2  -  Diagnostic biologique

Avant d'envisager le diagnostic biologique proprement dit, nous passerons en revue les différentes anomalies biologiques évocatrices de la présence d'une Ig monoclonale, puis les différents types de prélèvements et leur mode d'acheminement.

2 . 1  -  Anomalies biologiques évocatrices

En dehors des circonstances cliniques évocatrices (altération de l'état général, douleurs osseuses, compression médullaire lente…), certaines anomalies biologiques d'examens usuels peuvent faire suspecter la présence d'une immunoglobuline monoclonale.
- VS > 80 mm à la première heure.
Rappelons cependant que trois formes de myélome ne s'accompagnent pas (sauf anémie) d'accélération de la vitesse de sédimentation en raison de l'absence, réelle ou artéfactuelle, de composant monoclonal dans le sérum. Par ordre de fréquence ce sont :

  • myélome à chaînes légères où le composant monoclonal en faible abondance est en général uniquement détectable dans les urines.
  • les immunoglobulines monoclonales à activité cryoprécipitante, quand les mauvaises conditions de prélèvement conduisent à la prise de la cryoglobuline dans le caillot lors de l'exsudation du sérum.
  • myélome non excrétant :
    • hématies en rouleaux, anémie inexpliquée,
    • hypercalcémie,
    • hyperprotidémie,
    • hyperviscosité,
    • anomalies de l'électrophorèse des protéines (cf infra). La nomenclature permet au biologiste de pratiquer une immunoélectrophorèse et/ou une immunofixation à sa propre initiative si l'électrophorèse est évocatrice. Il en va de même pour la réalisation d'une électrophorèse au vu de dosages perturbés d'immunoglobulines,
    • découverte fortuite d'une cryoglobuline dans un prélèvement conservé à +4°C,
    • bande étroite à l'électrophorèse des urines,
    • (auto)-anticorps de titre très élevé : la règle est de faire au moins une électrophorèse sur un sérum contenant un tel (auto)-anticorps.

2 . 2  -  Les prélèvements

 La nature des tubes requis pour les analyses immunologiques varie selon le type d'exploration envisagée.

La plupart des explorations sanguines d'immunochimie sont effectuées sur du sérum et le recueil de l'échantillon primaire est donc effectué sur un tube sec.
 
Ceci est vrai, entre autre, pour l'analyse qualitative des immunoglobulines (immunoélectrophorèse, immunofixation) et leur analyse quantitative (dosage néphélémétrique).

Quelques particularités sont cependant à connaître.

2 . 2 . 1  -  Le sérum

Bien que le plasma soit le liquide extracellulaire physiologique, en immunologie, le sérum reste l'échantillon de référence. Un piège classique est la présence de fibrinogène en cas de traitement anticoagulant important ou d'erreur de prélèvement, beaucoup plus banale. Il en résulte un pic en b à l'électrophorèse, bien évidemment non typable par la batterie d'anti-sérums spécifiques des chaînes d'immunoglobulines en immunoélectrophorèse. Le sang total est recueilli sur tube sec, sans anticoagulant, souvent sur gel séparateur. Le volume de sang à prélever est un sujet d'interrogation fréquent. Un tube de 7 ml correctement rempli est suffisant pour le dosage de tous les isotypes d'immunoglobulines et la recherche d'immunoglobulines monoclonales. Si le dosage de l'IgD est prescrit, il est conseillé de placer des inhibiteurs enzymatiques dans le tube de recueil, en raison de la susceptibilité théorique de cet isotype à la protéolyse.(notons que le dosage de l'IgD a surtout un intérêt dans des circonstances qui n'ont rien à voir avec le myélome (syndrome d'hyper IgD ou HIDS). En cas de pic de classe IgD, celui-ci est mieux quantifié par la simple électrophorèse. Pour la recherche de cryoglobuline, il est préférable de partir d'au moins deux tubes de 7 ml. Pour les enfants, il est impératif de rappeler que, compte tenu de l'ontogénie et du délai d'apparition des différents isotypes d'immunoglobulines, il est quasiment inutile de prescrire une analyse immunoélectrophorétique du sérum, ceci pour deux raisons : les anomalies qualitatives détectées par ce genre d'examen sont exceptionnelles chez l'enfant, sauf en cas de déficit immunitaire, qui doit être évoqué en cas de découverte fortuite d'une Ig monoclonale, d'une part, et d'autre part cet examen est toujours effectué en comparaison avec un sérum humain normal d'adulte. Mieux vaut donc chez l'enfant demander un dosage pondéral des immunoglobulines qui sera interprété en fonction de normes d'enfants du même âge. De même, le dosage des sous-classes d'IgG, réalisé au mieux par des méthodes Elisa dans des laboratoires experts bien au fait de la spécificité des anticorps monoclonaux utilisés, n'est réalisable que lorsque le taux global des IgG a atteint un seuil significatif vers l'âge de 1 à 2 ans. Toute prescription chez un nourrisson d'un âge inférieur doit être récusée, car ininterprétable, notamment pour les sous-classes IgG2 et IgG4. La deuxième condition préalable pour cette analyse concerne le délai d'acheminement, qui doit être le plus court possible compte tenu de l'instabilité de certains isotypes (IgG3).

