La conception physiopathologique actuelle du SII est celle d’une maladie multifactorielle qui implique des perturbations de la motricité et des troubles de la sensibilité digestive pouvant être favorisés par un état inflammatoire intestinal a minima, des facteurs endoluminaux (flore bactérienne, nutriments) et enfin des facteurs psychologiques qui modulent l’expression clinique des troubles sensitifs et/ou moteurs ainsi que leur vécu et qui conditionnent l’importance du recours aux soins.
Des troubles moteurs ont été décrits au niveau de l’intestin grêle et du côlon avec parfois une coïncidence entre anomalies motrices et symptômes. La description de troubles non limités au côlon a rendu la terminologie « colopathie fonctionnelle » impropre et explique l’introduction du terme « syndrome de l’intestin irritable ».
Au niveau de l’intestin grêle, les troubles de la motricité concernent à la fois la motricité inter-digestive et post-prandiale. Ces troubles ont été surtout observés chez les malades diarrhéiques. Des phases III du complexe moteur migrant plus nombreuses et plus souvent propagées jusque dans l’iléon, des salves de contractions rythmiques (fig. 20.1) et des contractions iléales de grande amplitude (fig. 20.2) ont été décrites.
Dans le côlon, les perturbations motrices s’observent surtout après la prise d’un repas. Certains patients atteints de SII, en particulier les diarrhéiques, ont une réponse motrice recto-sigmoïdienne à l’alimentation plus marquée et/ou anormalement prolongée.
Avec l’alimentation, le stress est un second facteur identifié pouvant déclencher des troubles de motricité.
Les troubles de la motricité digestive ne peuvent résumer la physiopathologie du SII. Leur présence est inconstante tout comme leur coïncidence avec les symptômes, notamment les douleurs abdominales. De plus, les médicaments destinés à corriger ces troubles moteurs peuvent améliorer les troubles du transit mais ont une efficacité inconstante sur les douleurs abdominales.
L’accent a été mis récemment sur les troubles de la sensibilité viscérale. Il s’agit avant tout une hypersensibilité viscérale qui affecte au moins 60 % des malades, surtout ceux souffrant d’une forme diarrhéique.
Cette hypersensibilité amène les malades à percevoir de façon pénible des phénomènes physiologiques normaux comme la distension intestinale par les gaz ou des contractions intestinales. Il s’agit d’une altération spécifique de la sensibilité viscérale car la sensibilité somatique est normale au cours du SII.
L’origine de l’hypersensibilité demeure mal comprise. Plusieurs mécanismes, éventuellement associés sont envisagés : sensibilisation des terminaisons sensitives de la paroi digestive hyperexcitabilité des neurones de la corne postérieure de la moelle amplifiant les messages sensitifs d’origine digestive ou, comme le suggèrent les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle, trouble de l’intégration des messages sensitifs digestifs au niveau du système nerveux central, supra spinal.
L’écosystème intestinal joue très vraisemblablement un rôle dans les troubles du transit et dans le déclenchement et l’entretien de la douleur abdominale.
L’écosystème intestinal normal est composé d’une flore dominante et d’une flore de passage, transitoire, d’origine exogène. La flore intestinale joue un rôle dans la motricité et la sensibilité digestives. Elle exerce également une activité catabolique vis-à-vis de nombreux substrats d’origine exo- ou endo- gène et favorise la production de gaz et d’acides gras à chaînes courtes par des processus de fermentation colique. Acides gras à chaînes courtes et gaz intra-luminaux modulent la motricité digestive, notamment iléo-colique, et influencent directement le fonctionnement des cellules épithéliales et immunitaires intestinales.
Les aspects psychologiques du SII ne peuvent être oubliés même si la prévalence des troubles psychiatriques au cours du SII reste débattue. Cette prévalence est supérieure à celle de la population générale dans le groupe des patients atteints d’un SII qui consultent très régulièrement. D’autre part, une névrose d’angoisse ou phobique, un état dépressif, une histoire d’évènements de vie douloureux (divorce, deuil, histoire d’abus sexuel qui est identifiée chez près des 30 % des malades), une exposition régulière à des événements stressants sont des facteurs significativement associés à une plus grande sévérité des symptômes et à une moins bonne réponse au traitement.