1  -  Expliquer l’épidémiologie et les principaux mécanismes de la maladie athéromateuse et les points d’impacts des thérapeutiques

1 . 1  -  Définition

En 1958 l'Organisation Mondiale de la Santé définissait l'athérosclérose comme « une association variable de remaniements de l'intima et de la média des artères de gros et moyen calibre. Elle constitue une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calcaires. Le tout est accompagné de modifications de la média. » Cette définition est purement histologique ; l'analyse actuelle intègre des notions physiopathologiques. On considère que l'athérosclérose est une réponse inflammatoire à une lésion de la paroi artérielle. La définition de l'OMS paraît complémentaire car elle détaille bien les différents éléments impliqués dans le processus.

Il faut différencier l'athérosclérose qui implique principalement l'intima et la média de l'artériosclérose qui est un processus de sclérose artérielle ; cette dernière est caractérisée par une sclérose au niveau des fibres musculaires de la média ; elle concerne essentiellement les artérioles et est secondaire au vieillissement.

Athérosclérose

1 . 2  -  Physiopathologie

1 . 2 . 1  -  La genèse de la lésion d'athérosclérose

Historiquement deux grandes théories se sont opposées pour expliquer l'athérogenèse. La première reposait sur la théorie de l'inflammation (Virschow) secondaire à une irritation de la paroi. La seconde était la théorie de l'incrustation (Von Rokitansky) par dépôt de fibrine. Actuellement les hypothèses physiopathogéniques incluent ces deux théories. L'athérosclérose est considérée comme une réponse active de la paroi du vaisseau, en particulier de l'intima, à des agressions mécaniques, chimiques ou infectieuses.


Rappel

Les cibles pariétales artérielles :

  • L’intima : elle est constituée par une monocouche continue de cellules endothéliales, jointives, reposant sur une membrane basale, avec en dessous le sous-endothélium, constitué de macromolécules de la Matrice ExtraCellulaire (MEC). Il ne s’agit pas d’une simple enveloppe mais d’une véritable glande endocrine (rôle de vasodilatation par le biais du monoxyde d’azote NO et antiagrégant plaquettaire par la prostacycline PGI2). Il peut dans certains cas exprimer des molécules d’adhésion (spécialement ICAM : InterCellular Adhesion Molecule et VCAM-1 : Vascular Cellular Adhesion Molecule) qui conditionnent le passage des leucocytes au sein de l’intima.
  • La média : sa frontière avec l’intima est la limitante élastique interne. Elle est constituée d’un seul type cellulaire : la Cellule Musculaire Lisse (CML), variant selon qu’il s’agit d’une artère élastique ou musculaire. Cette CML est entourée des macromolécules de la matrice extracellulaire (MEC).
  • La MEC, outre son aspect de soutien de la paroi vasculaire, joue un rôle régulateur au niveau des cellules. Elle est composée de 4 familles de protéines : les fibres de collagène, les fibres élastiques, les glycoprotéines de structure et les protéoglycanes.



Les différents intervenants de l’athérosclérose :

  • des éléments cellulaires : macrophages/monocytes, CML, cellules endothéliales, lymphocytes T, plaquettes ;
  • des médiateurs (cytokines, facteurs de croissance) ;
  • des enzymes (métalloprotéases et inhibiteurs des métalloprotéases) ;
  • des lipoprotéines.


Les principales étapes :


La première étape de l’athérosclérose est l’accumulation de LDL dans l’intima qui deviennent alors oxydées. Cette oxydation est fondamentale car à l’origine de la présence dans la paroi artérielle de macrophages, cellules clefs dans le processus d’athérosclérose. (Fig. 2).

Du fait d’un dysfonctionnement de l’endothélium exprimant à sa surface des molécules d’adhésion (VCAM-1 et ICAM), les monocytes adhèrent à la paroi, la traversent et se transforment, sous l’influence de divers facteurs (MCP-1 : Monocyte Chematactic Protein-1, M-CSF : Monocyte Colony Stimulating Factor) en macrophages. Ces derniers se transforment alors en cellules spumeuses (Fig. 3) en captant les LDL oxydées par l’intermédiaire de récepteurs scavengers (« éboueurs »). Ils induisent également une réaction inflammatoire chronique, par production de nombreuses cytokines pro-inflammatoires, auto-entretenant le dysfonctionnement endothélial et induisant la sécrétion de métalloprotéases délétères (activité de dégradation de la MEC).

