2  -  Prescrire une transfusion des dérives du sang

2 . 1  -  En préalable : connaître les indications des transfusions de PSL

Indications de la transfusion de CGR

  • L’indication se pose devant une anémie soit aiguë (déglobulisation par destruction ou hémorragie), soit chronique. Dans le cas de l’anémie aiguë, deux facteurs sont à prendre en considération : le déficit volémique (désamorçage de la pompe cardiaque) et l’hypoxie des tissus, dont le cerveau et le cœur.
  • L’objectif de la transfusion de CGR est d’apporter de l’oxygène dans les tissus, qui n’est délivré que par l’hémoglobine, à la suite d’un passage de l’état ferrique à l’état ferreux d’un atome de fer. La transfusion de CGR corrige le déficit en hémoglobine. Le déficit isolé en fer n’est pas une indication transfusionnelle. Une bonne oxygénation du patient est nécessaire en parallèle avec la transfusion.
  • Sans qu’il y ait de réel consensus clinique, on considère qu’un sujet ayant plus de 10 g/dl d’hémoglobine ne sera pratiquement jamais transfusé, et il le sera très probablement s’il a moins de 6 g/dl. Cependant, en dehors de la valeur de l’hémoglobine, il faut tenir compte de l’état clinique et de la pathologie responsable de l’anémie. Les valeurs seuils sont différentes chez l’enfant, le sujet âgé, les patients atteints d’hémopathies ou d’hémoglobinopathies, en insuffisance rénale. La tolérance de l’anémie est très dépendante de sa rapidité d’apparition. Le volume de CGR à transfuser devra être calculé en fonction du taux d’hémoglobine à atteindre, dépendant du volume sanguin du sujet.
  • Précautions immunohématologiques et immunologiques :
    •  la compatibilité (pas nécessairement l’identité) ABO est systématiquement respectée et la compatibilité RH1 (RhD) est toujours respectée chez la femme en âge de procréer et le jeune polytransfusé, elle ne l’est pas exceptionnellement dans d’autres circonstances ;
    • la compatibilité RH-KEL est souhaitable chez le futur polytransfusé (hémoglobinopathies en particulier) ;
    • les CGR sont irradiés par des rayons gamma ou dans certains cas de greffes (ou en cas de don intrafamilial pour groupe rare) ainsi que chez le fœtus et le nouveau-né ;
    • l’indication de GGR CMV– est restreinte à quelques cas de greffe et en néonatalogie ; la déplasmatisation est indiquée en cas de déficit connu en IgA ou d’intolérance au plasma.


Indications de la transfusion de CP

La transfusion de plaquettes est soit prophylactique, soit thérapeutique.

En oncohématologie, la transfusion prophylactique est de règle lorsque le nombre de plaquettes est inférieur à 10 G/l ou, dans certains services, à 20 G/l.

En ce qui concerne la transfusion de plaquettes thérapeutique, le risque hémorragique existe en dessous de 100 G/l. Des facteurs associés (infection, antibiothérapie, chimiothérapie…) peuvent accroître le risque hémorragique. La transfusion de plaquettes est recommandée en cas d’intervention ophtalmologique ou neurologique à partir de 100 G/l. Pour des gestes invasifs, la transfusion sera indiquée en cas de thrombopénie inférieure ou égale à 50 G/l.

Les CP délivrés tiennent compte du besoin estimé du patient en fonction de sa taille, de son poids et de la dernière numération plaquettaire (mentions obligatoires sur l’ordonnance). Ils sont, chaque fois que cela est possible, dans le groupe ABO du receveur. En dehors d’une immunisation, on ne tient pas compte du groupe HLA ou HPA.

Les CP délivrés en France précisent le nombre de plaquettes présentes dans le produit ; on peut ainsi suivre l’efficacité de la transfusion en calculant son rendement (plaquettaire). En cas d’inefficacité transfusionnelle, une investigation s’impose pour déterminer la cause, le plus souvent, d’une immunisation anti-HLA.

