Les cancers humains, maladies génomiques de la cellule, sont dus à des mutations génétiques, incluant les anomalies chromosomiques, généralement acquises, car observées uniquement dans les cellules tumorales et non dans les tissus normaux. Ces proliférations tumorales sont en règle clonales. Une cellule, promue par une anomalie initiale donnera naissance à des cellules filles formant ainsi le clone tumoral, chacune d’entre elles pouvant acquérir de nouvelles fonctionnalités via l'acquisition d'anomalies additionnelles de son génome. Compte tenu du nombre de cellules exposées, ce mécanisme récurrent agit de façon massivement parallèle. Cette sélection darwinienne pervertie au niveau cellulaire touche les caractères les plus favorables à la prolifération : vitesse de croissance, adaptation à un nouvel environnement, résistance aux traitements, caractère mutateur, etc. On conçoit que, dans ces conditions, les anomalies chromosomiques soient considérées comme non aléatoires : elles sont liées intimement au processus tumoral et sont le résultat de la sélection. Ces remaniements successifs codent pour les étapes, souvent (très) nombreuses, de la promotion, de la transformation et de la progression tumorale incluant les métastases.

1  -  Des méthodes d'analyse des chromosomes en évolution (Tableau 1)


Les 46 chromosomes du génome humain, provenant pour moitié de chacun des parents, sont classiquement représentés avec deux chromatides nettement visibles, réunies par le centromère et terminées par les télomères, aspect qu'ils prennent lors de la métaphase, étape fugace de la mitose. En fait, les chromosomes sont relativement décondensés en interphase et ils occupent un «territoire» chromosomique avec des possibles protrusions d'ADN, portant des gènes souvent actifs, à distance. Depuis le séquençage du génome humain, la cartographie quasiment complète des gènes sur les chromosomes est disponible sur de nombreux sites internet publics. Ceci modifie profondément l’approche cytogénétique d’une tumeur.

Caryotype tumoral


Le caryotype classique se fait sur des cellules en division, ce qui oblige à obtenir des prélèvements vivants et stériles, sans certitude de succès de la mise en culture. Cette difficulté a réduit l’intérêt du caryotype en clinique au profit d’autres techniques non dépendantes de la survie des cellules (tableau 1).

La Fluorescence In Situ par Hybridation (FISH)

La FISH, (cf cytogénétique moléculaire), est utilisée en routine clinique avec des sondes commerciales. Elle détecte seulement les remaniements chromosomiques correspondant aux sondes utilisées. Elle fonctionne aussi bien sur des noyaux cellulaires (en interphase) que sur des chromosomes en mitose, permettant de s'affranchir des cultures cellulaires. Les empreintes cellulaires comme l’analyse des tissus fixés au formol et inclus en paraffine permettent désormais l'analyse par FISH de matériel tumoral, comme, par exemple, les détections d'amplification géniques d’ERBB2/HER-2.

Micromatrices d’ADN (array CGH)

L’array CGH (aCGH) et autres techniques similaires (SNP, Single Nucleotid Polymorphism), regroupées sous le terme d’Analyse Chromosomique sur Puces à ADN (ACPA), quantifient l’ADN tumoral le long du génome humain de référence, sous réserve que les cellules malignes soient majoritaires. Les micromatrices pangénomiques, comprennent de 100 000 à 2 000 000 oligonucléotides, ce qui autorise un échantillonnage analytique de tout le génome tumoral à forte résolution. Les anomalies du nombre de copies de quelques dizaines de kb à un chromosome entier sont détectables sur tout le génome sans hypothèse à priori. Ces méthodes ne peuvent cependant pas détecter les translocations équilibrées (sans perte ni gain de matériel chromosomique) et leurs équivalents. L'héterogéneité des clones tumoraux rend parfois l'interprétation de l'ACPA complexe et peut imposer des vérifications complémentaires, notamment par FISH ciblée.

Séquence

La séquence du génome complet commence à être envisagée pour des applications de recherche. Elle présentera l’avantage de détecter les remaniements équilibrés et non équilibrés.

Tableau 1 : Techniques utilisables en fonction du matériel biopsique fourni au laboratoire
  Matériel étudié :  FISH  
   aCGH 
   Caryotype 
  Séquence complète  
  Tissus frais stériles*      +      +         +                  +
  Apposition**      +      -         -                   -
  Tissus congelés      +      +         -                  +
  Tissus fixés en paraffine*** 
      +      +/-         -                   -

*Recueil en milieu de culture.
** Cellules complètes étalées sur la lame : les noyaux sont entiers.
***Les noyaux sont tronqués. L’aCGH et la séquence complète à partir de ce matériel sont du domaine de la recherche

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