2 . 2 . 2  -  Les urines

Lors de toute suspicion de gammapathie monoclonale il est impératif de coupler l'analyse immunoélectrophorétique des urines à celle du sérum. Seule cette analyse conjointe permet d'identifier avec certitude la présence d'une protéine de Bence Jones (chaîne légère libre monoclonale de même type que l'immunoglobuline monoclonale sérique, qu'elle soit complète ou uniquement composée de chaîne légère), qui peut n'être détectable que dans les urines.

La recherche d'une protéinurie, surtout avec la technique des bandelettes, n'est pas un moyen valable de dépistage d'une anomalie monoclonale des Ig (PBJ). La quantité de protéines due à une PBJ est souvent modérée, mais surtout le principe de la mise en évidence des protéines dans les urines par les bandelettes (mesure du pouvoir tampon des protéines ) est pris en défaut par certaines PBJ.
 
Les urines de 24 heures, exemptes de sang, sont recueillies sur antiseptique., conservées à froid pendant le recueil et transportées dans la glace au laboratoire. Le non-respect de ces conditions crée un risque majeur de protéolyse qui peut rendre l'étude ininterprétable. L'échantillon, destiné à l'analyse immunoélectrophorétique, doit être représentatif de la diurèse des 24 heures, car l'excrétion des chaînes légères varie au cours du nycthémère. Cet échantillon nécessite d'être concentré (à +4°C si la concentration dure longtemps), soit par dialyse contre une solution hypertonique, soit par concentration sur une membrane sélectionnant la masse moléculaire des analytes (avec un risque de la fuite des protéines de bas poids moléculaires ou l'adsorption de certaines protéines, et en particulier des PBJ, sur certaines membranes). En cas de protéinurie non-mesurable, il faut concentrer environ 1000 fois les urines. La nomenclature des actes médicaux indique de ne pas effectuer l'étude dans ce cas, ce qui est un non-sens, en raison notamment du fait que la découverte d'une PBJ, y compris au sein d'une protéinurie nulle, est fortement indicative de prolifération maligne.

2 . 2 . 3  -  Le Liquide Céphalo-Rachidien (LCR)

Le liquide céphalo-rachidien peut être le substrat de l'exploration des immunoglobulines dans le diagnostic des méningites ou de certaines maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques. Quelques centaines de microlitres sont alors suffisants, prélevés sur un flacon isolé lors de la ponction lombaire.

2 . 2 . 4  -  Autres liquides

On peut être amené beaucoup plus rarement à travailler sur des liquides d'épanchement ou de secrétion, moyennant des précautions qui sont rappelées dans la référence.

