6  -  Caractéristiques de quelques vitamines

Les fonctions de quelques vitamines sont détaillées ci-dessous.

6 . 1  -  Thiamine (vitamine B1) : une fonction coenzymatique à un secteur clef du métabolisme énergétique

La forme active est le pyrophosphate de thiamine qui intervient dans les réactions de décarboxylation oxydative des céto-acides (alpha-cétoglutarate, pyruvate, céto-analogues des acides aminés ramifiés) et de trancétolisation (cycle des pentoses).

Une carence profonde en thiamine entraîne une limitation des réactions enzymatiques dans lesquelles intervient le TPP avec accumulation en amont des substrats (pyruvate converti ensuite en acide lactique, céto­acides...). Les signes cliniques associent des signes généraux (asthénie, anorexie, vomissements), neurologiques centraux et périphériques. Le béribéri (carence d'apport au cours d'une alimentation essentiellement à base de riz décortiqué) se caractérise par une polynévrite ou une insuffisance cardiaque. L'encéphalopathie de Gayet-Wernicke avec confusion, amnésie, torpeur et signes d'atteinte cérébelleuse et motrice réclame un traitement urgent. Elle se rencontre principalement chez l'alcoolique.

Il existe, de manière exceptionnelle, des maladies héréditaires thiamino-dépendantes dont les leucinoses thiamine sensibles et les acidoses lactiques congénitales thiamine dépendantes. Une très forte supplémentation en thiamine (de l'ordre de 1 g/jour) corrige les troubles.

Les troubles métaboliques de l'acidose lactique sont la conséquence de l'accumulation de pyruvate qui n'est pas décarboxylé. L'administration de glucose en quantité importante est donc un facteur aggravant.

Ceci est également vrai en dehors de ces vitamino-dépendances : les besoins en certaines vitamines sont proportionnels à la quantité de substrat qu'elles doivent aider à transformer.

6 . 2  -  Cobalamine (vitamine B12) : un métabolisme particulièrement complexe

La vitamine B12 est nécessaire à la multiplication cellulaire. Ceci est particulièrement évident au niveau de certaines cellules à renouvellement rapide comme les cellules souches sanguines. Dans le cytoplasme des cellules la cobalamine est sous la forme d'hydroxocobalamine. Ces formes actives sont la méthylcobalamine (cytoplasme) ou la 5' déoxy-adénosylcobalamine (mitochondrie). La 5' déoxy-adénosylcobalamine est le coenzyme nécessaire à la conversion du méthyl-malonyl-coenzyme A en succinyl-coenzyme A. La méthylcobalamine est le coenzyme permettant les deux réactions combinées suivantes :

  • conversion de l'homocystéine en méthionine,
  • conversion du méthyltétrahydrofolate en tétrahydrofolate ( figure 5 ). Le tétrahydrofolate pourra être utilisé dans la synthèse des bases puriques et pyrimidiques.
Figure 5 : Inter-relation entre l'acide folique et la vitamine B12 lors des transferts de radicaux méthyl

Le métabolisme de la vitamine B12 est particulièrement complexe. La vitamine B12 ingérée est liée à des protéines dont les « protéines R » sécrétées dans la salive. Elle ne peut être absorbée au niveau de l'iléon terminal que si elle est liée au facteur intrinsèque, glycoprotéine sécrétée par le corps et le fundus gastrique. En effet les entérocytes de l'iléon terminal possèdent un récepteur membranaire permettant la fixation du facteur intrinsèque. Pour se combiner au facteur intrinsèque, la cobalamine doit être libérée des protéines R grâce à l'action des protéases pancréatiques. Enfin la vitamine B12 doit être liée à une autre protéine de transport, la transcobalamine II (TCII), avant de quitter l'entérocyte pour gagner la circulation portale. Dans le plasma elle sera ensuite liée surtout à une autre protéine, la TCI (tableau VI) , cependant que la TCIII permet le retour vers le foie de la vitamine B12 circulante. Le foie contient la majorité des stocks de vitamine B12 de l'organisme qui sont de l'ordre de 2 à 5 mg. Il existe un cycle entéro-hépatique avec une réabsorption très efficace. Ce stockage et la faiblesse des besoins journaliers expliquent la rareté des signes cliniques en cas de carence d'apport isolée.

