3  -  Offre de soins

Le devenir de ces familles dépend beaucoup de la qualité de l’accueil qui va leur être proposée à l’occasion d’une grossesse. Cet accueil a été profondément humanisé ces dernières années dans de nombreuses équipes françaises.

3 . 1  -  Repérage de ces consommations

Il doit être le plus précoce que possible, dès la première consultation, et/ou lors de l’entretien du 4e mois, éventuellement à l’aide d’autoquestionnaires. Les professionnels de la périnatalité doivent apprendre à parler, simplement et sans aucun jugement, avec les femmes de leurs consommations de drogues licites et illicites. L’équipe de maternité doit être en mesure de répondre aux besoins de ces femmes : sages-femmes référentes en addictologie et réseau de correspondants addictologues, au mieux sous la forme d’une équipe hospitalière transversale de liaison et de soins en addictologie (ELSA).

3 . 2  -  Suivi de grossesse

Ces femmes doivent être suivies en tant que femmes enceintes (pas « toxico ») ayant une grossesse à risques, avec un esprit de réduction des risques autant que supportable par les femmes. Les soins, pendant la grossesse et le post-partum, doivent être personnalisés en fonction du contexte global et assurés par une équipe pluridisciplinaire chaleureuse, avec un discours homogène sans contradictions, ouverte aux questions du couple : obstétricien(ne)s et sages-femmes pour le suivi de grossesse, pédiatres avec un contact anténatal, anesthésistes, psychologues, travailleurs sociaux et ELSA pour les soins d’addictologie (drogues illicites et licites). L’objectif est d’assurer un suivi de grossesse précoce, ce qui nécessite un travail en réseau et un climat de confiance avec les médecins généralistes et les centres spécialisés qui suivaient ces femmes (CSAPA Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie ou CAARUD : Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour les Usagers de Drogues). Le suivi échographique sera renforcé. L’objectif principal est que ces femmes soient le mieux équilibrées que possible pendant la période vulnérable du post-partum, pour qu’elles puissent participer activement aux soins de leur enfant et être valorisées dans leur fonction parentale, pour une mise en place la plus harmonieuse possible du lien mère-enfant.

3 . 3  -  Accueil du nouveau-né

La prise en charge du nouveau-né en salle de naissance est le plus souvent standard, en fonction de l’anamnèse obstétricale, sauf en cas de prises massives de benzodiazépines pouvant nécessiter un traitement par anexate en cas d’apnée primaire. La prescription de naloxone (Narcan®) est formellement contre-indiquée en cas de consommation chronique d’opiacés pendant la grossesse ; elle provoquerait l’apparition d’un syndrome de sevrage immédiat et sévère.

Sauf en cas de besoins de soins de réanimation, la place du nouveau-né de mère toxicomane doit être assurée le plus souvent possible en maternité dans la chambre de sa mère, au mieux en chambre « kangourou » (un lit de suites de couches et un lit de néonatologie dans la même chambre) ; cette hospitalisation conjointe diminue la fréquence et la sévérité du syndrome de sevrage et le recours au traitement morphinique.

Le risque de syndrome de sevrage intense existe surtout après exposition in utero aux opiacés, surtout si associée à la prise de benzodiazépines et en cas de poly-toxicomanie. Sa gravité est imprévisible et sera mesurée par les scores de Lipsitz ou de Finnegan (tableaux 27.7 et 27.8).

Le traitement est essentiellement le nursing avec et par la mère : berçage, peau à peau, allaitement maternel qui doit être encouragé (sauf sérologie VIH positive chez la mère) ; son effet bénéfique sur le syndrome de sevrage est bien documenté, non pas à cause du passage d’opiacés dans le lait de mère qui est très faible, mais par la qualité du nursing maternel. Le traitement médicamenteux, quand il est nécessaire, internationalement prôné est le dérivé morphinique ; en France, c’est surtout le chlorhydrate ou le sulfate de morphine qui sont utilisés. Il ne doit être prescrit qu’en cas de syndrome de sevrage très sévère « inconsolable ». Parmi les autres traitements proposés, le Gardénal® a des indications en cas de convulsions (rares) ou en adjonction aux morphiniques en cas de syndrome de sevrage sévère et prolongé. La chlorpromazine n’est plus guère utilisée. Le diazépam (Valium®) est contre-indiqué en raison de son élimination lente et de son effet d’aggravation des difficultés de succion.

L’organisation de la sortie doit être anticipée en cours de grossesse s’il existe des vulnérabilités psycho-sociales, lors de réunions d’évaluation pluri-professionnelles incluant les partenaires de la ville concernés par le suivi de l’enfant et de sa mère. Selon le contexte familial, la sortie peut s’organiser à domicile ou dans un hébergement plus ou moins encadré avec la PMI, et au besoin l’Aide Sociale à l’Enfance (Aide Éducative à Domicile) ou même par décision judiciaire (Aide Éducative en Milieu Ouvert). Quand la sortie avec la mère ne semble pas envisageable, il convient d’envoyer au Président du Conseil Général une Information Préoccupante, et, après enquête, la Justice peut prononcer une Ordonnance de Placement Provisoire ; l’enfant sera alors pris en charge en Pouponnière ou en famille d’accueil de l’Aide Sociale à l’Enfance, avec si possible un maintien du lien avec la mère.

Le suivi d’un enfant présentant un risque de troubles du développement doit être le plus précoce que possible, la structure la plus appropriée étant l’équipe pluri-professionnelle de prise en charge des handicaps pédiatriques des CAMPS (Centres d’Action Médico-Sociale Précoce).

L’équipe de la maternité doit reprendre contact avec l’équipe d’addictologie ou le médecin généraliste qui suivait cette femme pour assurer la poursuite des soins après la sortie.

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