Indications de la transfusion de PFC

  • À la différence des deux autres PSL, le PFC n’est délivré que sous condition, à savoir l’une des quatre indications dont la mention est obligatoire sur l’ordonnance et à cocher par le prescripteur. Ce sont, réglementairement :
    • les coagulopathies de consommation grave avec effondrement du taux de tous les facteurs de coagulation ;
    • l’hémorragie aiguë avec déficit global des facteurs de la coagulation ;
    • le déficit complexe rare en facteur de la coagulation lorsque les fractions coagulantes correspondantes ne sont pas disponibles ;
    • l’échange plasmatique dans le purpura thrombotique thrombocytopénique et la microangiopathie thrombotique ou le syndrome hémolytique et urémique.
  • Néanmoins, en cas de choc hémorragique il a été montré depuis quelques années que l’utilisation précoce du PFC et un ratio PFC/CGR de 1 améliorent la survie des patients. Cette pratique est en voie de généralisation.
  • On vérifie l’efficacité de la transfusion de PFC en testant les facteurs de coagulation avec les tests ad hoc, TP (taux de prothrombine), TCA (temps de céphaline + activateur)…
  • Le déficit isolé de facteur de la coagulation pour lequel il existe un MDS n’est en aucun cas une indication de PFC ; de même, le remplissage n’est jamais une indication de PFC : cela représente une faute thérapeutique.


Indication de la transfusion de concentrés de granulocytes

  • Cette indication est exceptionnelle, et posée devant des cas de déficit immunitaire avec infections gravissimes, résistantes à l’antibiothérapie.
  • Les concentrés de granulocytes sont de manipulation complexe sur tout l’ensemble de la chaîne transfusionnelle. Ils doivent être compatibilisés et irradiés.

2 . 2  -  Prescrire la transfusion

  • Cela nécessite de :
    • disposer des éléments cliniques et biologiques nécessaires à la pose de l’indication ;
    • disposer des éléments relatifs aux antécédents de transfusion ou de greffe, et sur une éventuelle allo-immunisation antiérythrocytaire ou tissulaire ; en cas d’antécédents transfusionnels, interroger sur l’occurrence d’EIR ;
    • disposer de documents valides de groupes sanguins et des résultats de la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) datant de moins de 72 heures pour la prescription de CGR ;
    • informer le patient de la possibilité ou de la décision d’une transfusion sanguine et tracer l’information dans le dossier transfusionnel du patient : un document d’information peut être remis cette occasion ;
    • recueillir obligatoirement le consentement du patient ou de son représentant légal, et tracer dans le dossier transfusionnel ;
    • garder la trace écrite du consentement, du refus ou de l’impossibilité d’informer le patient ;
    • définir l’indication et si possible le nombre et la nature des PSL devant être prescrits en fonction de la pathologie du patient ou de la nature d’une intervention chirurgicale.
  • La prescription est effectuée par un médecin identifié comme le médecin prescripteur, qui :
    • s’assure de l’information éclairée du malade ;
    • vérifie l’exécution et les résultats du bilan prétransfusionnel ;
    • rédige une ordonnance nominative comportant l’identification du patient, du service de soins, le nom et la signature du médecin prescripteur ; la nature et le nombre de produits demandés, les qualifications et transformations souhaitées ; la date de la prescription, la date et l’heure prévue de la transfusion, ainsi que l’indication de la transfusion pour les PFC, le degré d’urgence, le poids du patient et la numération plaquettaire du jour pour prescriptions de plaquettes ;
    • joint deux déterminations de groupe sanguin ou un document de groupage sanguin valide (carte de groupe sanguin) et les résultats de RAI de moins de 72 heures ou, en leur absence, achemine les échantillons de sang permettant d’effectuer ces analyses.
  • Une attention particulière s’attache à vérifier et/ou prescrire les examens immunohématologiques prétransfusionnels :
    • à ce jour, documents de groupage sanguin valides (arrêté du 26 avril 2002), avec double détermination sur deux prélèvements distincts :
    • groupe ABO-RH1 ;
    • phénotype RH (2 à 5), KEL (RH-KEL1).
    • phénotype érythrocytaire étendu, si nécessaire (transfusions itératives, protocoles de greffe) : détermination des antigènes JK, FY, MNS ;
    • résultat de RAI datant de moins de 72 heures avant la transfusion, ou datant de moins de 21 jours, sur indication formelle du prescripteur, et en l’absence d’antécédents transfusionnels ou d’autres épisodes immunisants (grossesse, greffe…) dans les 6 mois précédents.

