Introduction

La péritonite est une inflammation aiguë du péritoine, localisée ou généralisée, dont la cause est le plus souvent infectieuse. La réaction locale puis générale peut rapidement entraîner le décès. Le diagnostic doit donc être rapide et le traitement est une urgence chirurgicale.

1  -  Diagnostiquer des péritonites

1 . 1  -  Classification des péritonites

Parmi les différentes classifications des péritonites, celle dite de Hambourg qui sépare les péritonites en trois classes selon l’origine de l’infection est la plus utilisée. Les péritonites secondaires représentent 90 % des péritonites aiguës.

1. Péritonite primaire

Les péritonites primaires sont dues à une infection spontanée mono bactérienne du péritoine d’origine hématogène ou par translocation. Leur traitement est médical. Les causes les plus fréquentes sont l’infection d’ascite à E. coli chez le cirrhotique, l’infection à staphylocoque par l’intermédiaire du cathéter chez les patients avec dialyse péritonéale et la péritonite spontanée à pneumocoque de l’adulte.

2. Péritonite secondaire

Les péritonites secondaires sont liées à la diffusion d’une infection abdominale localisée ou à la perforation d’un viscère digestif. Les principales causes sont représentées tableau 28.I.

(1) Les péritonites postopératoires : diagnostic et indication des réinterventions.

3. Péritonite tertiaire

Les péritonites tertiaires correspondent à des infections abdominales persistantes malgré un traitement bien conduit (antibiothérapie adaptée et éradication du foyer primitif abdominal par une ou plusieurs interventions). La cavité abdominale est surinfectée par des micro-organismes peu virulents mais devenus résistants ou des levures. Ces péritonites sont fréquemment associées à un syndrome de défaillance multiviscérale.

(2)Les infections intra-abdominales aiguës.

Tableau 28.I. Causes des péritonites secondaires.

1 . 2  -  Diagnostic positif

Le diagnostic de péritonite est clinique et en général assez facile. Des examens paracliniques sont utiles pour préciser l’origine de la péritonite ou planifier la prise en charge mais ils ne doivent en aucun cas retarder le traitement.

1. Diagnostic clinique

Le motif de consultation aux urgences est une douleur abdominale intense, généralisée ou parfois localisée à un quadrant de l’abdomen, de début brutal ou progressivement croissante, accompagnée ou non de signes infectieux.

Le diagnostic de péritonite est rapidement fait à l’examen physique devant la présence de signes péritonéaux. La contracture est le signe essentiel d’une péritonite aiguë. Il s’agit d’une contraction rigide, tonique, invincible, permanente et douloureuse des muscles de la ceinture abdominale. La défense, forme atténuée de contracture, la douleur aiguë lors de la palpation du cul-de-sac de Douglas au toucher rectal ou la douleur vive lors de la décompression brutale d’une fosse iliaque ont la même valeur sémiologique que la contracture et signe une irritation péritonéale.

Les signes péritonéaux peuvent être modérés voire absents chez les personnes âgées, dénutries ou immunodéprimées. Ils peuvent être difficiles à évaluer chez un patient obèse ou chez un malade dans le coma (ex : polytraumatisé).

Devant une suspicion de péritonite, l’examen cherche également des signes de gravité (choc) dont la présence conduit à une intervention en urgence sans autre examen complémentaire.

2. Examens paracliniques

En l’absence de choc, quelques examens paracliniques simples peuvent aider à la prise en charge en précisant la cause et le retentissement de la péritonite. Le diagnostic de péritonite est clinique et chez un malade ayant une contracture, la normalité des examens paracliniques ne doit pas faire remettre en cause le diagnostic.

a. Examens biologiques

Ils n’ont aucune valeur diagnostique mais permettent d’évaluer la gravité de la péritonite (insuffisance rénale, déshydratation, acidose métabolique), son retentissement infectieux (hyperleucocytose) et d’aider la prise en charge anesthésique.

b. Radiographies d’abdomen sans préparation

Réalisées avec une radiographie de thorax de face (ou des clichés centrés sur les coupoles), elles ont pour but de rechercher un pneumopéritoine visible sous la forme d’un croissant clair gazeux sous-diaphragmatique uni- ou bilatéral, signant la perforation d’un organe creux (fig. 28.1). En cas d’épanchement liquidien associé, un niveau hydro-aérique sous-diaphragmatique remplace l’image de pneumopéritoine. La péritonite s’accompagne le plus souvent de signes d’iléus avec une dilatation gazeuse du grêle. Si la présence d’un pneumopéritoine associé à des signes péritonéaux affirme la perforation d’un organe creux, toutes les péritonites ne s’accompagnent pas d’un pneumopéritoine. Avec la disponibilité actuelle des scanners en urgence 24 h/24, les radiographies sans préparation ne sont pratiquement plus faites dans ce contexte.

c. Scanner abdominal

Il est utile lorsque l’examen clinique est douteux (immunodéprimé, péritonite asthénique du vieillard) ou difficile (obèse, péritonite post-opératoire, traumatisé de l’abdomen). Il peut aider au diagnostic en mettant en évidence un petit pneumopéritoine non visible sur les radiographies standard ou un épanchement liquidien intra-abdominal (fig. 28.2). Il peut également montrer des signes liés à la cause : diverticulite, infiltration péri-appendiculaire…

De ce fait, il est de plus en plus souvent fait en première intention avant l’ASP (celui-ci devenant inutile). Il est cependant nécessaire de vérifier auparavant la bonne qualité de la fonction rénale. Si celle-ci est altérée, il doit être fait sans injection de produit.