2 . 2 . 5  -  L'acheminement, les conditions de transport et de conservation

Pour l'analyse qualitative et les dosages des immunoglobulines, à l'exception des cryoglobulines, des dosages des IgD et des IgG3, le prélèvement, s'il est effectué en dehors du laboratoire, peut être acheminé par des circuits habituels. Après centrifugation à 1200-1500 g, le sérum est décanté et conservé dans autant de tubes secondaires que d'analyse, correctement identifiés, au besoin en présence d'azoture de sodium pour quelques jours à +4° C, sinon à –20° C. La recherche de cryoglobuline, tout comme le dosage du complément et les explorations cellulaires, est le type de prélèvement qui doit court-circuiter un système commun de ramassage, et d'enregistrement s'il existe un centre de tri commun, et être apporté le plus rapidement possible au laboratoire d'Immunologie. Les cryoglobulines sont un groupe particulier d'Ig ayant la propriété de précipiter à basse température. Le cryoprécipité ainsi formé est réversible en ramenant la température de l'échantillon de sérum à 37° C. Leur caractérisation impose donc de ne pas rompre la « chaîne du chaud » en gardant la température constante à 37° C pendant toutes les opérations qui vont du recueil du sang sur tube sec jusqu'à l'obtention du sérum. Après prélèvement les tubes doivent donc être maintenus à 37° C (enveloppés dans du coton cardé ou mieux immergés, scellés sous plastique, dans une bouteille thermos contenant de l'eau à température idoine), transportés directement au laboratoire où l'exsudation du sérum se fera dans une étuve à 37° C et la décantation par centrifugation dans une centrifugeuse thermostatée maintenue à 37° C.

2 . 3  -  Étude de la charge : l'électrophorèse

2 . 3 . 1  -  L'électrophorèse des protéines sériques

2 . 3 . 1 . 1  -  Résultats

L'électrophorèse sur couche mince d'agarose donne une meilleure résolution que sur support classique (acétate de cellulose). La migration se fait en tampon alcalin de faible molarité pour diminuer l'effet Joule. La quantité d'échantillon à déposer est fonction du colorant utilisé, moindre pour le noir amide que pour le rouge ponceau.

L'immunoglobuline monoclonale donne, en règle, une bande étroite (pic électrophorétique) en raison de son homogénéité de charge, généralement dans les b- ou les g-globulines.
 
L'enregistrement densitométrique est plus difficile à évaluer que la simple analyse du tracé : une augmentation des a2- ou des b-globulines est parfois interprétée à tort comme un pic.

La séméiologie électrophorétique des immunoglobulines monoclonales se résume à deux signes :

  • un pic, qu'il est préférable de quantifier par intégration (planimétrie), plutôt que par néphélémétrie (cf infra), mais qui n'est pas toujours visible.
  • une hypogammaglobulinémie résiduelle secondaire, qui peut apparaître isolée (protéine de Bence Jones indétectable dans le sérum, IgA monoclonale masquée dans les b-globulines). Toute hypogammaglobulinémie, chez un sujet de 45 ans et plus, doit faire rechercher une immunoglobuline monoclonale, qu'il y ait ou non un pic à l'électrophorèse.

 
Bien que toute augmentation des concentrations d'IgG accélère le catabolisme des Ig de cette classe et diminue donc la concentration des IgG normales en cas d'IgG monoclonale abondante, la présence d'une hypoimmunoglobulinémie polyclonale est en faveur d'une affection maligne.

L'électrophorèse est le premier temps indispensable de l'analyse immunoélectrophorétique. Au vu de l'existence d'un pic, on se doit d'en préciser l'importance (appréciation subjective semi-quantitative), la position et le retentissement sur les gammaglobulines.

2 . 3 . 1 . 2  -  Principaux pièges

Les principaux pièges sont :

  • la présence de fibrinogène (cf. supra) ;
  • l'augmentation des a2- ou des b-globulines (transferrine, composant C3 du complément, b-lipoprotéines, hémolyse importante) ;
  • pic masqué dans les bêta (petite IgA monoclonale) : dans ce cas la baisse des IgA résiduelles peut attirer l'attention, sous forme d'une décoloration trop accentuée de la zone bg ;
  • absence de pic en cas d'immunoglobuline monoclonale à activité cryoprécipitante pour non-respect des conditions de prélèvement ;
  • existence de formes diversement polymérisées d'une immunoglobuline monoclonale, responsables de plusieurs pics ;
  • complexation de l'immunoglobuline monoclonale à d'autres protéines, lui faisant perdre son homogénéité de charge : a1-anti-trypsine pour les chaînes légères, facteurs rhumatoïdes monoclonaux ;
  • hétérogénéité de séquence aminoterminale (due à une dégradation post-synthétique limitée) et polymérisation dans certains cas de maladies des chaînes lourdes.


En conclusion rappelons qu'une électrophorèse sérique normale n'exclut pas le diagnostic d'immunoglobuline monoclonale : une chaîne légère libre en petite quantité peut n'être détectée que dans les urines. C'est dire toute l'importance des renseignements cliniques et de l'analyse conjointe des urines. La prescription, argumentée par le clinicien, de recherche d'immunoglobuline monoclonale impose de poursuivre l'analyse, même si l'électrophorèse sérique semble normale.