2 . 3  -  Délivrance de la prescription

Après la prescription, les PSL seront délivrés par le site transfusionnel ou le dépôt sanguin au vu de :

  • l’ordonnance signée du médecin ;
  • les résultats des examens immunohématologiques, intégrés par voie informatique ou – à défaut – sur présentation des documents de groupage sanguin valides ;
  • la RAI valide (< 72 heures sauf protocole 21 jours) ;
  • la vérification d’un protocole transfusionnel particulier : CMV négatif, irradiation, autres transformations/préparations secondaires, allogreffe de CSH (cellules souches hématopoïétiques)…


La délivrance conforme comportera :

  • les PSL placés dans un sac étanche et conditionnés pour le transport à la température ad hoc – conteneur validé pour la température ; un conteneur par ordonnance (= recommandé) en cas de délivrance multiple par service hospitalier ;
  • le retour des documents transfusionnels ;
  • la fiche de délivrance (FD) horodatée (date et heure de réception de l’ordonnance, date et heure de délivrance des produits), dont un double devra être retourné, complété, pour assurer la traçabilité (sauf en cas de traçabilité informatique).

2 . 4  -  Réalisation de l’acte transfusionnel

  • Vérification à réception de la destination du « colis », de la conformité de la livraison (« vérification du colis ») puis de la conformité des produits livrés.
  • Mise en place de la transfusion dans les meilleurs délais sans dépasser le délai de 6 heures (suivant la réception du colis dans le service si les conditions de transport répondent aux bonnes pratiques). Cela justifie de fractionner les commandes en fonction des besoins du patient.
  • S’assurer de la disponibilité des documents nécessaires à la traçabilité : prescription du PSL, fiche de délivrance, dossier transfusionnel, documents indispensables à la réalisation de l’acte transfusionnel (groupe, RAI…), documents antérieurs éventuels.
  • Ouverture d’un dossier transfusionnel, selon procédure locale.
  • Vérifications prétransfusionnelles au lit du malade (unité de lieu, de temps et d’action) : en deux étapes :
    • pour tous les PSL :
    • identification précise du patient, si possible par une question ouverte ;
    • contrôles ultimes de concordance ;
    • concordance avec l’identité du patient notée sur l’ordonnance, la FD et le document de groupage sanguin ;
    • concordance du groupe sanguin mentionné sur le document de groupage sanguin du malade avec celui mentionné sur l’étiquette du produit ;
    • concordance des données d’identification du produit notées sur l’étiquette avec celles de la FD, contrôle de la péremption du PSL.
    • pour les CGR : contrôle ultime de la compatibilité biologique ABO, selon les modalités d’utilisation du dispositif de contrôle ultime en usage dans l’établissement : prélèvement capillaire du patient et d’une goutte de la poche à transfuser ; vérification des concordances de réactivité : les globules rouges à transfuser ne doivent pas être agglutinés par un réactif n’agglutinant pas les globules rouges du receveur (en cas de doute si minime soit-il, ne pas transfuser, demander un avis).
  • Pose de la transfusion sous la responsabilité d’un médecin identifié comme médecin transfuseur de proximité qui doit pouvoir se rendre immédiatement sur place, après la mesure des paramètres que sont la tension artérielle, le pouls et la température.
  • Cas particulier de l’urgence vitale : le degré de l’urgence doit être mentionné sur l’ordonnance de prescription des PSL.
    • Urgence vitale immédiate : si absence de groupe, délivrance sans délai de CGR non isogroupe = O (sans anticorps) ; RH : -1, -2, -3, 4, 5 et KEL : -1 ou RH : 1 ; 2, -3, -4, 5 et KEL : -1 avant la connaissance des résultats des examens réglementaires. Dans cette situation, les résultats d’une RAI ne sont pas nécessaires. En revanche, avant la pose de la transfusion, il faut effectuer les prélèvements afin de réaliser les examens d’immunohématologie.
    • Urgence vitale : pas de RAI disponible, délivrance de CGR isogroupes ou compatibles dans un délai inférieur à 30 minutes, avec deux déterminations de groupe sanguin ABO RH-KEL1, avant la connaissance des résultats de la RAI.
    • Urgence « relative » : nécessité de groupe sanguin ABO RH-KEL1 et RAI conformes, délivrance de CGR isogroupes ou compatibles dans un délai de 2 à 3 heures.
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