5  -  Formes cliniques

À l'heure actuelle, il n'existe aucun critère biologique reconnu permettant sur la base d'examens biologiques limités aux caractéristiques du composant monoclonal d'affirmer le caractère malin ou bénin de l'anomalie sous-jacente. Cependant une anomalie quantitativement très importante, surtout si elle est accompagnée d'une hypo-immunoglobulinémie résiduelle et d'une PBJ urinaire est un critère important de gravité. Les autres critères sont hématologiques (plasmocytose médullaire, anémie, etc.).

C'est surtout en cas de découverte fortuite que se pose le problème du diagnostic étiologique. Cette situation n'est pas rare.

Dans un contexte infectieux et évolutif, il ne faut pas forcément attacher trop d'importance à la découverte d'un pic monoclonal, surtout s'il est peu important. En effet, on a décrit dans de nombreuses situations infectieuses avec présence en faible abondance et de manière transitoire d'un composant monoclonal :

  • cytomégalovirose,
  • fièvre Q,
  • mononucléose infectieuse aiguë
  • hépatite B, hépatite C,
  • infection HIV,
  • salmonellose,
  • leptospirose,
  • endocardites.


Le caractère transitoire et résolutif doit être contrôlé lors d'un nouveau prélèvement à quelques mois de distance.

Des Ig monoclonales dites bénignes se rencontrent également dans des circonstances très diverses, telles que certaines maladies cutanées (pyoderma gangrenosum, mucinose papuleuse, xanthome plan), l'angiƓdème acquis récidivant, des maladies de surcharge (Gaucher), des neuropathies, des hépatopathies, tous les états de déficit immunitaire primitif ou secondaire et surtout au cours du vieillissements ( la fréquence des Ig monoclonales chez les sujets de 70 ans et plus varie selon la technique de détection (environ 10 % des sérums normaux en IEL ou IF, 70 % en western).

5 . 1  -  Immunoglobuline monoclonale de signification indéterminée

La découverte – fortuite ou lors de l'exploration d'une vitesse de sédimentation augmentée – d'un pic monoclonal peut entraîner de réelles incertitudes diagnostiques. Selon sa nature IgM ou non, ce pic fera évoquer en premier lieu et respectivement une maladie de WALDENSTRÖM ou un myélome, et justifie la recherche d'un syndrome tumoral clinique, d'un retentissement métabolique et sur l'hémogramme, la pratique de clichés du squelette intéressant au moins les os plats et d'une ponction sternale. Si tous ces éléments sont normaux ou négatifs, la gammapathie a d'autant plus de chance de ne pas être maligne qu'elle ne s'accompagne pas d'une anémie, d'une insuffisance rénale, d'une hypercalcémie ou d'un déficit des immunoglobulines polyvalentes évalué par l'électrophorèse mais aussi leur dosage pondéral.

Des études d'histomorphométrie osseuse ont démontré que même ainsi, un certain pourcentage de patients avait une activité ostéoclastique perturbée. Ces gammapathies sont isolées ou accompagnent des situations pathologiques variées. Vingt-cinq à quarante pour cent d'entre elles évoluent en myélome en une vingtaine d'années.

Ce diagnostic implique une abstention thérapeutique et une surveillance clinique et biologique à minima par l'électrophorèse des protéines tous les 3 mois, puis tous les 6 mois, puis tous les ans.

L'absence de contexte clinique et l'absence de modification significative de l'électrophorèse à 6 mois sont des éléments diagnostiques d'une valeur importante, pour classer l'anomalie biologique dans ce cadre.

5 . 2  -  Myélome multiple

5 . 2 . 1  -  Introduction

Encore appelée maladie de Kahler, cette prolifération plasmocytaire néoplasique invariablement fatale prolifère préférentiellement dans la moelle osseuse, sous forme nodulaire et parfois diffuse. L'infiltration tumorale peut intéresser la rate, le foie, les ganglions, le plus souvent sans retentissement clinique. Parfois des cellules plasmocytaires envahissent le sang : lorsque cet envahissement est massif, on parle de véritable leucémie à plasmocytes.
 
