3  -  Formes biologiques

3 . 1  -  Protéine de Bence Jones

Dix à quinze pour cent des myélomes ne s'accompagnent que d'une chaîne légère. C'est l'un des diagnostics immunologiques les plus difficiles : car la VS peut être normale tout comme l'électrophorèse des protides sanguins, et la protéinurie faible, voire non mesurable. C'est dire l'importance des renseignements cliniques et celle des conditions de recueil correctes des urines (conservation à froid de l'ensemble des urines de 24 heures recueillies sur un antiseptique).

Sa toxicité rénale est plus importante et explique son plus sombre pronostic. Ce sont les chaînes légères qui sont toxiques. La quantification du débit de la PBJ urinaire est un indice pronostique.

3 . 2  -  Les myélomes à IgD ou à IgE

La distribution des classes et des sous-classes des Ig monoclonales ne suit que partiellement celle des plasmocytes normaux. Pour les classes IgG et IgA on note une surreprésentation des sous-classes IgG1 et IgA1.

Excessivement peu fréquents pour les myélomes à IgD, ils sont exceptionnels pour ceux à IgE. Ils posent pour cette raison les problèmes d'identification que nous avons évoqués. Les myélomes à IgD, le plus souvent à chaînes légères de type lambda, s'accompagnent souvent d'une atteinte rénale ou d'une amylose.

3 . 3  -  Maladies des chaines lourdes

À part de rares cas de maladie des chaînes lourdes g (MCHg) où la protéine monoclonale polymérique ne passe pas dans les urines, les protéines des MCH ont pu être isolées des urines. Après analyse de leur structure, on a pu constater qu'elle est anormale en général du fait de délétions internes et de l'absence de chaîne légère.

On parle alors de maladie des chaînes lourdes dont trois types sont décrits, chacun lié à l'expression d'une classe différente de ces chaînes :

  • maladie de chaînes lourdes g : qui s'accompagne dans la moitié des cas de fatigue, d'amaigrissement, d'hépatosplénomégalie et adénopathies. La biopsie ganglionnaire peut montrer un lymphome ou plus souvent révéler une prolifération proche de celle de la MW. Il existe une fréquence particulière de maladies auto-immunes et d'auto-anticorps. Les formes apparemment primitives ne sont pas rares.
  • maladie des chaînes lourdes a : la forme digestive, la plus fréquente, s'observe dans les régions à forte endémie d'infections entériques (pourtour méditerranéen, Moyen Orient, Amérique latine, etc.). Elle est caractérisée initialement par une infiltration diffuse plasmocytaire ou lymphoplasmocytaire produisant une chaîne a toujours de sous-classe a1 (première phase) qui évolue spontanément vers un lymphome agressif. Malgré la présence d'anomalies cytogénétiques (translocations notamment), le stade initial peut être curable par les tétracyclines.
  • maladie des chaînes lourdes µ : Il s'agit dans la moitié des cas de leucémie lymphoïde chronique particulière par la présence de plasmocytes vacuolés sur le frottis médullaire qui doit alerter le cytologiste.

 
Contrairement la plupart des autres immunoglobulines monoclonales, les protéines des maladies des chaînes lourdes ont une structure anormale : chaînes lourdes délétées, souvent au niveau du premier domaine constant, ce qui explique leur sécrétion sans chaînes légères.

Leur concentration est souvent faible, de l'ordre du g/L ou moins, et leur présence peut ne pas être détectée par l'électrophorèse. En raison de leur structure, ces protéines ont une grande hétérogénéité de charge : s'il existe une bande à l'électrophorèse, celle-ci sera plus souvent large qu'étroite, parfois de migration très rapide, notamment pour les chaînes µ.

Dans le sérum l'immunoélectrophorèse met en évidence un constituant qui précipite avec un seul antisérum anti-chaîne lourde (a, g et m par ordre de fréquence) sans réagir avec les anti-chaînes légères. Cette absence de précipitation avec les antisérums anti-k et anti-l n'est pas un critère suffisant, notamment pour la maladie des chaînes lourdes a, puisque nous avons vu qu'il pouvait parfois être difficile de mettre en évidence les chaînes légères lambda des IgA monoclonales. On peut avoir recours à une technique spéciale d'immunosélection combinée à l'immunoélectrophorèse. Cette méthode consiste à incorporer dans la gélose des antisérums anti-chaînes légères de forte affinité afin de précipiter toutes les molécules d'immunoglobulines entières, monoclonales ou polyclonales, ne laissant plus persister que l'arc de la chaîne lourde pathologique. L'utilisation d'immunsérums sélectionnés, spécifiques de déterminants conformationnels de la région Fab, donc de l'association des chaînes lourdes et légères, est une alternative : la chaîne lourde anormale forme un éperon sur l'arc des immunoglobulines entières (présentes dans le sérum du malade ou apportées par du sérum humain normal. Les techniques non-précipitantes (western blot) sont plus faciles et informatives. Il est également facile de séparer les protéines de sérum selon leur poids moléculaire (par une électrophorèse en polyacrylamide en milieu dissociant), puis de les transférer sur nitrocellulose et de démontrer la taille anormalement courte de la chaîne lourde après révélation par l'antisérum correspondant.

3 . 4  -  Myélome non excrétant

Des signes cliniques évocateurs de myélome associés à une absence de pic monoclonal, une hypogammaglobulinémie et une VS normale font suspecter la rare possibilité d'un myélome non sécrétant. Le diagnostic ne peut en être fait que par l'analyse en immunofluorescence directe des plasmocytes médullaires obtenus par ponction. Le prélèvement de moelle est fait sur tube hépariné, et les frottis sont réalisés après sédimentation sur macromolécules de dextran (type Plasmion® ou Gélofusine®) et lavages. Le simple frottis à visée hématologique est inutilisable.

3 . 5  -  Gammapathies biclonales

L'observation de proliférations biclonales n'est pas exceptionnelle : le partage d'une même chaîne légère, et mieux d'idiotypes lorsque ceux-ci sont étudiés, est en faveur d'une origine commune aux deux clones. Plus fréquemment dans les lymphomes que dans les myélomes, il peut être observé des mutations somatiques dans les régions VH et VL, comme c'est le cas au cours de la lymphopoïèse B normale. Il peut arriver que les deux Ig monoclonales, pour des raisons de charge, soient de migrations rigoureusement superposables (un seul pic, mais possibilité de réaction avec les deux antisérums anti-chaîne légère, k et l, ce qui pose des problèmes d'interprétation au biologiste non averti) (figure 4).

3 . 6  -  Traces oligoclonaux

De petites anomalies homogènes au nombre de 3 à une dizaine constituent le profil oligoclonal qui n'a pas la signification péjorative d'une anomalie monoclonale, et qui sont d'autant plus fréquentes que les sujets sont plus âgés et les méthodes de détection plus sensibles. Dans le liquide céphalorachidien ce profil particulier traduit une synthèse locale d'Ig et par conséquent un processus anormal évocateur de sclérose en plaque, pan-encéphalite sclérosante, viroses, syphilis, SIDA…

3/6