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L'épidémiologie s'intéresse aux aspects quantitatifs de la morbidité et de la mortalité. Elle s'appuie sur des enquêtes. Pour les aspects gérontologiques, il existe deux grands types d'études : les études transversales et les études longitudinales. Elles ont leurs avantages et inconvénients qu'il faut connaître avant d'interpréter les résultats.
Si on veut, par exemple, préciser quelle est l'influence de l'âge sur la masse osseuse, la façon la plus simple consiste à mesurer cette masse osseuse sur des échantillons
de population représentatifs des différentes tranches d'âge. L'étude peut être réalisée pendant une période brève. Cette façon de procéder donne une indication sur la masse osseuse dans la population au moment de l'enquête. La pente de la droite qui va relier la masse osseuse moyenne respectivement de sujets de 20 et de 70 ans, ne peut pas être interprétée comme représentative des effets du vieillissement osseux. Ce type d'enquête est soumis à deux types de biais : l'effet de cohorteDéfinitionUne cohorte désigne un ensemble d'individus ayant vécu un même événement au cours d'une même période. Pour les cohortes de naissances, on utilise plus volontiers le mot de génération : la génération 2005 est la cohorte des enfants nés en 2005. Pour les cohortes de mariages, on utilise aussi le mot de promotion : la promotion 2005 est la cohorte des couples unis en 2005. et l'effet de sélection.
La confusion âge-cohorte tient au fait que les générations se succèdent et qu’elles n’ont pas été soumises aux mêmes âges aux même conditions de vie selon le lieu et l’époque où elles vivent. Ainsi les personnes âgées de 70 à 80 ans ont connu des conditions de vie telles que l’absence de prévention systématique du rachitismeDéfinitionLe rachitisme est une maladie de la croissance et de l'ossification observée chez le nourrisson et le jeune enfant. Elle est caractérisée par une insuffisance de calcification des os et des cartilages et est due à une carence en vitamine D (on parle alors d'avitaminose D). Le rachitisme se voit dans les pays faiblement ensoleillés, ou dans les pays où les enfants vivent couramment cloîtrés. Il touche les enfants entre 6 et 18 mois. C'est une maladie qui devient rare dans les pays développés grâce au dépistage précoce et surtout au traitement prophylactique. de l’enfant,
la guerre et ses privations dont on peut déduire qu’à 20 ans leur masse osseuse était différente de celle de la génération actuelle et des jeunes de 20 ans. De même les scores aux tests d’intelligence sont fortement influencés par le niveau d’étude qui a augmenté depuis le début du siècle. Les résultats transversaux montrant une diminution importante des scores avec l’âge sont des artéfacts dus à la confusion âge-cohorte. Une cohorte reflète les environnements et les expériences de la vie; elle relie le cours de la vie à l’histoire. Les différences observées dans les études transversales résultent à la fois d’un phénomène de cohorte et d’un phénomène de vieillissement sans que l’on puisse apprécier avec précision l’importance de l’un et de l’autre.
La population âgée est très diverse, constituée d'une part de personnes dont le vieillissement est optimal qui sont en pleine forme physique et intellectuelle et indemnes de toute maladie, d'autre part de sujets dont le vieillissement se situe dans la moyenne et, enfin, de sujets plus ou moins malades et dépendants résidant éventuellement en institution. Le recrutement d'un échantillon de population âgée en vue d'une étude risque de sur-représenter soit, cas le plus fréquent, les plus performants soit, à l'opposé, les plus accessibles, ceux qui résident en institution.
Les uns et les autres ne sont pas les plus représentatifs du vieillissement moyen.
En résumé, dans les enquêtes transversales, le biais de cohorte tend à faire croire que la pente du vieillissement est plus importante qu'elle ne l'est en réalité. Le biais de sélection risque de faire croire le contraire.
Il s'agit le plus souvent de regroupement de cohortes nationales en vue de réunir les données de ces différentes études tout en veillant à harmoniser les critères de diagnostic et le recueil des facteurs de risque. Citons EURODEM sur l'épidémiologie de la démence, EURONUT sur la nutrition des personnes âgées, EUROPARKINSON sur l'épidémiologie de la maladie de Parkinson,EURODEP sur l'épidémiologie des dépressions, EURO-REVES sur l'espérance de vie sans incapacité, MEDOS sur l'ostéoporose et les fractures ostéoporotiques pour les pays d'Europe méditerranéenne.
Elles réalisent un suivi de populations définies par des critères initiaux. Il existe deux types d'études longitudinales : les études "exposés-non exposés" et les études de cohortes.
Les études "exposés-non exposés", consistent à sélectionner un groupe de sujets ayant été exposés à un facteur de risque et un groupe de témoins, puis à surveiller l'apparition de la maladie étudiée dans les deux groupes. Les études de cohortes se font sur échantillons représentatifs pendant un temps donné. Elles permettent de mesurer la fréquence de l'exposition et l'incidence des maladies, mais nécessitent un très grand nombre de sujets et un suivi prolongé. Peu nombreuses, ces études sont, par contre, très informatives.