Ce sont les maladies digestives (gastrite atrophique avec achlorhydrie, gastrectomie...) qui donneront lieu à des carences (anémie mégaloblastique et signes neurologiques de l'anémie de Biermer en cas de gastrique atrophique autoimmune). Le test de Schilling consiste :

  • à saturer l'organisme par une injection de vitamine B12,
  • à administrer ensuite par voie orale une dose traceuse (marquage radioactif au niveau du cobalt) de vitamine B12, combinée ou non au facteur intrinsèque. Comme l'organisme a été saturé, l'excrétion urinaire de vitamine B12 marquée permettra d'évaluer l'absorption digestive. En cas d'anomalie du grêle distal (résection intestinale, maladie de Crohn) ce test ne sera pas normalisé par l'administration concomitante per os de facteur intrinsèque.


En raison de la complexité du métabolisme de la vitamine B12, les anomalies possibles sont nombreuses. Les principales sont résumées dans le tableau IX .

Tableau IX : Principales anomalies du métabolisme de la vitamine B12

6 . 3  -  Rétinol (vitamine A) : des fonctions multiples à différents niveaux de la cellule

La vitamine A, rétinol, appartient à la famille des rétinoïdes (rétinol, rétinal, acide rétinoïque) actuellement très étudiés. Dans les végétaux elle est surtout présente sous forme d'un précurseur le béta-carotène qui est constitué de deux molécules de rétinol réunies au niveau de l'extrémité de leur chaîne carbonée. La vitamine A est absorbée en même temps que les lipides. Le béta-carotène doit d'abord être hydrolysé par un enzyme de la bordure en brosse pour être transformé en rétinal qui sera ensuite réduit en rétinol dans l'entérocyte. Le rétinol, estérifié par des acides gras, sera absorbé avec les lipides dans les chylomicrons et stocké dans le foie. Le rétinol libre est transporté dans le plasma lié à une protéine de transport spécifique, la Retinol Binding Protein (RBP). Dans les cellules périphériques il se fixe également sur une protéine intracellulaire (CRBP).

La vitamine A présente principalement deux fonctions : maintien de la vision par la synthèse de la rhodopsine, régulation de l'expression génétique et de la différenciation cellulaire (activité commune à l'acide rétinoïque).

La rhodopsine, pigment présent au niveau des bâtonnets de la rétine, résulte de l'assemblage de l'opsine et d'un isomère du rétinal.

L'activité de régulation génétique s'exerce au niveau du noyau par un mécanisme similaire à celui des corticoïdes (récepteur cytoplasmique puis récepteur nucléaire). Par ailleurs la vitamine A intervient dans les phénomènes de glycosylation. Des dérivés des rétinoïdes ont été synthétisés et développés comme médicaments utilisés en dermatologie, rhumatologie et cancérologie. Des travaux importants sont également en cours sur la relation entre l'ingestion de béta-carotène et l'épidémiologie de certains cancers épithéliaux. Outre sa fonction de précurseur de la vitamine A, cette molécule présente également des propriétés anti-oxydantes.

Le premier signe de déficit en rétinol est un retard à l'adaptation à la vision nocturne. C'est cette adaptation qui intervient dans la vie courante lorsque l'on vient de croiser la nuit une voiture dont les phares vous ont ébloui. A un stade plus avancé apparaissent des anomalies cytologiques de la conjonctive puis, au maximum xérophtalmie et cécité (tiers monde).

La vitamine A, liposoluble, est stockée dans le foie. Un excès ne sera pas éliminé dans les urines. Les capacités des transporteurs plasmatiques et cellulaires peuvent être dépassées. Cette vitamine devient alors toxique. Une toxicité aiguë est observée surtout chez le nourrisson après des doses uniques importantes (supérieures à 100 mg soit 300 000 UI) et se traduit par des signes d'hypertension intracrânienne.

Une toxicité chronique peut être observée en cas d'ingestion répétée de doses au moins supérieures à 10 fois les doses recommandées (> 14 000 UI chez l'enfant). Elle entraîne des anomalies cutanées, neurologiques, hépatiques. Ceci explique que la supplémentation en vitamine A des aliments et la dispensation des médicaments qui la contiennent soient réglementées pour éviter des surdosages intempestifs. Enfin l'administration de doses importantes doit également être évitée chez la femme enceinte en raison de sa tératogénicité potentielle.

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