2 . 3 . 2  -  L'électrophorèse des protéines urinaires

Le biologiste doit être averti que les méthodes de détection par bandelette de la protéinurie sont souvent prises en défaut pour une excrétion urinaire de chaînes légères isolées.

Le principal obstacle à une interprétation correcte de cet examen est la présence de sang dans les urines.

En cas de chaîne légère libre sérique et urinaire, le pic dans le sérum et les urines a la même mobilité électrophorétique, et le plus souvent, est plus important dans les urines.

2 . 4  -  Caractérisation isotypique

2 . 4 . 1  -  L'immunoélectrophorèse

2 . 4 . 1 . 1  -  Principe

Méthode de référence, cette technique a été mise au point par Grabar et Williams dans les années 50, et adaptée en microméthode par Scheidegger. Il s'agit d'une réaction d'immunoprécipitation en milieu gélifié. Le premier temps consiste en une migration électrophorétique en gel d'agarose ou de gélose après dépôt de la solution à analyser dans un puits. Cette migration est effectuée en tampon alcalin de faible molarité. À la fin de la migration une rigole transversale est creusée dans la gélose et un antisérum y est déposé. Ce deuxième temps immunologique consiste donc en une double diffusion dans un plan perpendiculaire à l'axe de migration électrophorétique.

Aux zones d'équivalence respectives il se forme autant d'arcs de précipitation qu'il y a de systèmes antigène-anticorps. Initialement les protéines sont séparées selon leur charge, et se répartissent selon le profil électrophorétique habituel, des plus négatives au plus positives : albumine, a1-, a2-, b- et g- globulines. L'utilisation d'antisérums globaux, reconnaissant toutes les protéines du sérum humain, permet ensuite de démembrer chaque groupe en visualisant les arcs respectifs de précipitation. L'analyse peut être poursuivie, en cas de pic à l'électrophorèse ou d'anomalie à l'IEL,, en utilisant des antisérums monospécifiques de chaque chaîne lourde et de chaque chaîne légère des immunoglobulines. L'homogénéité de charge de l'immunoglobuline monoclonale entraîne une incurvation de l'arc de précipitation contrastant avec la courbure harmonieuse et régulière des immunoglobulines polyclonales, anomalie qui se retrouve dans la même zone de migration pour une seule chaîne lourde et une seule chaîne légère pour un sérum donné en cas d'immunoglobuline monoclonale complète (Figure 1).

Cette analyse est toujours effectuée en comparaison avec un sérum humain normal, pour les trois isotypes majeurs (IgG, IgA et IgM). Compte-tenu des concentrations physiologiques inférieures au seuil de sensibilité de l'immunoélectrophorèse, l'étude pour les IgD et les IgE est faîte en comparaison avec une immunoglobuline monoclonale connue de l'isotype concerné, et non avec le sérum humain normal. À noter que les antisérums anti-Ig polyvalents ne reconnaissent en général pas les chaînes légères libres ; l'identification de ces dernières nécessite l'emploi d'antisérums monospécifiques.

L'étude du sérum doit toujours être couplée à celle des urines en cas de suspicion de gammapathie monoclonale. En effet, dans la majorité des cas de myélome à Bence Jones, il peut arriver que la chaîne légère monoclonale sérique ne soit pas détectable, car trop minime, parfois sans hypogammaglobulinémie conséquente : seule l'analyse des urines permet alors de redresser le diagnostic en visualisant un important pic correspondant à des chaînes légères d'un seul type (Figure 2).

Malgré l'emploi d'immunsérum polyvalent et l'étude comparative avec un sérum humain normal, ou, en cas d'immunoglobuline monoclonale connue, avec l'échantillon de sérum précédent conservé en sérothèque, l'immunoélectrophorèse, ne peut être considérée comme quantitative et reste une méthode d'analyse essentiellement qualitative ou semi-quantitative.

Elle a comme principaux inconvénients d'avoir un délai de réponse long de par sa méthodologie (au moins trois jours), d'être difficilement automatisable et de nécessiter une grande expertise pour sa réalisation et son interprétation. Comme l'immunofixation, elle est soumise aux causes d'erreur des techniques de précipitation (excès d'antigène, etc.).