Figure 1 : Physiopathologie de l’athérosclérose
Figure 2
Figure 3

Dans un deuxième temps, les cellules spumeuses s’accumulent dans l’intima, s’organisent en amas dans le sous-endothélium pour donner les stries lipidiques. Les lipides d’abord intracellulaires deviennent extracellulaires, sous les cellules spumeuses. Ils se regroupent pour former un amas nommé centre lipidique. Celui-ci est recouvert par une chape fibreuse constituée par de la matrice extracellulaire et des cellules musculaires lisses, provenant de la média (Fig. 4).

Figure 4

La migration en parallèle des cellules musculaires lisses vers le sous-endothélium est facilitée par l'activation des plaquettes (sécrétion de PDGF : Platelet Derived Growth Factor). Les cellules musculaires lisses changent de phénotype ; elles passent d'un phénotype « contractile » différencié, à un phénotype « sécrétant », dédifférencié. À l'état dédifférencié, les cellules musculaires lisses synthétisent des facteurs de croissance et de la matrice extracellulaire (collagène, élastine, protéoglycanes).

1 . 2 . 2  -  Évolution de la lésion

L'évolution d'une lésion d'athérosclérose est le plus souvent progressive sur de nombreuses années. Elle peut être compliquée par un accident aigu avec ou sans traduction clinique. La persistance des facteurs initiateurs avec constitution d'un état inflammatoire chronique local concourt au développement des lésions. La correction des facteurs de risque pourrait faciliter le contrôle voire la régression des lésions.

1 . 2 . 2 . 1  -  Évolution progressive

1. 2. 2. 1. 1 - Progression

La progression est un phénomène lent dû à l'augmentation de la composante lipidique et de la matrice extracellulaire. Les plaques très évoluées peuvent aussi résulter de l'incorporation de matériel thrombotique formé lors d'un épisode aigu sans manifestation clinique. On considère qu'une lésion devient significative sur le plan hémodynamique à partir d’une réduction de 70 % de diamètre par rapport au segment sain adjacent.


1. 2. 2. 1. 2 - Remodelage


Le développement de l'athérosclérose entraîne une augmentation de l'épaisseur pariétale. Le phénomène du remodelage se traduit par une augmentation compensatrice du diamètre du vaisseau ; il limite dans un premier le retentissement sur le calibre de la lumière artérielle. Plus tardivement la progression de la lésion athéromateuse finit par constituer une sténose avec retentissement hémodynamique. On a décrit aussi des phénomènes de remodelage constrictif avec réduction du diamètre du vaisseau en regard de la lésion athéromateuse.

Sténose

1. 2. 2. 1. 3 - Régression

Celle-ci a été constatée au niveau de lésions précoces, chez l’animal.

1 . 2 . 2 . 2  -  Évolution aiguë

Les différents mécanismes évolutifs des plaques sont encore en partie méconnus. Deux mécanismes principaux interviennent dans l'évolution brutale de la plaque : la rupture de la chape fibreuse et la thrombose.

La rupture de la chape permet l'activation plaquettaire avec formation d'un thrombus. Celui-ci peut être secondairement intégré à la lésion et participer à la réduction de lumière du vaisseau ou se détacher en embols. Un thrombus peut aussi apparaître au niveau d’une plaque lors d’une érosion endothéliale ; la rupture n’est pas une étape obligatoire. Le thrombus est d’abord plaquettaire puis fibrino-cruorique. Ces ruptures peuvent aussi donner lieu à des embolies de cholestérol.

Les hémorragies intra-plaques peuvent occasionner de brutales augmentations de volume des lésions, voire entraîner un clivage de la paroi, voire une rupture. Parmi les hypothèses physiopathologiques de l'évolution brutale certains retiennent le rôle des contraintes mécaniques notamment celles générées par l'hypertension, d'autres évoquent le rôle des modifications des constituants de plaques (augmentation de l'accumulation lipidique, persistance d’une inflammation, richesse de l’infiltration par les macrophages, apoptose). Ces différents éléments fragilisent la chape fibreuse. Un noyau lipidique important, une chape fibreuse fine favorisent la rupture.