Fig. 28.1. Radio de poumon de face : pneumopéritoine.
Fig. 28.2. Scanner abdominal sans injection de produit de contraste : pneumopéroine.

1 . 3  -  Diagnostic étiologique

Les principales causes de péritonites ont été évoquées dans le premier chapitre. Nous n’insisterons que sur les causes les plus fréquentes (tableau 28.II).

Tableau 28.II. Péritonites secondaires par perforation digestive.

1. Perforation d’ulcère gastrique ou duodénal

Il s’agit le plus souvent d’un sujet jeune ayant une douleur épigastrique de début brutal (horaire) diffusant ensuite à tout l’abdomen. L’interrogatoire cherche des antécédents d’ulcère, la prise récente de médicaments gastro-toxiques (AINS +++) ou d’autres facteurs favorisants (tabagisme important, jeûne prolongé…). À l’examen, il n’y a pas de fièvre, en tout cas dans les 24 premières heures (péritonite chimique). La palpation trouve une contracture généralisée ou localisée à la région épigastrique avec une défense dans le reste de l’abdomen. La percussion cherche un tympanisme pré-hépatique traduisant un pneumopéritoine. Le toucher rectal est douloureux. Devant ce tableau péritonéal sans fièvre, le diagnostic de perforation
d’ulcère est posé et est confirmé par la présence d’un pneumopéritoine sur la radiographie de thorax, les clichés centrés sur les coupoles ou, de préférence sur le scanner. Au début, il n’y a pas d’hyperleucocytose à polynucléaires. Le traitement nécessite le plus souvent une intervention en urgence. Une endoscopie digestive haute est formellement contre-indiquée dans cette situation.

2. Péritonite diverticulaire

La péritonite peut être généralisée d’emblée par perforation brutale d’un diverticule infecté en péritoine libre ou résulter de la perforation secondaire d’un abcès péri-sigmoïdien compliquant une diverticulite (péritonite en 2 temps). Le tableau clinique typique débute par des douleurs de la fosse iliaque gauche dans un contexte infectieux. Les signes péritonéaux apparaissent dans un second temps avec une douleur généralisée, un syndrome infectieux marqué, parfois des signes de choc car il s’agit le plus souvent d’une péritonite stercorale. L’examen trouve une contracture généralisée ou encore localisée à la fosse iliaque gauche avec défense des autres quadrants, le TR est douloureux, la température est élevée.
Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynucléaires et une élévation de la CRP. Il faut vérifier l’absence d’insuffisance rénale fonctionnelle surtout en cas de choc associé. La radiographie de thorax met en évidence un pneumopéritoine souvent volumineux et bilatéral, sur les clichés d’abdomen sans préparation, on voit une distension du grêle en rapport avec l’iléus paralytique. Le scanner apporte les mêmes informations et peut mettre en évidence un abcès ou une infiltration de la graisse péri-sigmoïdienne avec présence de liquide intra-abdominal. Le traitement nécessite une intervention chirurgicale en urgence, parfois précédée d’une courte réanimation (« déchocage »).

3. Péritonite appendiculaire

La péritonite peut être inaugurale, généralisée d’emblée, ou compliquer un abcès ou un plastron appendiculaire qui se rompt secondairement dans le péritoine. Typiquement, il s’agit d’un sujet jeune qui présente des douleurs de la fosse iliaque droite progressivement croissante associées à une fébricule. Secondairement, la douleur devient intense et se généralise à tout l’abdomen avec une fièvre souvent élevée à 39-40 °C. À l’examen, il existe des signes péritonéaux prédominant en fosse iliaque droite, le TR est douloureux. Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynucléaires et une élévation de la CRP. Il n’y a pas de pneumopéritoine car, bien que l’appendice soit rompu, il n’y a pas de communication entre le bas fond cæcal et la cavité péritonéale. Un scanner ne sera demandé que dans les cas où la symptomatologie clinique n’est pas typique et en l’absence de signes de choc. Dans les autres cas le traitement repose sur l’intervention chirurgicale en urgence.

4. Péritonite post-opératoire

Elles sont la conséquence d’une fuite d’une anastomose digestive ou d’une plaie opératoire méconnue de l’intestin. Elles surviennent le plus souvent entre le 5e et le 7e jour post-opératoire.

Les signes cliniques peuvent être identiques à ceux d’une péritonite extrahospitalière mais souvent leur diagnostic est plus difficile. La douleur peut être mise sur le compte du geste opératoire ou bien être masquée par les antalgiques. L’iléus peut être imputé aux suites opératoires, le syndrome inflammatoire est habituel après chirurgie et la fièvre peut orienter vers une autre cause de fièvre en post-opératoire : infection urinaire, abcès de paroi, infection pulmonaire, thrombose veineuse, embolie pulmonaire, veinite au point de perfusion, allergie médicamenteuse… À l’inverse, les symptômes ne sont pas toujours en rapport avec le système digestif : troubles psychiques, insuffisance rénale, syndrome de détresse respiratoire, embolie pulmonaire…

Le diagnostic doit être évoqué devant une fièvre survenant quelques jours après une chirurgie abdominale ou devant toute dégradation inexpliquée des fonctions vitales. En l’absence d’autre cause évidente à cette fièvre, un scanner avec opacification digestive prudente s’impose et permet dans la grande majorité des cas d’établir le diagnostic.

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