Plus de 80 % des patients atteints d'un myélome multiple ont une immunoglobuline monoclonale sérique dont l’activité anticorps unique (le plus souvent non identifiée) s'est, de façon très remarquable, avérée être dirigée préférentiellement contre un autoantigène lorsqu'elle a été recherchée systématiquement. Moins fréquemment, les plasmocytes malins peuvent aussi secréter seulement une chaîne légère. Exceptionnellement ils peuvent ne pas excréter la protéine qu'ils synthétisent (myélome dit non-excrétant, en fait défini par l'absence d'Ig monoclonale décelable dans le sérum et l'urine ; il s'agit le plus souvent de la production d'Ig de strucure anormale, rapidement dégradée et/ou déposée dans les tissus après son excrétion).

Le myélome se caractérise par la présence presque constante, d'emblée ou au cours de l'évolution, de manifestations osseuses.
 
Dans la majorité des cas, l'intervalle écoulé entre la transformation maligne d'une cellule et l'accumulation d'une masse tumorale accessible au diagnostic est d'au moins deux ans, parfois dix à vingt. Le myélome est une maladie à cinétique de croissance tumorale lente, avec un temps de doublement long à sa phase initiale. C'est une affection du sujet déjà âgé, survenant dans la cinquième ou sixième décennie. Son incidence est d'environ 3/105 sujets. Il n'y a pas de prépondérance sexuelle. Le myélome reste encore une maladie incurable avec une médiane de survie d'environ trois ans. Certains espoirs thérapeutiques s'esquissent cependant : - les sujets jeunes plus seulement sont candidats à des approches à visée éradicatrice (mais la rechute est constante) intensives avec greffes de cellules souches hématopoïétiques (autogreffe de moelle ou greffe de cellules souches sanguines) - utilisation de l'interféron alpha en traitement d'entretien dans les phases de plateau - utilisation des biphosphonates (clodronate [Clastoban®], pamidronate [Arédia®], zolédronate) pour le contrôle des épisodes hypercalcémiques et celui des douleurs osseuses À côté de la classification de Salmon et Durie, visant à estimer de manière indirecte la masse tumorale, d'autres paramètres pronostiques sont couramment utilisés pour apprécier l'agressivité de la maladie et l'espérance de survie : index de marquage des plasmocytes, concentrations de protéine C réactive et bêta-2-microglobuline, anomalies chromosomiques, délétion du chromosome 13 surtout.

5 . 2 . 2  -  Physiopathologie

Aucun facteur étiologique n'est actuellement identifié de façon formelle. Il ne semble pas y avoir de terrain familial.