L'expression clinique de l'évolution des lésions semble varier entre autres suivant la dimension des vaisseaux et les caractéristiques hémodynamiques des flux. Au niveau des artères coronaires la thrombose avec occlusion du vaisseau représente une complication majeure ; au niveau de l'aorte les manifestations évolutives apparaissent davantage à travers des processus emboliques.

Embolies de cholestérol : La rupture de la chape fibreuse peut être associée à la libération de la bouillie athéromateuse constituant le centre lipidique.

Ruptures artérielles : Elles sont rares et impliquent essentiellement l’aorte. La rupture s’effectue au niveau d’une zone d’amincissement de la paroi ; cette dernière peut être creusée par un cratère. Le vaisseau se rompt alors vers l’extérieur.

Évolution aiguë

1 . 2 . 3  -  Classification histopathologique

Les plaques sont classées selon une classification internationale dite de Stary. On constate la nature continue de l'évolution des lésions ; chez les sujets jeunes les lésions de bas grade sont plus fréquentes que le sujet âgé ; mais on peut retrouver des lésions de stades différents chez un même sujet.

Classification de Stary (Circulation 1995)

Localisation des lésions :

Ces lésions se distribuent préférentiellement au niveau de l'aorte et de ses branches principales. Les autres branches de l'aorte peuvent être aussi impliquées, notamment les branches viscérales de l'aorte abdominale : les artères rénales, l'artère mésentérique supérieure et le tronc cœliaque. Les lésions siègent préférentiellement aux bifurcations. Bien que le processus soit ubiquitaire, on constate certaines particularités de développement : les manifestations coronariennes isolées concernent plus souvent des sujets jeunes contrairement aux atteintes cervicales. Le processus est plurifocal ; l'atteinte est « polyvasculaire ». Lorsqu'un sujet décrit des manifestations ischémiques aux dépends d'un territoire il est important de rechercher systématiquement à l'interrogatoire et lors de l'examen clinique une autre localisation.

1 . 2 . 4  -  Mécanisme et point d'impacts des thérapeutiques

Les thérapeutiques développées dans le domaine de l’athérosclérose peuvent intervenir à différents niveaux :

  • prévention de l’athérogenèse et du développement des lésions ;
  • prise en charge du retentissement de la lésion.


Nous aborderons uniquement la prévention du développement de la lésion. Les thérapeutiques du retentissement sont abordées par ailleurs (item 131 : artériopathie oblitérante de l’aorte et des membres inférieurs – anévrismes ; item 132 : angine de poitrine et infarctus myocardique ; item 133 : accidents vasculaires cérébraux).

Exemples de point d'impact des thérapeutiques

Les effets des statines, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de l’aspirine semblent diversifiés ; ils ne sont pas limités respectivement à une baisse du cholestérol, à une baisse des chiffres de tension artérielle et à une diminution de l’agrégation plaquettaire. Un même médicament peut exercer un effet sur plusieurs points d’impacts.

1 . 3  -  Épidémiologie

Les études épidémiologiques permettent :

  • de décrire la fréquence et la répartition d’une maladie,
  • de rechercher des étiologies ou facteurs favorisants.


La première étape est descriptive, la seconde est explicative. Les facteurs de risques cardiovasculaires (étape explicative) sont abordés dans un chapitre spécifique (item 129 : facteurs de risque cardiovasculaire et prévention). L’athérosclérose comporte une longue phase évolutive asymptomatique avant que n’apparaissent les manifestations cliniques. Son épidémiologie porte essentiellement sur ses manifestations cliniques (mortalité, accident vasculaire cérébral, cardiopathie ischémique, claudication intermittente…).

