Il est raisonnable de disposer, devant toute diarrhée chronique, des éléments biologiques suivants :
– numération formule sanguine (recherche d’anémie carentielle) ;
– dosage sérique de la protéine C réactive (syndrome inflammatoire) ;
– ionogramme sanguin avec natrémie, kaliémie, phosphorémie, magnésémie, calcémie, et en cas de diarrhée importante, exploration de la fonction
rénale (urémie, créatininémie, ionogramme urinaire) ;
– ferritinémie, vitamine B12 et folates sériques ;
– albuminémie (hypo-albuminémie par fuite intestinale d’albumine (exsudation)) ;
– temps de Quick (éventuelle carence en facteurs de la coagulation vitaminoKdépendants (II, VII, IX et X) par malabsorption de la vitamine K) ;
– TSH (hyperthyroïdie) ;
– gastrinémie (hypergastrinémie liée à la production de gastrine par une tumeur (gastrinome) ou secondaire à une gastrite atrophiante autoimmune);
– sérologie VIH ;
– dosage pondéral des immunoglobulines ou à défaut électrophorèse standard des protéines (une carence nette témoigne d’un déficit congénital ou acquis en immunoglobulines, et/ou d’une exsudation protéique digestive majeure) ;
– anticorps anti-transglutaminase et IgA anti-endomysium (un des 2 examens est positif (sous réserve de l’absence de déficit complet en immunoglobulines) au cours de la maladie coeliaque) ;
– deux examens parasitologiques des selles à des jours différents (incluant la recherche par techniques spécifiques de Cryptosporidium et Microsporidium en cas d’immunodépression).
D’autres examens sanguins seront demandés en fonction des premières orientations cliniques (tableau 33.II).
Le fécalogramme consiste à étudier les selles émises pendant 48 heures, si possible dans les conditions de vie normale (la diarrhée s’améliore le plus souvent spontanément dans le cadre du repos d’une hospitalisation). Il permet d’apprécier :
– le poids des selles moyens par 24 heures, permettant de faire la part entre les diarrhées fonctionnelles (poids fécal < 250 g/jour) et les diarrhées organiques (poids fécal > 300 g/jour) ;
– une éventuelle maldigestion/malabsortion des graisses, définie par une stéatorrhée > 6 g/jour, sous réserve d’un apport alimentaire de 100 g de lipides par jour pendant la période recueil des selles, soit un supplément d’environ 50 g par rapport à un régime normal ;
– la teneur fécale en sodium et potassium, permettant d’évaluer les pertes à compenser et de calculer le trou osmotique (290 – 2 x [Na + K]), dont une valeur > 50 suggère la présence anormale de substances osmotiquement actives dans les selles (laxatifs salins, polyols) ;
– la clairance de l’_1-antitrypsine (dont le calcul nécessite la détermination parallèle du taux sérique de la molécule), normalement inférieure à 20 mL/24 h ; des valeurs supérieures témoignent d’une exsudation des protéines dans la lumière digestive (entéropathie exsudative).
Le test au carmin cherche une diarrhée motrice par mesure du temps de transit oro-anal. Il consiste à mesurer le temps séparant l’ingestion de rouge carmin et l’apparition de la première selle rouge. Un temps inférieur à 8 heures témoigne d’une accélération franche du transit intestinal.
Le test respiratoire au glucose cherche une pullulation bactérienne dans l’intestin grêle. Il consiste à mesurer l’hydrogène dans l’air expiré à intervalles réguliers après l’ingestion de 50 g de glucose. Normalement, le glucose est vite et complètement absorbé dans la partie supérieure de l’intestin grêle. En cas de pullulation microbienne dans l’intestin grêle, les bactéries fermentent le glucose avant son absorption et produisent de l’hydrogène qui est absorbé dans le sang puis trouvé dans l’air expiré.
1. Examens endoscopiques
Ils sont très souvent nécessaires à l’exploration d’une diarrhée chronique et comportent au minimum :
– une endoscopie digestive haute avec biopsies étagées gastriques (fundiques et antrales à la recherche d’atrophie) et du deuxième duodénum (à la recherche d’une atrophie villositaire et de parasites) ;
– une coloscopie totale avec tentative d’iléoscopie rétrograde et biopsies iléales et coliques étagées (à la recherche d’une colite microscopique, (voir chapitre 8).
Dans certaines circonstances peut être justifiée la réalisation :
– d’une entéroscopie qui permet d’explorer une grande partie de l’intestin grêle et de réaliser des biopsies ;
– d’un examen par vidéocapsule. Une fois ingérée, la capsule enregistre les images de tout ou partie de la muqueuse de l’intestin grêle, mais elle ne permet pas de faire des biopsies.
2. Autres examens morphologiques
Selon les contextes, il peut être nécessaire de réaliser :
– un examen tomodensitométrique abdomino-pelvien qui permet en particulier de diagnostiquer :
• une tumeur pancréatique, un cancer colique et/ou une carcinose péritonéale pouvant se révéler par une diarrhée chronique,
• des anomalies mésentériques (mésentérite au contact d’une tumeur carcinoïde ou de nature lymphomateuse),
• les lésions extra-intestinales d’un lymphome digestif, d’une maladie de Crohn, etc. ;
– une évaluation morphologique de la paroi de l’ensemble de l’intestin du grêle, faisant de plus en plus appel à l’entéro-IRM plutôt qu’au transit baryté du grêle ;
– un Octréoscan, seulement en cas de suspicion de tumeur endocrine (élévation des peptides sanguins, tumeur en imagerie abdominale) qui détecte la radioactivité de l’octréotide marquée qui se fixe sur les tumeurs, notamment endocrines, qui expriment à leur surface les récepteurs à la somatostatine. C’est le cas de la plupart des tumeurs carcinoïdes, des gastrinomes, et d’autres tumeurs sécrétant en permanence ou par intermittence des peptides responsables de diarrhée.