4  -  Complications

4 . 1  -  Complications liées à l'immunoglobuline monoclonale

De par sa concentration, son activité anticorps, ses propriétés physico-chimiques et sa grande capacité à se déposer, l'Ig monoclonale peut à elle seule induire des désordres pathologiques.

4 . 1 . 1  -  Cryoglobulines

4 . 1 . 1 . 1  -  Définition

Les cryoglobulines sont des Ig qui précipitent à basse température.
 
Elles doivent être différenciées des autres cryoprotéines : le cryofibrinogène. Les agglutinines froides, le plus souvent de type IgM, peuvent être cryoprécipitantes.

La qualité du rendu du résultat d'une recherche de cryoglobuline est directement liée au respect d'un protocole strict lors du prélèvement de sang : tout écart à cette procédure peut entraîner un résultat faussement négatif par cryoprécipitation dans le matériel de prélèvement ou au sein du caillot.
 
L'étape pré-analytique de cette recherche est du domaine de tout laboratoire de biologie, pourvu qu'il respecte la procédure de prélèvement : la caractérisation ultérieure doit de préférence être réalisé dans un laboratoire spécialisé.

4 . 1 . 1 . 2  -  Modalités pratiques de prélèvement

Ä Cryoglobuline Ü Mise en évidence Au moins deux tubes secs de 7 ml (parfois beaucoup plus dans le cas de cryoglobulines très peu abondantes) sont prélevés chez un patient à jeun de préférence avec une aiguille et une seringue préchauffée à 37° C. La recherche peut être répétée à plusieurs jours d'intervalle, le phénomène de cryoprécipitation pouvant être intermittent. La mise en évidence de la cryoglobuline repose sur l'observation régulière du sérum à + 4° C, au mieux conservé en tube fin incliné à 45°, pendant au moins 8 jours et parfois 14 jours,, ceci en raison de la cinétique parfois longue de précipitation de certaines cryoglobulines peu abondantes (la vitesse et la température de précipitation, parfois élevée, avec risque d'accidents dramatiques, sont en partie fonction de la concentration de la cryoglobuline). La positivité se traduit par l'apparition d'un précipité donnant un aspect en volutes de fumée lorsqu'il est remis en suspension, ou plus rarement d'un gel, qui se resolubilise totalement après réchauffement à 37°C. Après décantation du sérum, une fraction aliquote est mise de côté pour la réalisation d'une immunoélectrophorèse, en cas de cryoglobulinémie avérée, afin de pouvoir la typer (présence ou non d'une immunoglobuline monoclonale). L'ensemble des manipulations devra être effectué à +37°C. Ü Dosage et typage ÞDosage du cryoprécipité Le dosage peut se faire avant tout lavage, dans l'incertitude cependant de ce que l'on dose Il peut se faire par l'estimation du cryocrite (volume occupé par le cryoprécipité dans des tubes spécifiquement dédiés [tubes de Félix]), estimation imprécise pour les cryoglobulines de faible abondance, d'autant que la capacité de compression en cours de centrifugation varie d'une cryoglobuline à l'autre, ou mieux par la lecture de l'absorbance à 280 nm en utilisant le coefficient d'extinction des g-globulines, qui n'est néanmoins pas entièrement fiable en raison de la présence possible d'autres protéines et de la perte aléatoire de matériel au cours des lavages.. Þ Typage Il se fait après plusieurs lavages successifs avec du sérum physiologiques à + 4°C suivis de centrifugation à la même température pour éliminer les protéines contaminantes. Le typage immunochimique, à l'aide d'antisérums spécifiques des chaînes lourdes et légères d'immunoglobuline, peut se faire soit selon la technique d'immunodiffusion double d'Ouchterlony, soit en immunofixation, immuno-électrophorèse ou western blot, et électrophorèse.

Elle aboutit à la classification en trois types :

  • type I : un seul composant, monoclonal,
  • type II : un composant monoclonal et des immunoglobulines polyclonales,
  • type III : que des immunoglobulines polyclonales.