5 . 2 . 2 . 1  -  Prolifération plasmocytaire

Les cellules plasmocytaires tumorales prolifèrent sous l'effet d'un facteur de croissance, l'interleukine 6 (IL-6), dont la production est à la fois autocrine et paracrine. Une implication du virus HHV8 dans la pathogénie de la maladie fait l'objet de débats. La prolifération pathologique implique fréquemment une altération de la transduction du signal liée à des mutations de N-Ras ou de K-Ras. Celles-ci sont observées 1 fois sur 4 au diagnostic, fréquence qui double en cours d'évolution. Seul un faible pourcentage de cellules myélomateuses est en division (en phase S du cycle cellulaire) : la détermination de ce taux par l'index de marquage après exposition à la thymidine tritiée serait un bon facteur pronostique : plus il est élevé, moins bon est le pronostic. Certaines proliférations de faible masse tumorale peuvent rester stables pendant des mois, voire des années, ne justifiant qu'une surveillance clinique : on parle de « myélome indolent ». Les substances relarguées par les plasmocytes malins sont au premier plan et peuvent inclure : - soit une immunoglobuline monoclonale entière, reflet grossier de la masse tumorale. Cette immunoglobuline complète a une structure normale. Lorsque son taux de synthèse est important, l'hyperprotidémie générée peut entraîner un syndrome d'hyperviscosité et une hypervolémie plasmatique. - soit une chaîne légère à l'état libre, laquelle peut se déposer dans les tissus dans l' amylose dite AL (A pour amylose et L pour chaîne légère) et la maladie des dépôts de chaînes légères (LCDD ou maladie de Randall) et/ou bien être excrétée dans les urines et autrefois appelée Protéine de Bence Jones (PBJ, classique phénomène de thermosolubilité - précipitation au chauffage en présence d'acide acétique et redissolution à l'ébullition- inconstant et qui n'est plus recherché). - dans la majorité des cas, à la fois une Ig monoclonale entière et une PBJ Environ 20 % des immunoglobulines monoclonales sont des chaînes légères isolées qui ne sont généralement décelables que dans les urines, dont l'analyse doit être systématiquement couplée à celle du sérum en cas de suspicion de myélome. L'Ig monoclonale entière est 3 fois sur 4 de classe IgG, moins souvent IgA. (la distribution en sous-classes d'IgG et IgA ne reflète pas celle des plasmocytes normaux). L'Ig monoclonale est de clase IgM dans environ 1 % des cas. Les IgD ou IgE sont exceptionnellement en cause. Les myélomes non excrétants ou non secrétants (inconnu chez l'homme) sont eux aussi exceptionnels (1 % des cas). C'est le plus souvent des raisons rhéologiques, et non une inflammation, qui expliquent l'élévation de la vitesse de sédimentation, et l'aspect « en pile d'assiettes » ou rouleaux des hématies sur le frottis sanguin. - Un facteur d'activation des ostéoclastes (OAF), terme regroupant les substances responsables de la lyse osseuse à proximité ou à distance des foyers tumoraux. L'interleukine 1 (IL-1) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa) participent à cette activité cytokinique, ainsi que l'IL-6. C'est l'activité ostéoclastique qui est responsable des douleurs osseuses évocatrices, des fractures pathologiques et de l'hypercalcémie. Les images radiologiques peuvent être celles, caricaturales, des géodes à l'emporte-pièce préférentiellement observées sur le crâne et les autres os plats. Parfois, l'aspect est celui d'une simple déminéralisation diffuse, éventuellement trompeuse chez la femme âgée. Un aspect particulier est celui des fractures-tassements dont on retient qu'au niveau vertébral elles intéressent toujours le corps de la pièce osseuse. La réduction à la fois de l'hématopoïèse et de la production normale d'anticorps polyvalents peuvent se trouver responsables de la fréquence et de la gravité des infections, le déficit d'anticorps explique l'incidence accrue des infections à germes gram positif (streptocoque, hémophilus). La compression médullaire par coulée épidurale est un exemple d'une complication locale de l'infiltration tumorale La physiopathologie de l'insuffisance rénale est moins univoque. Il s'agit le plus souvent d'une tubulopathie directement liée aux chaînes légères libres, surtout de type l (rein myélomateux) Elle peut provenir aussi des dépôts amyloïdes ou de chaînes légères, d'infections, d'une déshydratation notamment en cas d'hypercalcémie. Qu'il soit permis de rappeler ici d'une part qu'une insuffisance rénale à calcémie normale est un myélome jusqu'à preuve du contraire, d'autre part que la scintigraphie osseuse est un mauvais examen dans cette maladie, par manque à la fois de spécificité et de sensibilité. L'IL-6 constitue un facteur de croissance partiellement autocrine et partiellement paracrine du plasmocyte tumoral. Sous l'effet de l'IL-6, le foie secrète de la protéine C réactive (CRP) en l'absence de toute inflammation. Ce marqueur devient alors un témoin de l'agressivité de la maladie. On l'associe parfois à la bêta-2-microglobuline, fragment de la classe I du système HLA qui reflète la masse tumorale, pour proposer une classification pronostique. Il est alors nécessaire de pondérer la valeur de la bêta-2-microglobuline en fonction de l'éventuel degré d'insuffisance rénale puisque cette substance est entièrement filtrée par le glomérule et réabsorbée par le tubule. L'IL6 régule négativement la production hépatique de l'albumine, ce qui peut isolément expliquer la possibilité d'une hypoalbuminémie en cas de myélome à forte masse tumorale. Bien entendu, c'est l'identification de la plasmocytose tumorale, anormale soit par sa morphologie, soit par son nombre (>10 %), qui authentifiera le myélome. C'est toujours le modèle décrit par Salmon et Durie en 1974 qui est le plus fréquemment utilisé comme classification. Il repose sur la quantité de composant monoclonal sérique et urinaire, le nombre de lésions osseuses, l'apparition d'une anémie et d'une hypercalcémie mais aussi sur l'existence d'une insuffisance rénale (A ou B). Les malades atteints de myélome de stades II et III, agressifs, ont une espérance de vie globalement inférieure à 3 ans, et souvent beaucoup plus courte. Celle-ci a bénéficié de l'introduction, chez les malades de moins de 65 ans, de l'autogreffe de cellules souches autologues précédée d'une polychimiothérapie et d'une irradiation corporelle totale, sans toutefois que cette nouvelle approche bouleverse la durée de vie moyenne, malgré la possibilité de survie prolongée dans certains cas. Certains auteurs restent fidèles aux chimiothérapies « lourdes ». Lorsque ces traitements ne sont pas envisageables, des polychimiothérapies orales ambulatoires de type alkéran-prednisone (protocole d'Alexanian) constituent le traitement le plus standard.