Au début des années soixante, on comptait en Europe sept études longitudinales initiées par des cliniciens portant essentiellement sur des données biologiques et physiologiques. Au début des années quatre vingt dix, on dénombre 70 études longitudinales relatives au vieillissement dans les pays européens : 22 sont multidisciplinaires, 34 médicales, neuf sociales, cinq psychologiques. Elles ne sont pas toutes d'égale valeur.
Le principal avantage des études longitudinales est d'apporter des renseignements sur les changements intra-individuels propres à chaque individu au cours du vieillissement, ce qu'une étude transversale ne peut pas faire.
Lorsqu'on s'intéresse à la survenue des maladies, les études longitudinales permettent une mesure directe de l'exposition et de son évolution avant l'apparition de la maladie. On peut faire un calcul du risque relatif propre au facteur d'exposition et ainsi faire plus facilement le lien entre facteur de risque et facteur causal. Les différences entre les individus augmentent avec le vieillissement. Les études longitudinales permettent de mieux identifier la variabilité interindividuelle, croissante dans les changements intra individuels. Ces études identifient des phénomènes liés au temps. Elles seules permettent de découvrir des phénomènes intercurrents, tel que "l'effet dormeur" pour
lequel il s'écoule un long laps de temps entre l'exposition et l'apparition d'une maladie.
Elles comportent aussi de nombreux inconvénients de part leurs difficultés de réalisation et leur coût élevé. Les études doivent en effet inclure un grand nombre de sujets et assurer un suivi sur une durée suffisante (au minimum 5 ans) pour permettre d'observer les phénomènes attendus (exemple : l'étude de Framingham a débuté en 1948 et se poursuit). Les causes d'erreurs systématiques (les biais) doivent être répertoriées et si possible contrôlées.
Les biais de sélection sont parmi les plus graves. L'échantillon doit être représentatif de la population sur une base géographique définie. Cette condition est indispensable pour que les résultats puissent être rapportés à la population d'origine de l'échantillon ou à des populations similaires. La seule méthode pour construire un échantillon, en limitant le risque de biais sélectif, est un tirage au sort en proportion adéquate sur l'ensemble de la population. Les difficultés sont d'autant plus grandes en gérontologie qu'il faut inclure des personnes dont la mobilité est réduite, qu'elles vivent à leur domicile ou en institution. Ne prendre en considération que des volontaires se rendant à une convocation, entraîne une sélection des sujets motivés et en meilleure santé. Un taux élevé de refus est fréquent chez les personnes âgées.
Les difficultés de mesure des différents facteurs d'exposition et de classement dans les catégories de maladies constituent d'autres biais. Pour les éviter, il est nécessaire de recourir à des définitions précises et des critères simples tenant compte du fait que ces études sont réalisées sur une population à priori saine.
D'autres causes d'erreurs sont liées à la durée du suivi. Les plus redoutables sont le nombre de perdus de vue et de refus.
PAQUID est une enquête épidémiologique longitudinale dont l'objectif est d'étudier le vieillissement cérébral et fonctionnel après 65 ans, d'en distinguer les modalités normales et pathologiques et d'identifier les sujets à hauts risques de détérioration physique ou intellectuelle chez lesquels une action préventive serait possible.
Deux axes principaux de recherches ont été développés :
• l'étude du vieillissement cérébral normal et pathologique avec pour but d'analyser l'évolution du fonctionnement cérébral après 65 ans et d'estimer la prévalence, l'incidence et les facteurs de risque d'une démence dégénératrice et plus particulièrement de la maladie d'Alzheimer.
• l'étude de la perte d'autonomie du sujet âgé avec pour but de décrire l'état fonctionnel des personnes âgées, d'estimer l'incidence d'entrée en incapacité ou de retour à l'auto nomie, de déterminer les facteurs qui entraînent l'entrée en institution.
L'enquête menée par DARTIGUES et coll. a débuté en 1988 et se poursuit depuis lors. Elle porte sur une cohorte de 4134 personnes âgées vivant en Gironde et en Dordogne.
L'échantillon a été constitué en trois vagues successives. En Gironde, 37 communes ont été choisies au hasard, 4050 personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile ont été tirées au sort, 2792 ont accepté de participer à l'étude, soit un taux d'acceptation de 69 %. En Dordogne, la même procédure a amené la sélection de 1505 personnes dans 38 communes différentes, 985 ont accepté de participer à l'enquête (66 %). Un échantillon de 357 personnes vivant en institution a été constitué en Gironde par la sélection au hasard de 42 établissements.
Le recueil des données s'effectue au domicile des personnes âgées par des enquêtrices psychologues spécifiquement formées. Le suivi est annuel alternant visite à domicile, enquête postale ou téléphonique. Les événements enregistrés sont le décès, l'entrée en institution, l'évolution de l'état fonctionnel et la survenue d'une détérioration intellectuelle.