 
Cryofibrinogène : le cryofibrinogène se forme dans le plasma et est composé de : fibrine, fibrinogène, produits de dégradation de la fibrine, albumine, fibronectine, immunoglobulines, facteur VIII et d'autres protéines plasmatiques. Touchant 2 à 8% des sujets sains, sa prévalence est estimée dans une étude récente à 27% des sujets présentant des signes cliniques évocateurs de cryoprotéine. Portant sur 30 patients avec une cryofibrinogénémie isolée et 19 avec une association cryofibrinogène/cryglobuline cette étude retrouve une prédominance de signes cutanés (ulcérations récidivantes à l'exposition au froid) en cas de cryofibrinogénémie idiopathique, qu'elle soit isolée ou associée à une cryoglobuline. Ces formes associées sont plus volontiers secondaires à des maladies infectieuses, des connectivites mixtes, des maladies malignes. La composition du cryoprécipité varie aussi selon le statut : prédominance des immunoglobulines en cas d'association, et alors de même(s) classe(s) que celle(s) de la cryoglobuline, fibronectine en cas de cryofibrinogénémie isolée. Beaucoup plus rarement demandée, cette recherche doit se faire en respectant les mêmes règles thermiques que celle des cryoglobulines. Le sang est recueilli sur anticoagulant (citraté, oxalate ou EDTA), mais non héparine, car celle-ci précipite le cryofibrinogène. La recherche concomitante de cryoglobuline sur sérum est obligatoire pour l'interprétation.

4 . 1 . 2  -  Immunoglobulines monoclonales à activité anticorps identifiée

Lorsqu'elle a été identifiée, l'activité anticorps des Ig monoclonales est caractérisée par une grande fréquence des activités auto-anticorps.
Cela se conçoit bien dans la leucémie lymphoïde chronique, dans laquelle la prolifération lymphocytaire se fait à partir d'une sous-population particulière de lymphocyte B, les lymphocytes B1 ou CD5, produisant normalement des auto-anticorps (dirigés par exemple contre des substances de groupes sanguins et responsables d'anémies hémolytiques auto-immunes).
Une mention spéciale doit être faite pour les activités antimyéline portée par des IgM monoclonales, isolées ou entrant dans le cadre d'une maladie de Waldenström.

4 . 1 . 3  -  Hyperviscosité

Certaines immunoglobulines monoclonales, le plus souvent des IgM, en raison de leur concentration élevée, mais aussi pour des raisons biochimiques (polymérisation…) sont responsables d'un syndrome clinique d'hyperviscosité. Il est donc plus fréquent dans la maladie de Waldenström.

Ce syndrome d'hyperviscosité donne quelquefois lieu à des manifestations cliniques caricaturales : la physiopathologie en est aisément accessible. Il peut justifier la réalisation d'échanges plasmatiques dans une atmosphère d'urgence. Il se manifeste par :

  • des saignements anormaux, notamment purpura ou hémorragie muqueuse,
  • des perturbations visuelles avec dilatation ou segmentation des veines rétiniennes, hémorragie et parfois œdème papillaire,
  • des troubles des fonctions supérieures avec vertiges, syncopes, somnolence et parfois convulsions, voire coma,
  • et une dyspnée par distension du lit capillaire pulmonaire.


Il nécessite un traitement d'urgence par plasmaphérèse.

La surveillance de la viscosité sérique dans ces cas permet de suivre l'évolution sous traitement (échanges plasmatiques). Cette analyse nécessite un minimum de 2 ml de sérum.

La détermination de la viscosité consiste à mesurer le temps que met le sérum d'un patient pour s'écouler entre deux repères sur un viscosimètre. Cette mesure est rapportée à celle d'un sérum humain normal de référence. L'analyse doit être effectuée deux fois pour contrôler les concordances. Si le sérum contient une cryoglobuline, la mesure reste possible mais elle doit être faite à + 37° C (étuve) pour que le résultat soit correct.

4 . 1 . 4  -  Troubles de l'hémostase

La présence des Ig monoclonales à la surface plaquettaire après liaison aux récepteurs des Fc, peut entraver l'hémostase primaire, en conjonction avec l'insuffisance médullaire. On décrit des Ig monoclonales de classe IgG anti-facteur VIII.