5 . 2 . 3  -  Diagnostic

5 . 2 . 3 . 1  -  Circonstances de découverte

Le plus souvent le myélome est découvert à l'occasion de signes osseux : douleurs osseuses, parfois fractures spontanées ou non. Ailleurs, ce sont des signes biologiques qui vont attirer l'attention : accélération de la vitesse de sédimentation, pic à l'électrophorèse des protéines sériques. Parfois c'est une complication qui révèle le myélome : infection, complication neurologique, insuffisance rénale.

5 . 2 . 3 . 2  -  Manifestations cliniques

5. 2. 3. 2. 1 - Manifestations osseuses

5. 2. 3. 2. 1. 1 - signes cliniques


Les douleurs sont fréquentes (70 % au diagnostic, 90 % au cours de l'évolution. Elles sont d'intensité et d'horaire variables, localisées ou diffuses, mais jamais erratiques. Elles touchent le rachis, le gril costal, le bassin. Peuvent exister en association des radiculalgies, sciatiques ou cervico-brachiales.

Des fractures pathologiques peuvent apparaître, spontanément ou pour des efforts minimes. Leur gravité tient à leur localisation : rachidiennes avec le risque de tassement vertébral et de compression médullaire aiguë, diaphyse des os longs, côtes et retentissement respiratoire.

Les tumeurs osseuses sont moins fréquentes et plus tardives : elles intéressent essentiellement les os plats (crâne, sternum).


5. 2. 3. 2. 1. 2 - Signes radiologiques

L'aspect le plus typique est celui des géodes à l'emporte-pièce : zones d'ostéolyse, rondes ou ovalaires, sans condensation périphérique, très évocatrices au niveau de la voûte crânienne, mais aussi du gril costal, du bassin et des extrémités des os longs.

Moins fréquente est la déminéralisation diffuse sans ostéolyse, simulant une ostéoporose, parfois associée à des fractures-tassements vertébraux.

Les fractures les plus fréquentes intéressent le rachis, réalisant des tassements multiples, biconcaves, cunéiformes ou en galette, respectant le disque vertébral.

Les formes ostéocondensantes sont exceptionnelles et en général inscrites dans un tableau très particulier.

