des prélèvements sont effectués chez quelques malades (vomissures, selles). Ces prélèvements sont destinés à une recherche microbiologique de l'agent responsable de la TIAC. On aura pris soin de contacter le laboratoire afin de préciser les conditions de prélèvements et de transport des échantillons recueillis.
Les TIAC font partie de la liste des maladies à déclaration obligatoire. La déclaration se fait par l'intermédiaire d'une fiche spécifique qui doit être adressée au médecin de la DDASS du département. L'intervention de la DDASS en association avec la Direction des Services Vétérinaires peut être demandée téléphoniquement dès la suspicion d'un foyer. Cette demande présente un intérêt particulier lorsque les cas sont apparus dans une collectivité ou qu'il s'agit d'un produit commercialisé.
L'investigation d'une TIAC comporte trois volets :
Les grands principes de l'enquête épidémiologique sont les suivants :
A . La première étape doit permettre de recenser les malades (avec une définition opérationnelle précise mais simple), d'examiner leurs caractéristiques et leur distribution dans le temps et dans l'espace, et enfin d'émettre des hypothèses sur l'origine de la contamination (formuler des hypothèses portant sur la source et le mode de transmission de la souche épidémique, et la durée de l'exposition).
Chaque fois que cela est possible, notamment dans les collectivités fermées (écoles, maisons de retraite, ...), on s'efforcera de recenser la totalité des malades touchés par la TIAC. Ailleurs, afin de retrouver le maximum de cas, une enquête rapide (par téléphone, par exemple) doit être menée auprès des médecins, des écoles, des familles proches du ou des foyer(s) déclaré(s), en utilisant une définition simple, uniforme d'un cas de toxi-infection.
Le taux d'attaque global, ou taux d'incidence global de la toxi-infection au cours de l'épidémie est mesuré par le rapport du nombre de malades sur le nombre d'individus présents dans la collectivité où le foyer s'est déclaré. Au cours d'une TIAC, ce taux d'attaque est habituellement élevé. En fait, on ne peut estimer ce taux avec précision que si l'on connaît le nombre exact de personnes exposées au risque de contamination (collectivité fermée).
Il est utile de calculer des taux d'attaque spécifiques de l'âge, du sexe, du lieu de restauration ou de résidence.
Cette distribution est au mieux représentée sous la forme graphique d'une courbe épidémique (fig. 1). Chaque cas est reporté sur un graphique en fonction de l'heure d'apparition des premiers symptômes.
Avec ces informations, il est ainsi possible de localiser grossièrement dans le temps le repas suspect (tableau V) :
La distribution des cas et des taux d'attaque en fonction du lieu de restauration habituelle et sa représentation sur une carte permet de préciser si la TIAC est survenue dans un ou plusieurs foyers distincts. On peut habituellement relier ces foyers à une même source de contamination.
Au cours d'une TIAC, tous les consommateurs de l'(des) aliment(s) contaminé(s) sont susceptibles d'être malades. Cependant, on constate le plus souvent une distribution différente de la fréquence et/ou de la gravité des cas selon l'âge, le sexe, le terrain. Il est donc important de noter ces éléments pour chacun des cas et de calculer, si possible, les taux d'attaque spécifiques de l'âge et du sexe.
Puis, il est nécessaire d'obtenir les menus détaillés des trois repas entourant le moment présumé de la contamination. Plus la dispersion des cas est importante, plus la précision de l'estimation de la date du repas responsable diminue (fig.3) : il faudra alors prendre en compte un nombre de repas plus important. Par exemple, pour une TIAC présumée à staphylocoque, il suffit de s'intéresser au dernier repas, alors que pour une salmonelle, il faut prendre en compte les deux ou trois repas pris dans les 6 à 20 heures précédant l'incident. Les aliments consommés au cours de ces repas doivent être détaillés le plus possible en dissociant sources majeures, ou mineures voire « occultes » de contamination, par exemple la viande et la sauce qui l'accompagne.
