4  -  Rôle physiologique des vitamines

4 . 1  -  Fonction coenzymatique

De nombreux enzymes nécessitent une autre molécule de faible poids moléculaire : un coenzyme. L'holoenzyme, qui possède l'activité complète résulte de l'association d'un apoenzyme, protéique, et d'un coenzyme qui lui est lié. Si le coenzyme est lié par une liaison covalente, il sera dénommé « groupement prosthétique ». Un coenzyme peut jouer un rôle de cosubstrat : il subira exactement la réaction inverse de celle que subit le substrat (réactions d'oxydoréduction : NAD, transamination : phosphate de pyridoxal).

L'étude du mécanisme de la décarboxylation du pyruvate permet de bien illustrer les fonctions des vitamines et leur rôle en pathologie (figure 2) .

Figure 2 : Décarboxylation oxydative du pyruvate. Intervention des coenzymes dérivés des diverses vitamines au sein du complexe pyruvate-déshydrogénase

Le complexe enzymatique de la pyruvate­déshydrogénase catalyse la transformation du pyruvate, CH3-CO-COOH, en acétyl-Coenzyme A. Cette enzyme localisée au niveau de la mitochondrie contrôle donc l'accès des métabolites du glucose au cycle de Krebs. En fait cette réaction met en jeu 3 enzymes successives et 5 coenzymes dont 4 sont, chez l'homme, des dérivés de vitamines : thiamine pyrophosphate (TPP dérivé de vitamine B1), flavine-adénine-dinucléotide (FAD, dérivé de la vitamine B2), coenzyme A (dérivé de l'acide pantothénique), nicotinamide dinucléotide (NAD, dérivé de la vitamine PP) et acide lipoïque qui, lui, n'est pas une vitamine.

Le NADP intervient dans le cycle des pentoses (génération de NADPH), dans la synthèse et l'élongation des acides gras (utilisation du NADPH).

La pyridoxine (vitamine B6) est un bon exemple de vitamine fonctionnant comme coenzyme. La forme active est le phosphate de pyridoxal synthétisé grâce à la pyridoxal-kinase présente dans la plupart des tissus. C'est le cofacteur des décarboxylases et des transaminases. Il doit être présent au voisinage immédiat des sites catalytiques des enzymes car la première étape de ces réactions est la création d'une base de Schiff entre sa fonction aldéhyde et le groupe alpha-aminé de l'acide aminé (figure 3) ; les trois autres liaisons du carbone pourront alors faire l'objet de transamination ou de décarboxylation. Il intervient également dans d'autres réactions (désaminases, aldolase...).

Figure 3 : Rôle du phosphate de pyridoxal au cours de la transamination d'un acide alpha-aminé
Rôle du phosphate de pyridoxal au cours de la transamination d'un acide alpha-aminé. L'acide aminé 1 (AA1) est transformé en céto-analogue 1, le céto-analogue 2 en acide aminé.

La vitamine K se présente sous deux formes : phylloquinone (vitamine K1) obtenue à partir des plantes et ménaquinone (vitamine K2) d'origine bactérienne. La ménadione (vitamine K3) est d'origine synthétique. Cette vitamine est indispensable au maintien de niveaux normaux de certains facteurs de coagulation : facteurs II, VII, IX et X (prothrombine, proconvertine, facteur anti-hémophilique B, facteur Stuart). Ces facteurs sont synthétisés par le foie sous forme inactive. La transformation en dérivés actifs nécessite une étape post-translationnelle : transformation des résidus glutamine en gamma-carboxyglutamate par une carboxylase dépendant de la vitamine K. Ces fonctions gamma-carboxyglutamate porteurs de deux carboxyles (charges négatives) sont très nombreuses au niveau de la prothrombine et expliquent son interaction avec l'ion Ca++. D'autres protéines qui lient le calcium subissent la même réaction : l'ostéocalcine, synthétisée par les ostéoblastes, subit la même gamma-carboxylation.

4 . 2  -  Transport de protons et d'électrons

L'acide ascorbique agit comme antioxydant. Il s'agit d'un agent réducteur qui, sous forme oxydée, est transformé en acide déhydro-ascorbique. L'acide ascorbique est un donneur d'équivalent réduit. L'acide déhydro-ascorbique ainsi formé peut servir de source de vitamine. Du fait de son potentiel d'oxydoréduction, l'acide ascorbique est capable de réduire l'oxygène moléculaire et les cytochromes a et c.

La vitamine C est nécessaire au cours de différentes réactions : hydroxylation de la proline (formation du collagène), dégradation de la tyrosine, synthèse de la noradrénaline (dopamine béta-hydroxylase).

4 . 3  -  Stabilisation des membranes

La vitamine E représente une exception car on ne lui connaît pas de fonction de coenzyme. Elle agit comme antioxydant liposoluble. Il existe de nombreux isomères de tocophérol possédant une chaîne latérale différente. Par ordre d'activité décroissante ce sont le D-alpha-tocophérol, le D-béta-tocophérol, le D-gamma-tocophérol, le D-delta­tocophérol. Le standard (1 UI) correspond à 1 mg d'acétate de DL-alpha-tocophérol. Les tocophérols sont lipophiles et fonctionnent comme des antioxydants puissants, aussi bien dans les membranes cellulaires qu'au niveau des lipoprotéines plasmatiques. Le mécanisme de l'effet antioxydant, par réaction avec un ion peroxyde, est illustré dans la figure 4 . Comme les réactions de peroxydation interviennent au niveau des doubles liaisons des acides gras, les besoins en vitamine E augmentent en cas d'ingestion de grandes quantités d'acides gras poly-insaturés.

Figure 4 : Réduction d'un radical peroxyde au sein d'un acide gras par l'alpha-tocophérol (vitamine E)
Réduction d'un radical peroxyde au sein d'un acide gras par l'alpha-tocophérol (vitamine E). L'alpha-tocophéryl ainsi formé est réduit en alpha-tocophérol par oxydation de l'acide ascorbique (vitamine C).

De même que la figure 2 (pyruvate déshydrogénase), la figure 4 montre que plusieurs vitamines contribuent souvent à la même voie métabolique ou fonction. Ainsi la vitamine E, le béta-carotène et l'acide ascorbique sont tous les trois des antioxydants. Comme ils sont plus ou moins hydrophiles (la vitamine E est la molécule la plus lipophile des trois), ils agissent en synergie au niveau des divers composants de l'organisme. D'autres enzymes nécessitants des oligo-éléments (sélénium, zinc) sont également mises en jeu au cours des réactions d'oxydoréduction.

4 . 4  -  Fonctions de type hormonal

Vitamine D et vitamine A agissent selon un mécanisme similaire à celui des hormones stéroïdiennes : liaison à un récepteur cytosolique puis à un récepteur nucléaire, modification de la synthèse protéique. Ainsi la vitamine D est une prohormone. La vita­mine D3 subit une hydroxylation en position 25 au niveau des microsomes hépatiques pour former le 25(OH)D3, forme circulante principale. Une hydroxylation supplémentaire en 1,25(OH)2D3, calcitriol, peut être effectuée au niveau des mitochondries du tubule rénal. Cette réaction est sous contrôle hormonal. Le calcitriol se lie au niveau de nombreux tissus à un récepteur de la même catégorie que les récepteurs stéroïdiens. Ce récepteur augmente la transcription de plusieurs protéines dont des protéines à forte affinité pour le calcium (Calcium Binding Proteins) au niveau de la peau, des os mais surtout de l'intestin. Il stimule l'absorption digestive du calcium.

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