L'imagerie par tomodensitométrie, et mieux résonance magnétique a pour indication principale l'évaluation de la coulée épidurale lors d'une suspicion de compression médullaire.

La scintigraphie n'a aucun intérêt dans le myélome car pas plus performante que la radiologie conventionnelle.


5. 2. 3. 2. 2 - Autres manifestations cliniques

L'altération de l'état général s'observe le plus souvent dans les formes avancées, le plus souvent sans fièvre, en dehors des complications infectieuses.

En règle, il n'existe pas de syndrome tumoral palpable : pas d'organomégalie (hépato-splénomégalie, adénomégalie).

Les localisations extra-médullaires sont rares, et le plus souvent le propre de formes avancées. Elles seront détaillées dans les formes cliniques, ainsi que les complications.

5 . 2 . 3 . 3  -  Autres manifestations cliniques

5. 2. 3. 2. 1 -  Modifications de l'hémogramme

Une anémie normochrome, normocytaire, arégénérative est très fréquente (60 %) dans le myélome, souvent multifactorielle (insuffisance médullaire, rénale, hypervolémie plasmatique).

Elle s'accompagne volontiers d'un aspect évocateur en piles d'assiettes ou en rouleaux des hématies, non pathognomonique.

Les neutropénies et/ou thrombopénies sont plus rares, et plus tardives, accentuées par les chimiothérapies.

Un discret passage sanguin de plasmocytes est parfois noté, inférieur à 3 % des leucocytes.


5. 2. 3. 2. 2 - Étude la moelle osseuse


Le myélogramme par ponction sternale met en évidence :

  • une plasmocytose médullaire franche supérieure à 10 %, constituée de cellules anormales (plurinucléées, avec inclusion cytoplasmique, aspect flammé du cytoplasme, cellules vacuolées de Mott, corps de Russel) ;
  • rarement le myélogramme est normal, par inégalité de répartition de la prolifération plasmocytaire : il faut alors avoir recours à la biopsie ostéo-médullaire qui seule est à même de détecter les foyers plasmocytaires, qui ont d'autant plus de probabilité d'être malins qu'ils sont de localisation péri-artérielle ou proche des travées osseuses.


5. 2. 3. 2. 3 - Le reste du bilan initial


Il a pour but de :

  • rechercher une éventuelle complication,
  • d'évaluer l'agressivité (protéine C réactive) et la masse tumorale (bêta-2-microglobuline) pour apprécier le pronostic.

5 . 2 . 4  -  Formes cliniques

5 . 2 . 4 . 1  -  Les myélomes non excrétants

Des signes cliniques évocateurs de myélome associés à une absence de pic monoclonal, une hypogammaglobulinémie et une VS normale font suspecter la rare possibilité d'un myélome non sécrétant. Le diagnostic ne peut en être fait que par l'analyse en immunofluorescence directe des plasmocytes médullaires obtenus par ponction. Le prélèvement de moelle est fait sur tube hépariné, et les frottis sont réalisés après sédimentation sur macromolécules de dextran (type Plasmion® ou Gélofusine®) et lavages. Le simple frottis à visée hématologique est inutilisable.

5 . 2 . 4 . 2  -  Les plasmocytomes solitaires

Il existe deux variétés de plasmocytomes solitaires, selon leur localisation osseuse ou extra-osseuse.

Le plasmocytome osseux solitaire se présente sous la forme d'une lésion le plus souvent ostéolytique du rachis, du pelvis et du fémur, avec parfois un aspect radiologique multikystique en bulles de savon. C'est la biopsie qui permet le diagnostic, les prélèvements médullaires en d'autres sites étant normaux. Le contingent monoclonal peut être décelable et disparaître après un traitement local chirurgical ou une irradiation. Des rémissions prolongées (5 à 20 ans) sont possibles, mais l'histoire naturelle de la maladie est la progression vers un authentique myélome multiple.

