3  -  Étiologie

Tout eczéma doit faire l'objet de la recherche acharnée de l'allergène en cause, dont l'éviction conditionne l'absence de rechute.

3 . 1  -  Interrogatoire

L'interrogatoire qui doit combiner connaissances, perspicacité et imagination, est un élément très important de l'enquête étiologique. Il permet parfois de suspecter un ou plusieurs allergènes et oriente les tests épicutanés. Les éléments importants à rechercher sont :

  1. la topographie initiale : les lésions, initialement localisées à la zone de contact avec l'allergène, ont ensuite tendance à diffuser à distance et à se disséminer. La topographie initiale des lésions a une grande valeur d'orientation (par exemple lésions initialement localisées à la zone d'application d'un antiseptique aux mains ou aux pieds). Des localisations secondaires peuvent s'observer (caractéristiques eczémas du visage ou du scrotum dans le cas d'eczéma professionnels initialement localisés aux mains…). Des eczémas de contact « par procuration » peuvent même faire errer le diagnostic (allergies au parfum ou autre cosmétique du conjoint, à un topique médicamenteux appliqué à un enfant… ou à un animal !) ;
  2. les circonstances de déclenchement : il faut faire préciser les activités ayant pu conduire à un contact avec un allergène particulier 24 heures à quelques jours avant le début des lésions : jardinage, bricolage, menuiserie, peinture… ; l'environnement professionnel, domestique ou de loisir doit être recherché ;
  3. la chronologie : il faut préciser l'évolution des lésions au cours du temps, leur amélioration ou leur aggravation pendant les week-ends, les vacances ou d'éventuels arrêts de travail ;
  4. les traitements locaux utilisés : il faut préciser tous les traitements locaux utilisés, ainsi que les produits d'hygiène, parfums et cosmétiques.

3 . 2  -  Examen clinique

Certaines localisations ont valeur d'orientation : un eczéma du lobe des oreilles, du poignet et de l'ombilic fait évoquer une sensibilisation au nickel, un eczéma des paupières oriente vers une allergie aux cosmétiques ou au vernis à ongles, un eczéma des pieds oriente vers une allergie à un constituant des chaussures.