4 . 1 . 5  -  Dépôts tissulaires d'Ig monoclonales

Quatre maladies sont associées à des dépôts tissulaires d'Ig monoclonales ou de chaînes constitutives.
 
Le dépôt s'explique parfois par des mutations au niveau des gènes V. On note également une utilisation préférentielle de certains sous-groupes de variabilité des gènes V : Vl6 dans l'amylose, Vk4 dans la maladie de Rendall et Vk1 dans le Fanconi.

4 . 1 . 5 . 1  -  Néphropathie tubulaire du myélome

Elle est fréquente (40-50 %) et fait suite à l'obstruction des tubes principalement par les chaînes légères, plus particulièrement lambda. L'évolution se fait vers l'insuffisance rénale chronique.

4 . 1 . 5 . 2  -  Le syndrome de Fanconi

Il est rare, et associe un myélome peu évolutif avec des troubles de la réabsorption tubulaire. Sur le plan morphologique on observe des cristaux dans les plasmocytes, les macrophages et les cellules tubulaires.

4 . 1 . 5 . 3  -  L'amylose

L'amylose est constituée d'un matériel protéique homogène, extracellulaire amorphe, d'aspect hyalin, caractérisés en microscopie optique par une biréfringence vert-jaune après coloration au rouge congo et examen au microscope à lumière polarisée. Au microscope électronique, sa structure est composée de fibrilles enchevêtrées de structure b plissée et de diamètre compris entre 60 et 100 µm. Elle provient de la précipitation dans les tissus de diverses protéines (18 répertoriées à ce jour).

Du à la multiplicité des sites de dépôt, l'amylose est souvent responsable d'atteintes viscérales multisystémiques au pronostic redoutable.

Si l'on exclut les très rares formes héréditaires ou familiales, les maladies à prions et l'Alzheimer, on distingue principalement deux catégories d'amyloses :

  • l'amylose systémique réactive de type AA résulte d'une production excessive de protéines de la phase aiguë durant une longue période (infections chroniques, arthrite rhumatoïde, maladie inflammatoire, maladie de Hodgkin).
  • l'amylose immunoglobulinique, secondaire à une immunoglobuline monoclonale (dont les particularités expliquent la formation des fibrilles) dans laquelle le matériel précipité est constitué de chaînes légères monoclonales entières ou tronquées (ce qui est possiblement un artéfact d'étude de matériel nécropsique) (amylose AL) ou, exceptionnellement de chaînes lourdes porteuses de délétions internes (amylose AH). Les chaînes légères amylogènes sont plus souvent de type lambda. Il peut s'agir d'une complication d'un myélome multiple ou d'une maladie de Waldenström, mais plus souvent d'une situation en apparence primitive. Ainsi, l'amylose AL s'observe dans des gammapathies monoclonales de signification indéterminée. L'absence de prolifération maligne décelable contraste avec la gravité de la maladie (moyenne de survie de l'ordre de 18 mois). C'est aussi un bon exemple des situations dans lesquelles une Ig monoclonale particulière par sa structure (comme dans les maladies de dépôts d'Ig monoclonale) ou son activité anticorps (anémies hémolytiques, neuropathies, etc.) est cliniquement « parlante » à un stade évolutif précoce de la prolifération, avant que toute prolifération maligne avérée soit décelable.

4 . 1 . 5 . 4  -  La maladie de dépôt de chaînes légères ou d'Ig monoclonale

Décrite initialement par Rendall, elle se caractérise par des dépôts non amyloïdes d'aspect granuleux en microscopie optique capables de toucher de nombreux tissus : rein foie, cœur, tissu nodal principalement. Au niveau rénal ces dépôts seront responsables d'un syndrome néphrotique, d'une glomérulosclérose nodulaire et d'une insuffisance rénale rapidement progressive. Il existe toujours une population plasmocytaire monoclonale, produisant une Ig monoclonale qui peut ne pas être détectable dans le sérum car produite en trop faible quantité. L'Ig déposée peut être une chaîne légère, plus souvent kappa, ou une chaîne lourde sans chaîne légère.