1 . 3 . 1  -  Mortalité

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. En 2001 elles représentaient d’après les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 29 % des décès dont environ 13 % pour les cardiopathies ischémiques et 10 % pour les maladies cérébrovasculaires. Les taux de mortalité varient suivant les pays et le sexe. Ils sont les plus élevés en Europe de l’Est et en Russie, intermédiaires en Europe du Nord et en Amérique du Nord ; ils sont le plus bas en Europe du Sud et au Japon.

On retrouve aussi des différences suivant les étiologies. En Amérique du Nord et en Europe du Nord les cardiopathies ischémiques représentent la majorité des décès cardiovasculaires. En Europe du Sud, les accidents vasculaires cérébraux sont dominants.

Dans les études de cohortes limitées aux pays occidentaux les taux de mortalité étaient plus élevés pour les hommes que pour les femmes, en particulier chez le sujet jeune. En 2001, les chiffres de l’OMS sur la population mondiale ne retrouvaient pas de différence pour les décès par cardiopathie ischémique, les taux étaient d’environ 13 % dans les deux sexes. Les taux de mortalité par accident vasculaire cérébral étaient plus élevés chez la femme que chez l’homme. Ces pathologies représentent la première cause de mortalité chez la femme et la deuxième chez l’homme. Elles apparaissent plus tôt chez l’homme que chez la femme et constituent près de 15 % de la mortalité prématurée. Cette différence concerne essentiellement les cardiopathies ischémiques ; les accidents vasculaires cérébraux surviennent principalement chez les sujets âgés. Lors de la seconde moitié du XXe siècle, on a vu dans les pays occidentaux une baisse importante et progressive de ces taux de mortalité. L’évolution est inverse en Russie, en Amérique Centrale et du Sud.

1 . 3 . 2  -  Morbidité

La morbidité est beaucoup plus difficile à analyser que la mortalité ; les définitions des « états pathologiques » sont variables suivant les études. Le plus souvent les données portent sur les symptômes : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, claudication intermittente. La pathologie est longtemps asymptomatique ou pauci-symptomatique donc non dépistée.

1 . 3 . 2 . 1  -  Incidence

L’incidence est le nombre de nouveau cas d’une pathologie donnée durant une période de temps définie par rapport à la population à risque. On en rapproche le taux d’attaque qui est défini par le nombre de cas d’une pathologie pour une période de temps donnée rapporté à la population à risque. Dans le cas du taux d’attaque les événements peuvent être nouveaux (incidents) ou des récidives. On retrouve pour l’incidence et les taux d’attaque le même gradient nord/sud et est/ouest que pour les taux de mortalité ; dans le registre MONICA les taux d’événements coronariens étaient à 210/100000 à Barcelone, à 274/100000 en France et à 777/100000 à Belfast (période 1985-1995). On note une régression des taux d’incidence et d’attaque lors des vingt dernières années.

Pour la population française l’incidence des accidents vasculaires cérébraux et des cardiopathies ischémiques est pour chaque pathologie de l’ordre de 120000 à 130000 nouveaux cas par an. Dans l’étude de Framingham l’incidence de la claudication intermittente était de 3,6 ‰ par an pour les hommes et 1,6 ‰ par an pour les femmes.

1 . 3 . 2 . 2  -  Prévalence

La prévalence est le nombre de sujets atteint par une pathologie par rapport à la population générale à un moment donné. La prévalence de l’athérosclérose symptomatique augmenterait progressivement dans les pays occidentaux. La prévalence de la claudication intermittente d’origine vasculaire est de l’ordre de 2 à 4 % dans la population générale. On considère que près deux fois plus de sujet présentent la maladie. Ces chiffres augmentent très nettement avec l’âge.

1 . 3 . 3  -  Données prospectives

Le bénéfice obtenu lors des 30 dernières années repose tant sur une meilleure prise en charge de la pathologie que sur un contrôle des facteurs de risque. Le vieillissement des populations occidentales risque d’entraîner une augmentation importante de la prévalence des maladies cardiovasculaires. En outre, de nouveaux facteurs de risque ou leur extension à des populations jusque-là préservées pourraient avoir un effet délétère (tabagisme féminin, sédentarité, habitudes alimentaires). Il est donc nécessaire d’insister sur le rôle majeur de la prévention primaire et le dépistage des populations à risque.

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