3 . 3  -  Tests épicutanés ou patch-tests

  • Ils sont indispensables pour le diagnostic de certitude de l'allergène en cause, qui conditionne souvent son éviction efficace. Le jeune âge ne contre-indique pas leur réalisation : au pire ils pourront être négatifs en raison d'une réactivité cutanée moindre ; si les signes cliniques le suggèrent, il ne faudra alors pas hésiter à les répéter quelques mois plus tard.
  • Ils doivent être orientés par l'interrogatoire et l'examen clinique.
  • Ils sont réalisés à distance de la poussée d'eczéma. Différents allergènes, généralement dilués dans la vaseline, sont appliqués sous occlusion sur le dos pendant 48 heures. La lecture est faite à 48 heures, 15 minutes après avoir enlevé les tests. Une deuxième lecture est réalisée après 72 à 96 heures, parfois à 7 jours pour certains allergènes (corticoïdes par exemple).
  • Lecture :
    • + : réaction faiblement positive : érythème et infiltration discrète,
    • ++ : réaction fortement positive : érythème, infiltration, vésicules,
    • +++ : réaction violemment positive : vésicules coalescentes aboutissant à une bulle,
    • – : réaction négative : peau normale IR : réaction d'irritation ; une réaction d'irritation particulière est représentée par l'effet « savon », qui se traduit par un aspect érythémateux et luisant, tout particulièrement observé avec les produits détergents et certains cosmétiques.
  • On réalise habituellement la batterie standard européenne, qui comprend les 23 substances les plus fréquemment en cause, les produits apportés par les malades et éventuellement des batteries spécialisées orientées (coiffure, cosmétiques, photographie, peintures…) (Tableau II). Des batteries plus limitées et adaptées sont proposées chez l'enfant. Des produits suspects apportés par le patient peuvent être testés, très dilués pour éviter des réactions de toxicité.
Tableau II : Batterie Standard Européenne des Allergènes
  1. Bichromate de Potassium (ciment)
  2. Para-phénylènediamine (PPD) (colorants foncés, teintures)
  3. Thiuram Mix (caoutchoucs)
  4. Sulfate de Néomycine (topiques médicamenteux)
  5. Chlorure de Cobalt (ciment, métaux, colorants bleus)
  6. Benzocaïne (anesthésique local)
  7. Sulfate de Nickel (bijoux fantaisies, objets métalliques)
  8. Clioquinol (antiseptique, conservateur)
  9. Colophane (adhésifs, vernis, peintures)
  10. Parabens Mix (conservateurs)
  11. N-Isopropyl-N'-Phényl Paraphénylènediamine (IPPD) (caoutchoucs noirs)
  12. Lanoline (cosmétiques, topiques médicamenteux)
  13. Mercapto Mix (caoutchoucs)
  14. Résine Epoxy (résines)
  15. Baume du Pérou (cosmétiques, topiques médicamenteux)
  16. Résine Paratertiaire Butylphénol Formaldéhyde (colle à chaussures)
  17. Mercaptobenzothiazole (caoutchoucs)
  18. Formaldéhyde (conservateur)
  19. Fragrance Mix (parfums)
  20. Lactone Sesquiterpene Mix (plantes « composées » : artichauts, dahlias, chrysanthèmes…)
  21. Quaternium 15 (conservateur)
  22. Primine (primevères)
  23. Kathon CG (chlorométhyl isothiazolinone) (conservateur, cosmétiques)
  24. Budesonide
  25. Tixocortol 21-pivalate
  • Les photopatch-tests sont des patch-tests suivis d'une irradiation par certaines longueurs d'ondes de rayons ultra-violets.
  • Les principaux effets secondaires des tests sont en relation avec une toxicité directe du produit testé (ulcération) ou avec une sensibilisation induite par le test (réaction très tardive, et réaction « classique » lors d'un test ultérieur).
  • La pertinence d'un test positif doit toujours être discutée : le test positif observé explique-t-il la poussée actuelle d'eczéma ou témoigne-t-il d'une sensibilisation ancienne sans rapport avec les lésions récentes ? Dans le cas des allergies d'origine professionnelle, la collaboration du médecin du travail de l'entreprise concernée est souvent précieuse, tant pour obtenir la nature et la composition des substances manipulées que pour établir la pertinence d'un test.
  • Il existe des faux-positifs (principalement en relation avec des réactions d'irritation, ou en raison d'une sensibilisation antérieure qui n'est pas en relation avec l'eczéma récemment observé) et des faux-négatifs (en raison d'une faible réactivité cutanée, ou d'une trop faible concentration de la substance testée).
  • Il existe des sensibilisations de groupe, attribuables au rapport de deux ou plusieurs allergènes avec des groupes chimiques qu'ils ont en commun. Ces réactions croisées expliquent la possibilité de récidives malgré l'éviction de l'allergène : groupe de la paraphénylène diamine (PPD) dit groupe « para » (fonction amine en para) réunissant des teintures capillaires, des sulfamides et des anesthésiques locaux, groupe des parahydroxybenzoates (parabens) (conservateurs), groupe des phénothiazines (Phénergan R topique), groupe des antibiotiques dérivés de la désoxystreptamine (néomycine, gentamycine, kanamycine)…

3 . 4  -  Causes identifiées

Les allergènes en cause sont très variés. Des « réseaux d'allergo-vigilance » assurent désormais une veille permanente de l'apparition de nouveaux allergènes et peuvent être consultés en cas de besoin. Les allergènes les plus fréquents sont les métaux, en particulier le nickel. La batterie standard européenne des allergènes comprend les allergènes les plus fréquemment en cause dans les pays européens (Tableau II) ; elle est périodiquement remise à jour en fonction de la présence et de l'utilisation des produits concernés.