4 . 1 . 5 . 5  -  L'insuffisance rénale

Elle le plus souvent d'installation progressive, mais peut parfois revêtir l'aspect d'une insuffisance rénale aiguë, oligo-anurique, nécessitant une épuration extra-rénale. Nous avons vu que différentes étiologies peuvent s'intriquer. Deux points sont à retenir :

  • une insuffisance rénale à calcémie normale ou élevée doit être considérée jusqu'à preuve du contraire comme un myélome,
  • l'utilisation de produit de contraste pour l'imagerie, si elle est nécessaire, doit se faire sous couvert d'une hydratation correcte.

4 . 2  -  Complications liées au déficit immunitaire

4 . 2 . 1  -  Le dosage des immunoglobulines

Le dosage des immunoglobulines IgG, IgA, IgM ne présente aucun intérêt pour le diagnostic d'une anomalie monoclonale, ni en général pour la quantification d'une Ig monoclonale, souvent erronée par cette technique et mieux faite par la simple électrophorèse. Mais il doit être réalisé dans un tel contexte pour apprécier le retentissement de l'anomalie sur les clones normaux. Chez l'adulte, un taux abaissé et à plus forte raison effondré des isotypes non affectés par le processus par exemple des IgA et des IgM en cas d'anomalie monoclonale des IgG témoigne en général d'un déficit immunitaire secondaire (bien que toute augmentation de la concentration des IgG entraîne une accélération proportionnelle de leur catabolisme et donc une diminution des IgG normales en cas d'IgG monoclonale) et suggère l'existence d'une prolifération. Dans l'évolution d'une affection monoclonale maligne et parfois dans son expression initiale, le tableau est fait d'infections récidivantes conséquences du déficit en immunoglobulines (les infections sont la première cause de mortalité dans le myélome).
 
L'interprétation des dosages des immunoglobulines par néphélémétrie chez un patient ayant une immunoglobuline monoclonale doit être faite avec prudence. Il peut arriver, en cas de pic important ou en raison du caractère polyclonal des antisérums utilisés, que le dosage de l'isotype correspondant à l'immunoglobuline monoclonale soit exagérément minoré, parce qu'il est fait en excès d'antigène ou que les épitopes spécifiques de cette immunoglobuline particulière ne sont pas reconnus par l'antisérum. Ceci se voit plus volontiers en cas d'IgM monoclonale. À l'inverse, l'existence d'une immunoglobuline monoclonale (le plus souvent de classe IgM) peut perturber le dosage néphélémétrique d'autres protéines (IgA, ferritine, protéine C réactive)].

L'électrophorèse des protéines à condition de pouvoir isoler sur l'enregistrement le pic monoclonal est le meilleur moyen de quantification du composant monoclonal.
Le dosage des chaînes légères en particulier dans les urines est intéressant pour la surveillance d'une anomalie monoclonale faite de chaînes légères (protéine de Bence Jones).

4 . 2 . 2  -  Les infections

La susceptibilité aux infections bactériennes à germes encapsulés, principalement pulmonaire, est favorisée par le déficit de l'immunité humorale spécifique, la toxicité des polychimiothérapies et les fractures de côtes.

4 . 3  -  Complications liées à la prolifération tumorale

4 . 3 . 1  -  L'hypercalcémie

Elle est liée à l'importance de l'ostéolyse. Ses principales manifestations cliniques sont digestives, neurologiques, cardio-vasculaires et métaboliques.

4 . 3 . 2  -  Les complications neurologiques

4 . 3 . 2 . 1  -  Les compressions médullaires

Elles font suite soit à une protrusion du mur postérieur vertébral au cours d'une fracture-tassement, soit à une atteinte épidurale plasmocytaire. C'est une urgence thérapeutique.

4 . 3 . 2 . 2  -  le POEMS syndrome

Le POEMS syndrome, syndrome exceptionnel, associe polyneuropathie (P), organomégalie (O), endocrinopathie (E), myélome condensant (M pour M component) et atteinte cutanée (S pour skin).

4 . 3 . 3  -  Les complications osseuses

Citons les fractures hyperalgiques, conduisant à l'alitement et à ses complications propres.

4/6