Le plasmocytome extra-osseux prend le plus souvent naissance dans le sous-épithélium des voies aériennes supérieures, parfois d'autres tissus mous (testicule, etc.). Après un traitement local bien conduit, son évolution vers un authentique myélome multiple est beaucoup plus rare, la dissémination se faisant plutôt comme celle d'un cancer.

5 . 2 . 4 . 3  -  La leucémie à plasmocytes

Elle réalise un tableau de leucémie aiguë (signes généraux, fièvre, insuffisance médullaire) avec une plasmocytose sanguine supérieure à 20 %. Son pronostic est sombre.

5 . 2 . 5  -  Évolution et pronostic

L'évolution du myélome est invariablement fatale. Si chacune des complications énumérées plus tôt est susceptible d'être fatale, les causes principales de décès sont les infections et de la progression du syndrome tumoral. En l'absence de traitement, la survie médiane est d'environ 6 mois. Il est classique de prévoir une survie médiane de 3 ans en cas de réponse au traitement initial, et de le réduire de moitié dans le cas contraire ou en présence d'une atteinte organique significative lors du diagnostic. Un quart des patients survit plus de 5 ans, moins de 5 % d'entre eux vit plus de 10 ans. Ces chiffres bruts recouvrent, on s'en doute, des situations bien différentes que les groupes coopératifs s'attachent à distinguer.

La classification clinique de Salmon et Durie tente de corréler un certain nombre de paramètres courants à l'intensité de la masse tumorale. Encore utile, elle a depuis longtemps dévoilé ses insuffisances. La combinaison du taux circulant de Beta2microglobuline et de l'index de marquage des plasmocytes lorsque sa mesure est possible est sans doute plus précise. Des valeurs faibles de ces 2 paramètres laissent espérer une survie supérieure à 6 ans.

Plus récemment, l'existence en cytogénétique conventionnelle ou en FISH d'une délétion partielle du chromosome 13 comporte - surtout lorsqu'elle est associée à une élévation de la Beta2microglobuline-une valeur pronostique péjorative. L'accord n'est pas fait sur la portion critique du chromosome, même si 13q14 semble incriminé.

5 . 3  -  Traitement

5 . 3 . 1  -  Principes

Les gammapathies monoclonales ne doivent en aucun cas recevoir de traitement avant que la preuve de leur malignité ait été apportée. Tous les patients répondant aux critères minimaux du diagnostic de myélome ne doivent pas être traités d'emblée : l'indication apparaît lorsque la masse tumorale devient importante, ce qui correspond grossièrement au stade II ou III de la classification de Salmon et Durie, ou en présence d'une complication.

5 . 3 . 2  -  Moyens

La polychimiothérapie représente le moyen thérapeutique le plus utilisé. Le traitement de référence, ambulatoire, a été décrit par Alexanian en 1969 et associe des cures de 4 jours associant melphalan (8mg/m2/j) et prednisone (40 mg/m2/j), l'intervalle historique de 6 semaines étant dans les faits devenu mensuel. Une réponse est objectivable pour 50-60 % des patients, elle est habituellement entretenue par la poursuite de ce traitement jusqu'à l'obtention d'une phase de plateau et en tout cas au moins un an. Ce qui expose au risque d'une myélodysplasie voire d'une leucémie aiguë secondaire. Des polychimiothérapies intraveineuses séquentielles introduisant vincristine, cyclophosphamide et anthracyclines ont également été beaucoup prescrites, pour être progressivement supplantées par le VAD, initialement proposé en traitement des rechutes. Ce traitement repose sur la perfusion continue de faibles doses d'adriamycine (9 mg/m2/j) et de vincristine (0,4 mg/m2/j) pendant 4 jours et sur des assauts de 40 mg/jX4j de dexaméthasone eux-mêmes espacés par des périodes de 4 jours au moins les 2 premiers cycles. Les rémissions obtenues sont partielles et transitoires. L'Interféron alpha été proposé pendant les années 90 en tant que traitement d'entretien, mais est aujourd'hui abandonné dans cette indication. Le thalidomide à une dose allant de 200 à 800mg/j est efficace dans près d'un tiers des situations de rechute, la réponse chez les patients répondeurs étant durable. Il agirait en réduisant la néoangiogenèse tumorale.