3 . 4 . 1  -  Allergènes professionnels

Les eczémas de contact de cause professionnelle sont parmi les plus fréquentes des maladies professionnelles indemnisables. Les lésions sont plus fréquentes chez les hommes. Elles débutent et prédominent aux mains. Elles s'améliorent pendant les vacances.

Les professions les plus souvent à l'origine d'eczémas professionnels sont :

  • Métiers du bâtiment : sels de chrome (ciment), cobalt (peinture, émail), résines époxy (colle, vernis, peinture), formaldéhyde (colle, textile), térébenthine (menuiserie, peinture), colophane (gants, pneus)…
  • Coiffeurs : paraphénylène diamine et paratoluène diamine (teintures), thioglycolate (permanentes), caoutchouc (gants), conservateurs (shampoings), nickel (instruments)…
  • Métiers de l'industrie : huiles de coupe, détergents, résines acryliques, bois exotiques…
  • Professions de santé : antiseptiques (iodés, mercuriels, hexamidine), pénicillines, aminosides, anti-inflammatoires non stéroïdiens, phénothiazines, anesthésiques locaux, caoutchoucs naturels (latex) ou synthétiques (thiurams) (gants et matériels divers), acrylates des résines composites (prothésistes)…
  • Horticulteurs : lactones sesquiterpéniques (ex : chrysanthèmes), primevères, pesticides, gants…

3 . 4 . 2  -  Médicaments topiques

Les lésions débutent sur la zone d'application. Les topiques les plus fréquemment en cause sont : néomycine, antiseptiques iodés et mercuriels, AINS, topiques antiprurigineux, baume du Pérou… Le sparadrap (colophane) peut également être en cause.

Les corticoïdes locaux peuvent se comporter comme des allergènes et induire des sensibilisations. Il faut penser à cette éventualité chez les patients qui appliquent de manière régulière des corticoïdes topiques ou dont les lésions sont non améliorées ou aggravées par l'application de corticoïdes. Les tests aux corticoïdes locaux sont positifs dans 2 à 4 % des eczémas chroniques. Une lecture tardive 7 jours après la pose des tests est souvent nécessaire.

3 . 4 . 3  -  Cosmétiques

Les lésions sont plus fréquentes chez les femmes. Elles prédominent sur le visage.

Les produits responsables sont: parfums, conservateurs, excipients, formaldéhyde (vernis à ongles), déodorants, shampooings, laques, baume du Pérou (rouge à lèvres, crèmes), paraphénylène-diamine (teintures)…

3 . 4 . 4  -  Produits vestimentaires

Les lésions prédominent sur le tronc et les plis (colorants et apprêts textiles) ou sur les pieds (cuir, colle des chaussures, caoutchouc…).

Les allergies au nickel sont très fréquentes. Elles sont causées par des bijoux fantaisie ou des accessoires (montre, boucle de ceinture).

3 . 4 . 5  -  Photoallergènes

Les lésions prédominent sur les régions découvertes. Il s'agit d'une réaction au cours de laquelle un antigène, modifié par les UV devient immunogène. De nombreux médicaments peuvent induire des réactions de photosensibilité, soit par voie systémique (sulfamides, phénothiazines, fénofibrate), soit par voie topique (kétoprofène).

L'eczéma photo-allergique de contact comporte même après éviction de l'allergène un risque de photosensibilité persistante.

3 . 4 . 6  -  Dermatoses aéroportées

Les lésions prédominent sur les zones du corps exposées à l'air : visage, cou, décolleté, mains, poignets, avant-bras, jambes (chez la femme) et peuvent s'étendre aux régions couvertes. Il faut les distinguer des eczémas photo-allergiques qui ne s'étendent pas aux zones protégées de la lumière.

3/5