2 . 4 . 1 . 2  -  Immunoélectrophorèse du sérum

L'exploration d'un sérum s'articule autour d'une première étape associant une électrophorèse, une immunofixation (cf infra) ou une immunoélectrophorèse avec un antisérum dit pentavalent (mélange de 5 antisérums spécifiques respectivement dirigés contre les trois isotypes majeurs de chaîne lourde [a, g et m] et les deux isotypes de chaînes légères [k et l]) et une immunoélectrophorèse avec un antisérum polyvalent anti-protéines humaines sériques (Figure 3).

Il est impératif d'examiner les lames non seulement après lavage, fixation et coloration, mais aussi à l'état frais, après 24 heures de diffusion : en effet certains arcs, en excès d'antigène, peuvent se redissoudre ultérieurement (phénomène de zone).


La présence d'une anomalie de courbure sur l'un des arcs d'immunoglobulines, associée à la présence d'un pic sur l'électrophorèse et l'immunofixation de dépistage amène à poursuivre l'analyse à l'aide d'anti-sérums spécifiques de chaînes lourdes (des trois isotypes majeurs, cf. supra) et de chaînes légères.
 
Dans les rares cas d'anomalies de structure de l' immunoglobuline monoclonale (maladies des chaînes lourdes), l'immunoélectrophorèse peut permettre de les repérer grâce aux principes des réactions d'identité totale ou partielle entre les différents arcs de précipitation.
L'interprétation de cet examen requiert expérience et compétence : les difficultés et les pièges sont nombreux.

La première difficulté est représentée par le typage des IgM monoclonales. Ces dernières sont parfois responsables d'un dépôt euglobulinique autour du godet de départ par précipitation, secondaire à la basse molarité du tampon utilisé. Ce dépôt diminue d'autant la quantité de matériel antigénique, au point parfois de compromettre le typage. Par ailleurs, en cas de relative conservation des IgG, les chaînes légères de ces dernières consomment les antisérums spécifiques avant leur rencontre avec l'IgM monoclonale (effet ²parapluie²). La dépolymérisation de l'IgM (si elle est abondante) par un agent réducteur (b2-mercaptho-éthanol) ou classiquement une séparation physique des IgG et des IgM par gel-filtration (sur Séphadex G-200, réservée à des laboratoires spécialisés) ou ultracentrifugation permettent de circonvenir cet obstacle. Actuellement l'immunofixation ou l'immunoblot permettent le plus souvent ce typage.

La deuxième difficulté est celle du diagnostic de protéine de Bence Jones sérique. Pour une chaîne légère libre monoclonale sérique en faible quantité, le pic électrophorétique peut être confondu dans la zone des b-globulines et ne pas entraîner de baisse des immunoglobulines physiologiques résiduelles. Dans ce cas le tracé immunoélectrophorétique peut aussi être non informatif et interprété à tort comme normal : en effet la plupart des antisérums polyvalents anti-protéines humaines ne détectent pas, ou mal, les chaînes légères libres. Seuls des renseignements cliniques évocateurs, et l'analyse conjointe des urines permettent de redresser le diagnostic en conduisant à l'utilisation des antisérums spécifiques de chaînes légères pour l'analyse du sérum ; même si la réalisation systématique d'une immunofixation avec un immunsérum pentavalent poursuit le même objectif.

Le diagnostic de protéine de Bence Jones ne pourra cependant être affirmée qu'après avoir formellement exclu, à l'aide d'antisérums spécifique celui d'immunoglobuline monoclonale de classe IgD (tout particulièrement si La BJ est de type l car 9/10 des IgD monoclonale sont de ce type) ou IgE.

Il peut arriver, vraisemblablement pour des raisons d'accessibilité dans la molécule, qu'il soit difficile de mettre en évidence les chaînes légères (lambda plus que kappa) des IgA monoclonales, voire des IgM.

Comparativement à l'immunofixation, l'immunoélectrophorèse a des limites de détection plus élevées et un délai de réponse plus long. Cependant, dans les mains d'un professionnel averti, elle seule peut donner des informations que les autres méthodes (n'utilisant pas la diffusion en gel) ne peuvent apporter, notamment sur les autres protéines sériques ou sur les immunoglobulines de structures particulières (maladies des chaînes lourdes).

2 . 4 . 1 . 3  -  Immunoélectrophorèse des urines

L'examen des urines est le complément indispensable de l'analyse immunoélectrophorétique du sérum en cas de suspicion de gammapathie monoclonale, pour rechercher une protéinurie de Bence Jones.