B. La deuxième étape va consister à vérifier ces hypothèses en réalisant une enquête. La cause de l'épidémie peut être évidente et les prélèvements microbiologiques sont suffisants pour suspecter une origine causale et mettre en place des mesures efficaces de contrôle de l'épidémie. En supprimant la source de contamination, on observe une réduction ou une disparition des cas. L'investigation peut en rester là, si on manque de temps pour confirmer épidémiologiquement cette hypothèse. Dans d'autres cas, le mode de contamination reste peu clair, plusieurs hypothèses sont plausibles. Il s'agit le plus souvent de la suspicion d'un repas récent dont le processus de préparation ou de conservation a été défaillant. Pour tester ces hypothèses, on recherche les facteurs qui sont liés à l'apparition de l'infection par une enquête épidémiologique de type analytique (enquête de cohorte, enquête cas-témoin). En effet, il ne suffit pas de retrouver un aliment commun à tous les malades, encore faut-il s'assurer que ce même aliment est moins fréquemment consommé par les personnes non malades. Donc l'enquête repose sur un interrogatoire clinique et alimentaire de malades et de personnes non malades.
En fonction de la taille de la communauté et du temps disponible pour l'enquête, on interroge l'ensemble ou un échantillon de malades et l'ensemble ou un échantillon de non-malades. Si le nombre de malades est inférieur à 30, il est nécessaire de tous les interroger. Le questionnaire doit prendre en compte toute les hypothèses de contamination (dont les aliments qui auraient pu être pris en dehors des repas). On compare ensuite les deux groupes sur la fréquence d'exposition aux aliments étudiés dans l'enquête. Si le taux d'exposition à un aliment est statistiquement plus élevé chez les cas que chez les non-malades, cet aliment constitue la source présumée de la TIAC.
Si la TIAC est survenue dans une collectivité de petite taille, dans laquelle l'exhaustivité de la population est disponible, on peut entreprendre une étude de cohorte.
Cette cohorte est constituée de l'ensemble des individus de la collectivité. On interroge, à l'aide d'un questionnaire alimentaire, chacun des individus.
Pour chacun des repas ou pour chaque aliment suspect, on constitue ainsi deux groupes : les sujets qui ont consommé ce repas (ou cet aliment) – sujets exposés – et les sujets non exposés. Dans chaque groupe, on recense le nombre de malades et on calcule les taux d'attaque de toxi-infection alimentaire. Le rapport de ces taux d'attaque permet d'obtenir, pour chaque repas (ou aliment), un risque relatif (RR), c'est-à-dire le risque de toxi-infection chez les sujets exposés à l'aliment par rapport au risque chez des sujets non exposés (tableau VI).
Si pour un repas ou un aliment, ce rapport est supérieur à 1 de façon statistiquement significative, ce repas ou cet aliment est fortement suspect de constituer la source de la TIAC.
Si la TIAC est survenue dans une large collectivité pour laquelle tous les individus susceptibles d'avoir été exposés ne peuvent être recensés, on réalise alors une enquête cas-témoins. C'est la situation la plus fréquente. Pour chaque cas de toxi-infection on identifie un ou plusieurs témoins bien portants ayant les mêmes caractéristiques d'âge, de sexe, de résidence que le cas. On constitue ainsi un groupe de malades et un groupe de témoins que l'on compare vis-à-vis de la fréquence de leur exposition au(x) repas – ou à (aux) aliment(s) – suspect(s). Si ce taux d'exposition est, de façon statistiquement significative, plus élevé chez les cas que chez les témoins pour un repas (ou un aliment), ce repas (ou cet aliment) devient la source présumée de la TIAC. Il faut noter que l'analyse d'une enquête cas-témoins ne permet pas de calculer directement des taux d'attaque puisque la totalité des cas et l'ensemble de la population à risque n'a pas été recensée. Cependant, pour le repas ou les aliments suspects, on peut calculer un odds ratio (OR) (tableau VI) qui est une assez bonne estimation du risque relatif. Si l'OR est supérieur à 1, de façon statistiquement significative, le repas ou l'aliment testé est suspecté d'être à l'origine de la TIAC. Les conclusions de l'enquête épidémiologique vont orienter l'enquête microbiologique et l'étude de la chaîne alimentaire à la recherche d'une faute d'hygiène et/ou d'une rupture de la chaîne du froid ou du chaud.