La radiothérapie à une dose équivalente à 20-25 Grays en étalement classique permet de contrôler un processus douloureux et/ou tumoral localisé non contrôlé par la chimiothérapie.

L'autogreffe de cellules-souches hématopoïétiques permet d'obtenir (au prix d'une mortalité initiale non-négligeable) d'authentiques rémissions complètes dans plus d'un quart des cas, et une survie sans progression à 3 ans de l'ordre de 60 %, avec cependant une médiane de survie qui n'est pas vraiment affectée, parfois très prolongée, mais la rechute (inéluctable) immunologique pouvant précéder longtemps la rechute clinique. Le traitement par double autogreffe ne semble pas apporter de bénéfice supplémentaire, sauf peut-être aux patients dont le taux de Beta2microglobuline au diagnostic est faible. La sélection positive des cellules CD34+ avant congélation du greffon a été explorée comme un moyen de purge in vitro des cellules tumorales mais les résultats obtenus ne sont guère convaincants. En ce qui concerne les allogreffes de moelle, il existe un effet allogénique antitumoral indéniable, in vivo comme in vitro. Cependant l'âge médian de survenue de la maladie ne leur laisse pour l'instant qu'une place modeste car leur conditionnement est très toxique. L'évaluation de greffes à conditionnement atténué est en cours.

Plusieurs modèles de vaccination antitumorale et de thérapie cellulaire sont explorés au laboratoire (interruption du signal Ras par la farnesyl transférase, perturbation de la croissance sous IL6…) et dans certains essais thérapeutiques en cours.

Les traitements spécifiques de l'anémie par transfusion ou érythropoïétine, des infections, des douleurs osseuses, de l'hypercalcémie par bisphosphonates et hyperdiurèse alcaline voire d'une compression médullaire ou d'une insuffisance rénale s'articulent avec les thérapeutiques cytolytiques.

Il est cependant nécessaire de considérer à part le rôle des bisphosphonates en tant qu'inhibiteurs de la résorption osseuse ostéoclastique. Au cours d'études contrôlées, le pamidronate associé à une chimiothérapie a montré une réduction significative des complications osseuses et des douleurs correspondantes, et pourrait allonger l'espérance de survie. Les molécules de 3e génération comme le zolédronate sont encore plus prometteuses.

5 . 4  -  Maladie de Waldenström

La macroglobulinémie de Waldenström est un variant du lymphome lymphocytique ou lymphoplasmocytaire dans lequel les cellules néoplasiques synthétisent de grandes quantités d'IgM monoclonale. Dans cette situation, le patient est susceptible, à côté du syndrome tumoral classique, de développer des signes cliniques directement liés à cette IgM soit par son aspect quantitatif (syndrome d'hyperviscosité) soit du fait de son activité immunologique qu'elle soit dirigée contre des autoantigènes du système nerveux ou qu'elle ait les caractéristiques d'une agglutinine froide ou d'une cryoglobuline. Ces complications peuvent être inaugurales et se voir en général avant que le diagnostic de MW soit possible, donc dans des IgM apparemment primitives.

Les troubles hémorragiques sont liés à la présence des IgM à la surface plaquettaire, entravant l'hémostase primaire. L'hémodilution est responsable d'une anémie régulièrement surévaluée. Il y a exceptionnellement un syndrome osseux.

L'activité antiprotéine de myéline est responsable de paresthésies distales des quatre membres, prédominant le plus souvent aux membres inférieurs, extrêmement gênantes et accompagnées au cours de l'évolution de signes sensitifs superficiels et profonds voire moteurs. Une régression partielle sous l'effet du traitement est possible si celui-ci a été suffisamment précoce.

5/6