Le test de thermosolubilité est désormais abandonné, car manquant de sensibilité. En cas de protéine de Bence Jones sérique et urinaire, les pics électrophérétiques sont de même migration, et, en règle, le pic urinaire est plus important.
 
Le principal piège méthodologique réside dans l'incapacité de la plupart des antisérums polyvalents anti-sérum humain de détecter les chaînes légères libres : l'emploi d'antisérums spécifiques anti-k et anti-l doit donc être systématique. L'absence de protéinurie de Bence Jones en cas de chaînes légères libres sériques monoclonales documentées, est exceptionnelle. Si l'échantillon urinaire a été recueilli correctement deux hypothèses peuvent être envisagées : un dépôt intra-rénal des chaînes légères, documenté sur la ponction-biopsie rénale, ou une polymérisation, qui leur fait dépasser le seuil de filtration glomérulaire, et doit conduire à l'analyse de poids moléculaire par électrophorèse en gel de polyacrylamide-SDS. Enfin, de part son utilisation d'un immunsérum polyvalent anti-protéines humaines sériques, cette analyse est prise en défaut par les protéines spécifiquement urinaires, telle que la protéine de Tamm et Horsfall (ou uromucoide) : il existe un dépôt à l'électrophorèse, mais pas d'arc à l'immunoélectrophorèse.

2 . 4 . 2  -  L'immunofixation

L'immunofixation, qui est une variante méthodologique de l'immunoélectrophorèse, a l'avantage d'être plus rapide (délai de réponse en trois heures), un peu plus sensible, en partie automatisable et donc accessible à un plus grand nombre de laboratoires. C'est la méthode adoptée par les laboratoires polyvalents.
 
La première étape est identique et consiste en une migration électrophorétique du sérum dans un gel d'agarose. La deuxième étape, proprement immunologique, diffère, puisque l'anticorps spécifique est déposé à la surface du gel dans lequel il va pénétrer. Un précipité va se former s'il y rencontre son antigène. Les complexes antigène-anticorps sont piégés directement dans le gel, ce qui élimine certains inconvénients de l'immunodiffusion ; c'est là la principale différence avec l’immunoélectrophorèse. Il n'y a notamment pas d'effet « parapluie », ce qui peut faciliter le typage des IgM. Après lavage le précipité est coloré par un colorant spécifique des protéines.

On peut soit adapter les dilutions de l'échantillon pour atteindre une fourchette de 0,5 à 2 g/l d'immunoglobuline monoclonale suspectée, soit adapter celle des antisérums pour être dans la zone d'équivalence afin soit d'éviter les phénomènes de zone en large excès d'antigène, soit de typer un faible renforcement au sein d'une hypogammaglobulinémie.

La préincubation du sérum avec un volume adapté d'antisérums anti-chaîne légère permet, dans certains cas de gammapathie biclonale de migration identique, d'affirmer l'existence des deux immunoglobulines monoclonales de même classe si les isotypes de chaînes légères diffèrent (Figure 4).


Cette technique est principalement utilisée pour caractériser les immunoglobulines monoclonales. Elle a comme principaux inconvénients, comparée à l'immunoélectrophorèse, de totalement ignorer l'exploration des protéines sériques autres que les immunoglobulines et, surtout d'être largement utilisée (en raison de sa facilité d'exécution) par des explorateurs peu compétents et qui en ignorent les difficultés, ce qui est la cause de fréquentes erreurs de diagnostic et d'interprétation.

2 . 4 . 3  -  L'immuno-empreinte sur nitrocellulose

Cette technique artisanale est réservée à des laboratoires spécialisés. Elle nécessite la parfaite maîtrise du Western blot. Elle est beaucoup plus sensible et plus discriminative que l'immunoélectrophorèse et l'immunofixation, ce qui permet d'étudier les urines ou le LCR sans concentration préalable. À l'inverse, elle détecte encore plus que l'immunofixation des petits pics dans des circonstances très variées et notamment chez des sujets sains âgés de plus de 70 ans avec une fréquence proche de 70 %. Elle a en outre l'avantage de permettre l'utilisation d'anticorps non précipitants, tels que les anticorps monoclonaux, d'éviter les phénomènes de zone, d'être réversible et ainsi de permettre plusieurs typages sur une même bandelette.

2/6