En Dordogne, le taux de participation est de 83 % à 3 ans, de 79 % à 5 ans. En Gironde, le taux de participation est de 67 % à 3 ans, de 71 % à 5 ans. En institution, le taux de participation est beau- coup plus élevé (97 %).
Parmi les 3675 sujets initialement non déments, 77 % ont été revus au moins une fois, 10,6 % sont décédés avant d'être revus, 12 % ont refusé le suivi et seulement 0,2 % ont été perdus de vue.
Dans le cadre de cette étude, il apparaît que la prévalence globale de la démence est de 4,3 % de la population de plus de 65 ans et celle de la maladie d'Alzheimer est de 3,1 %. Pour cette dernière, elle est de 1,8 % pour les sujets vivant à domicile et de 26,3 % en institution.
Durant les cinq premières années de suivi, 190 déments incidents ont été repérés. Avant 65 ans, l'incidence est relativement stable à 3,5 % personnes- années. Après 75 ans, l'incidence croît de façon linéaire pour atteindre 6 % personnes-années. Parmi les déments incidents, 53,1 % sont décédés au cours du suivi alors que le taux de décès pendant le suivi chez les non déments n'était que de 26,3 %. La moyenne de survie des déments est de 2,85 ans.
Les facteurs de risque d'apparition d'une démence sont :
• le sexe féminin, avant 75 ans
• le bas niveau d'étude
• la présence de l'allèleDéfinitionOn appelle allèles les différentes versions d'un même gène. Chaque allèle se différencie par une ou plusieurs différences de la séquence de nucléotides. Ces différences apparaissent par mutation au cours de l'histoire de l'espèce, ou par recombinaison génétique. Tous les allèles d'un gène occupent le même locus (emplacement) sur un même chromosome. ApoE4
En revanche la consommation modérée de vin a un effet protecteur.
En associant autonomie fonctionnelle et déficit cognitif il apparaît que, parmi les huit activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL de Lawton), quatre sont très prédictives d'un risque de démence lorsqu'elles sont perturbées : utiliser le téléphone, utiliser les moyens de transport, prendre ses médicaments, gérer son budget. Un score additionnel en fonction du nombre de type de dépendance montre une sensibilité à 0,94 et une spécificité à 0,71.
L'étude EPIDOS est une étude prospective et multicentrique des facteurs de risque de fracture du col du fémur chez les femmes âgées de plus de 75 ans. Les principaux objectifs de l'étude sont :
• d'évaluer la valeur prédictive des mesures de densité minérale osseuse, des mesures ultrasonores et des dosages du marqueur du métabolisme osseux vis-à-vis du risque de fractures du col du fémur.
• identifier parmi les facteurs liés aux chutes, ceux qui augmentent le risque de fracture du col du fémur.
Les femmes ont été recrutées par courrier à partir des listes électorales dans cinq villes françaises (Amiens, Lyon , Montpellier, Paris, Toulouse). Chaque femme a été conviée à se rendre en examen initial dans l'un des centres. Le suivi est de trois ans, il comporte l'envoi d'un questionnaire tous les quatre mois portant sur la survenue de chaque fracture et d'un questionnaire plus long tous les ans. En cas de fracture, une enquête détaillée est faite sur les circonstances de la chute. Un questionnaire identique a été administré à un échantillon de chuteuses n'ayant pas souffert de fracture pour comparer les circonstances de chutes.
Au total 7198 femmes d'un âge moyen de 80,5 ans ont été recrutées entre janvier 1992 et janvier 1994. Parmi elles, 90 % vivent à leur domicile et 10 % en hébergement collectif. Au cours du suivi qui représente 18033 années femmes, 192 fractures du col du fémur et plus de 1000 autres fractures ont été enregistrées. Le taux d'incidence de fractures du col du fémur dans cette cohorte est de 10,5 pour 1000 années femmes.
Ces deux enquêtes visent à mesurer l'influence des conditions de vie, des conditions de travail et du passé professionnel sur le vieillissement et la survenue d'incapacités. L'enquête IPSIE a débuté en 1982 auprès d'un échantillon de 993 personnes (hommes et femmes) âgées de plus de 60 ans de la région parisienne. L'enquête s'est déroulée à
domicile. On a reconstitué le passé professionnel avec ses facteurs de risque propres, les conditions de vie, les antécédents médicaux, l'état de santé et les déficiences pour cinq grandes fonctions (ostéo-articulaire, cardio-respiratoire, digestive, sensorielle et mentale).
Les sujets ont été réexaminés tous les cinq ans. Elle a été relayée et enrichie par l'enquête ESTEV débutée en 1990 dans sept régions françaises sur un échantillon représentatif de 21378 salariés répartis en quatre années de naissance (1938 donc proches du départ en retraite, 1943, 1948, 1953). Cette enquête a aussi mesuré la santé psychique et la santé perceptuelle.
Ces deux enquêtes montrent l'importance du passé professionnel, du non choix de sa profession et l'importance de la pénibilité physique sur un vieillissement prématuré.